Faut-il apprendre aux enfants à se méfier des pédoprédateurs ?

Article paru dans une version abrégée le 26 avril 2011 sur secunews.be (http://www.secunews.be/news.asp?ID=1111)

Evelyne Josse, 2011

http://www.resilience-psy.com

Faut-il informer les enfants des dangers auxquels les exposent les pédophiles et autres prédateurs d’enfants ? Est-il opportun de leur apprendre à s’en protéger ? La question fait débat dans les milieux autorisés. Certains sont pour, d’autres contre. Nous passerons brièvement en revue les arguments avancés par les uns et les autres et nous proposerons une issue pour sortir de la polémique.

Un danger exceptionnel mais bien réel

Les viols et les enlèvements imputables à des inconnus sont peu nombreux, les enfants étant plus fréquemment victimes d’agressions commises au sein de leur environnement familial et social. Certains pensent donc qu’il est inutile de les angoisser en les avisant de la possibilité d’événements graves mais cependant exceptionnels. A ces arguments, les autres répliquent que si le danger est rare, il est bien réel.

La sécurité, responsabilité parentale ou responsabilité partagée avec l’enfant ?

D’aucuns soutiennent que la sécurité des enfants est l’affaire des adultes. Selon eux, c’est aux parents, gardes d’enfants, enseignants, éducateurs, etc. qu’il incombe de garantir la protection des enfants et non aux intéressés eux-mêmes. Les autres rétorquent qu’aucun adulte n’est à l’abri d’une brève distraction lorsqu’il circule dans un endroit bondé, répond au téléphone ou devise avec une connaissance. Or, un simple moment d’inattention suffit pour qu’un enfant échappe au contrôle parental et tombe dans les griffes d’un prédateur à l’affût. Les adultes ont, pensent-ils, le devoir d’enseigner aux enfants des consignes de base susceptibles d’assurer leur sécurité et ce, dès qu’ils commencent à interagir avec le monde extérieur.

Fragiliser les enfants ou les renforcer ?

Certains prétendent qu’en voulant sensibiliser les enfants aux dangers de la pédo-prédation, les adultes risquent de transmettre leurs propres angoisses. Pour les enfants, disent-ils, les mots «pédophilie», «abus sexuel», «enlèvement» n’ont pas de sens concret, du moins pas celui qu’ils revêtent pour les adultes. Ne pouvant évaluer de tels événements à leur juste mesure, c’est au vécu subjectif de leurs proches qu’ils sont sensibles. Les autres objectent que les enfants sont soumis quotidiennement aux informations sordides transmises par les médias et qu’il est irréaliste de les en préserver. Or, même si leur compréhension diffère de celle de leurs aînés, force est de constater qu’ils peuvent être troublés par les événements effrayants ainsi portés à leur connaissance tout comme par les histoires terrifiantes des films de fiction qu’ils tiennent pour réelles (1). Vouloir les tenir dans l’ignorance des dangers potentiels qui les menacent pour les prémunir de l’angoisse serait donc une tentative illusoire.

Alors que les uns redoutent d’effrayer les enfants ou de les rendre inutilement craintifs en focalisant leur attention sur des situations dramatiques, les autres sont persuadés qu’informés des périls et des moyens de s’en préserver, ils sont mieux armés pour faire face aux défis de notre société.

A chacun de se faire son opinion.

Prévenir la pédoprédation, une opportunité éducative ?

Au-delà de toute polémique, reconnaissons que les agresseurs exploitent la naïveté et l’ignorance des enfants pour assouvir leurs pulsions. Ceux-ci subissent leurs agissements parce qu’ils ne disposent pas des moyens intellectuels, moraux et affectifs nécessaires pour prévenir et réagir adéquatement aux situations critiques : leur immaturité ne leur permet pas de différencier le bien du mal ni de comprendre la situation ; ils sont ignorants des possibilités d’aide et de recours ; ils ne sont pas conscients de leurs droits, etc.

Pour notre part, nous pensons que prévenir les dangers liés aux pédoprédateurs ne se résume pas à dire aux enfants de se méfier des inconnus. La prévention doit être l’occasion pour les parents et autres éducateurs d’inculquer des concepts fondamentaux tels que le respect de soi, de sa dignité, de son intégrité corporelle, de son intimité et de sa sécurité. Ces acquis permettront aux enfants d’acquérir la confiance en eux-mêmes et le sens des responsabilités nécessaires pour éviter les situations scabreuses, poser leurs limites, refuser des comportements inacceptables, demander de l’aide, etc.

Dans les prochains articles, nous verrons dans quelles situations les enfants doivent se montrer méfiants, nous analyserons les ruses communément utilisées par les pédoprédateurs et nous donnerons quelques conseils aux parents et autres éducateurs pour les aider à prévenir les dangers liés à la pédocriminalité.

(1) Josse E. (2011), Le traumatisme chez le nourrisson, l’enfant et l’adolescent, de Boeck, Coll. Le point sur

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Evelyne Josse

Psychologue, psychothérapeute

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