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Evelyne Josse, 2013
Définition
On entend par mutilations sexuelles ou mutilations génitales féminines (MGF), les actes de violence perpétrés contre l’intégrité sexuelle des personnes de sexe féminin, y compris les mutilations génitales féminines et les inspections imposées pour s’assurer de la virginité.
Les différentes formes de mutilations sexuelles
– La clitoridectomie. On entend par clitoridectomie, l’ablation de l’extrémité du clitoris ou du capuchon clitoridien.
– L’excision. Ce terme générique englobe la circoncision féminine sunnite ou à minima (ablation du prépuce clitoridien), la clitoridectomie simple (amputation partielle ou totale du clitoris) et la clitoridectomie élargie (résection du clitoris, excision partielle ou totale des petites lèvres).
– L’infibulation. Ce terme regroupe l’infibulation partielle (clitoridectomie, excision des petites lèvres, infibulation des 2/3 supérieurs des grandes lèvres) et l’infibulation totale ou large ou soudanaise ou circoncision pharaonique (clitoridectomie totale, ablation des petites lèvres, incision presque totale des grandes lèvres et suture de ce qui reste des grandes lèvres couvrant l’urètre et l’entrée du vagin et ne laissant qu’un minime pertuis très postérieur pour le passage de l’urine et des règles).
– La réinfibulation. La réinfibulation consiste à réinfibuler une femme après que l’infibulation ait été partiellement ou complètement ouverte, la plupart du temps pour faciliter l’accouchement. Elle est généralement pratiquée plusieurs fois au cours de la vie d’une femme, répétant les souffrances.
– L’introcision ou épisiotomie coutumière. L’introcision est l’élargissement de l’entrée du vagin obtenu par l’incision du périnée. Elle est pratiquée dans certaines tribus aborigènes d’Australie et au Pérou.
– Les blessures pratiquées au niveau du vagin. Ces blessures sont infligées dans l’intention de provoquer la formation de tissus cicatriciels. Citons le grattage de l’orifice vaginal (angurya cuts) et l’incision du vagin (gishiri cuts).
– Les blessures pratiquées au niveau du clitoris ou des lèvres. Mentionnons les incisions, les cautérisations, les piqûres, les perforations et l’étirement du clitoris ou des lèvres.
– Le repassage des seins. Cette pratique répandue au Cameroun vise à freiner le développement de la poitrine des jeunes filles. Elle consiste à masser la poitrine à l’aide d’objets chauffés (ustensile de cuisine tels pilon, pierres à écraser, louche ou spatule). Dans de très nombreux cas, ce « repassage » s’accompagne du port d’un serre-seins (souvent une simple chambre à air).
– Les inspections imposées pour s’assurer de la virginité. Les inspections pour s’assurer de la virginité d’une future épouse sont pratiquées dans de nombreux pays.
Les classifications internationales
L’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) ont établi une classification internationale en quatre types des diverses formes de mutilation génitale :
– Type I : Ablation partielle ou totale du clitoris et/ou du prépuce (clitoridectomie).
– Type II : Ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres (excision).
– Type III : Rétrécissement de l’orifice vaginal avec recouvrement par l’ablation et l’accolement des petites lèvres et/ou des grandes lèvres, avec ou sans excision du clitoris (infibulation).
– Type IV : Toutes les autres interventions nocives pratiquées sur les organes génitaux féminins à des fins non thérapeutiques, telles que la ponction, le percement, l’incision, la scarification et la cautérisation.
Les justifications à l’origine des pratiques mutilantes
Les mutilations sexuelles sont motivées par des raisons diverses :
— culturelles : éducation et initiation des fillettes à l’âge adulte et au mariage, perpétuation d’une tradition ancestrale, considérations esthétiques et hygiéniques, croyances populaires concernant la fécondité, etc. Par exemple, au Nigeria, une croyance soutient que l’enfant est condamné à mourir si sa tête touche le clitoris de sa mère pendant l’accouchement.
— sociales : préservation de la virginité prénuptiale et de la fidélité conjugale par réduction du désir sexuel, conformité sociale et intégration communautaire
— religieuses.
Contrairement à une idée largement répandue et malgré la conviction de certains dignitaires musulmans, les mutilations sexuelles ne sont pas ordonnées par l’Islam et ne sont prescrites par aucun texte sacré. Elles sont également pratiquées dans certaines communautés chrétiennes (par exemple, en Afrique) et juives (par exemple, en Ethiopie). De plus, il est attesté qu’elles sont réalisées depuis des temps immémoriaux antérieurs à l’apparition des religions monothéistes. En effet, des momies de plus de 3000 ans prouvent que les égyptiens pratiquaient déjà l’excision. L’expansion militaire et politique des Arabes dans les premiers siècles après Mahomet a entraîné l’islamisation de contrées où ces pratiques étaient courantes. Elles ont été progressivement intégrées dans les rites musulmans jusqu’à se confondre aujourd’hui dans certaines régions avec les prescriptions religieuses. Notons toutefois que le risque de subir une mutilation sexuelle est davantage lié à l’appartenance ethnique qu’à l’affiliation religieuse.
Le nombre de personnes concernées
On estime entre 100 et 140 millions le nombre de fillettes et de femmes mutilées dans le monde . Deux millions d’interventions sont pratiquées chaque année, principalement sur des fillettes entre 4 et 10 ans mais également sur des bébés.
Les régions concernées
Les mutilations sexuelles féminines sont répandues dans de nombreux pays, principalement en Afrique sub-saharienne (28 pays ) et au Moyen-Orient (Yémen, Arabie Saoudite, Emirat d’Oman). Dans une moindre mesure, elles sont présentes dans certains groupes au Proche-Orient (Irak, Israël), en Asie (Inde, Indonésie, Malaisie, Sri Lanka) et en Amérique latine (Colombie, Pérou). Certaines pratiques mutilantes sont également signalées dans des ethnies d’Amérique centrale, d’Amérique du Sud et en Australie. En Occident, l’accroissement des populations migrantes s’accompagne d’un risque significatif d’excision sur les terres d’accueil.
Les exciseurs
Suivant les régions, les mutilations sont pratiquées selon des rites traditionnels par des forgeronnes ou des femmes d’âge mûr appartenant aux institutions initiatiques féminines, des accoucheuses traditionnelles ou des barbiers. Elles sont parfois réalisées médicalement par des médecins ou des sages-femmes dans des centres de santé.
Dans certaines régions, en raison de la prise de conscience accrue des conséquences dommageables des mutilations sexuelles sur la santé, les parents sont de plus en plus nombreux à en confier l’intervention à des professionnels de la santé pratiquant dans des dispensaires publics, des centres privés, à domicile ou en d’autres lieux. Par exemple, en Égypte, plus de la moitié des excisions seraient pratiquées par des médecins ou des infirmières . La médicalisation des mutilations permet de modérer les douleurs et de réduire les risques immédiats tels que les hémorragies et les infections. Toutefois, elle ne protège pas des complications sexuelles, psychologiques et obstétricales futures. Ces interventions commises sans nécessité médicale constituent une violation des droits fondamentaux des personnes (droit à la non-discrimination pour des raisons de sexe, droit d’être à l’abri de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, droits de l’enfant, etc.) , de l’éthique médicale et dans de nombreux pays, de la loi.
Dans les pays occidentaux qui accueillent des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile, elles sont parfois pratiquées clandestinement par des médecins peu soucieux de respecter les législations en vigueur.
Le personnel médical accepte de commettre ces interventions pour diverses raisons : il partage la culture des patientes et considère ces pratiques comme admises culturellement ; il estime contribuer ainsi à la réduction des complications graves ; il est motivé par l’appât du gain ; etc.
La médicalisation des mutilations ne peut que renforcer la légitimité de ces traditions néfastes. En effet, le sérieux généralement reconnu au corps médical et le haut degré de respectabilité dont il jouit laissent penser que les interventions pratiquées sont sans danger, voire bénéfiques à la santé.
Bibliographie
IRIN (2005), Corps meurtris, rêves brisés : la violence à l’égard des femmes mise à jour, Chapitre 4 : La mutilation génitale féminine, http://www.irinnews.org/pdf/bbf/4IRIN-Duo-French.pdf
Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (2008), Eliminer les mutilations sexuelles féminines. Déclaration interinstitutions, Genève, http://whqlibdoc.who.int/publications/2008/9789242596441_fre.pdf
Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (2010), Mutilations sexuelles féminines, Aide-mémoire N°241, Février 2010, Genève, http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs241/fr/
Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (2010), Stratégie mondiale visant à empêcher le personnel de santé de pratiquer des mutilations sexuelles féminines, WHO/RHR/10.9, Genève, http://whqlibdoc.who.int/hq/2010/WHO_RHR_10.9_fre.pdf
Evelyne Josse
Psychologue clinicienne, psychothérapeute en consultation privée (hypnose éricksonnienne, EMDR, thérapie brève Palo Alto, EFT), formatrice en psychotraumatologie.
Auteur des livres Le traumatisme psychique chez le nourrisson, l’enfant et l’adolescent, de Boeck, coll. « Le point sur » paru en 2011, Le pouvoir des histoires thérapeutiques. L’hypnose éricksonienne dans la guérison des traumatismes psychiques, La Méridienne/Desclée De Brouwer publié en 2007, Interventions en santé mentale dans les violences de masse, écrit en collaboration avec Vincent Dubois, publié en 2009, de boeck