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Drogues du viol : le GHB et le GBL, qu’est-ce que c’est?

Evelyne Josse
Dernière mise à jour le 29/04/2022

L’article complet Josse E. (2022). « GHB, GBL et autres drogues du viol et d’escroquerie : effets, conséquences et prévention » est sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article520

Introduction

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En mars 2021, une page Instagram « # Balance ton folklore » est créée par des étudiantes de l’ULB, l’Université Libre de Bruxelles. Inspiré par le mouvement « #MeToo », « Balance ton folklore » partage le récit d’agressions sexuelles survenues pendant ou dans les suites de fêtes estudiantines organisées à l’ULB, d’abus au sein des cercles étudiants, notamment pendant les activités de baptême1, et le harcèlement sur le campus. Le mouvement gagne rapidement d’autres universités du pays ainsi que les Hautes Écoles. La parole se libère.

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Quelques mois plus tard, en octobre 2021, c’est au mouvement « #Balance ton bar » de voir le jour suite au signalement de plusieurs agressions sexuelles subies par des jeunes femmes après avoir ingéré des drogues à leur insu dans des bars et discothèques de Bruxelles. En quelques semaines, la vague déferle sur la France et l’Angleterre avant de traverser l’Atlantique et d’atteindre la Québec. Les témoignages glaçants des victimes se multiplient sur les réseaux sociaux. Les langues se délient. Le témoignage appelle le témoignage. Plus les victimes sont nombreuses à témoigner, plus d’autres s’autorisent à révéler les agressions dont elles ont été victimes. Ainsi, des jeunes femmes agressées il y a 5 ou 10 ans s’expriment enfin.

Durant l’automne et l’hiver 2021, le hashtag « Balance ton bar » fait florès dans les médias, avant de s’essouffler quelque peu. Le sujet des drogues du viol connaît un regain d’énergie ces derniers jours en raison de l’ouverture de nouvelles enquêtes pour administration de substances nuisibles par piqûres en boîte de nuit suite au dépôt de plainte de plusieurs jeunes femmes en France. Si la réalité des piqûres ne fait aucun doute, à ce jour, aucune substance psychoactive n’a été détectée, aucune seringue retrouvée et aucun suspect identifié. Le mystère reste entier.

Dans ce premier article, nous allons définir ce que ce sont le GHB et le GBL. Dans le suivant, nous verrons quels sont leurs effets.

GHB et GBL, de quoi parle-t-on ?

Pour commettre un viol ou des attouchements sexuels, des agresseurs n’hésitent pas à soumettre leur victime en lui administrant une substance psychoactive à son insu, par exemple, en la diluant dans sa boisson. Bien que le nombre d’agressions sexuelles commises selon cette méthode, connue dans les pays anglo-saxons sous le nom de « drink spiking », soit en constante augmentation, il restait largement sous-estimé et méconnu du grand public jusqu’au récent #Balancetonbar. L’explosion du nombre de signalements initiés depuis l’automne 2021 par ce mouvement a permis une libération de la parole.

Le GHB

Au milieu des années 1990, émerge l’appellation « drogue du viol ». Elle désigne le GHB ou acide gamma-hydroxy-butyrique, un anesthésiant classé dans la catégorie des stupéfiants en France et en Belgique. Le GHB possède une double action : sédative et amnésiante.

Son histoire
Synthétisé une première fois dans les années 1920, puis une seconde dans les années 1960, le GHB ne réussit pas à s’imposer dans les blocs opératoires des hôpitaux, ses inconvénients contrebalançant ses incontestables vertus anesthésiques.

Il fait un retour fin des années 1980 dans les salles de sport, les culturistes l’utilisant pour ses qualités euphorisantes ainsi que pour ses prétendues propriétés anabolisantes.

Quelques années plus tard, il apparaît dans les milieux récréatifs nocturnes, en particulier dans le milieu gay, comme substitut aux amphétamines et à l’ectasie, d’où ses différentes dénominations « liquid ecstasy », « liquid X », « fantasy », « scoop », etc.

Aujourd’hui, le GHB est utilisé comme anesthésique en salle d’opération et prescrit à titre thérapeutique dans le traitement de la narcolepsie (trouble rare du sommeil caractérisé par des endormissements soudains) et de la cataplexie2(perte soudaine du tonus musculaire sans perte de connaissance), de la fibromyalgie, ainsi que dans les dépendances à l’alcool et aux opiacés3. Des recherches sont également en cours sur le rôle préventif que pourrait jouer le GHB dans la maladie d’Alzheimer. La consommation à titre récréatif perdure, mais reste marginale par rapport aux autres drogues. Dans le cadre festif, les effets recherchés sont semblables à ceux de la MDMA (d’où son nom d’ectasie liquide). Dans le « chemsex »4 ou « sexe sous drogues », pratiqué principalement dans le milieu gay5, les effets visés sont l’amplification des sensations physiques et tactiles ainsi que la stimulation du désir sexuel. Mais si le GHB fait tant parler de lui actuellement, c’est principalement en raison de son utilisation à des fins délictuelles et criminelles.

Le profil du GHB

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Le GHB se présente le plus souvent sous forme liquide, mais il est également conditionné en poudre, en capsules et en granulés rapidement solubles. Incolore, son léger goût salé (d’où ses appellations « salty water » et « sel ») et savonneux passe inaperçu lorsqu’il est dilué dans une boisson sucrée ou alcoolisée.

Le GBL

Depuis 2006, le GBL, gamma butyrolactone, a remplacé progressivement le GHB. Le GBL est le précurseur du GHB. Métabolisé en GHB dans notre organisme après absorption, il entraîne les mêmes effets que le GHB. Toutefois, les effets du GBL peuvent être plus rapides, plus puissants et plus imprévisibles que ceux du GHB, la substance étant assimilée à des vitesses variables et en quantité différente selon les individus.

Le GBL est un produit industriel présent dans les solvants pour peinture, les décapants pour meubles, les détergents pour jantes de véhicule, etc. Bon marché, il est d’accès plus aisé que le GHB classé comme stupéfiant. En France, il est réservé aux industriels et les produits qui contiennent à une concentration supérieure à 10% ou en quantité supérieure à 100ml sont interdits de vente au grand public depuis 2011. Sa vente reste légale en Belgique. Les acheteurs s’en procurent sur Internet. Même si le GBL est aujourd’hui la forme la plus commune de « G », il est usuellement appelé GHB.

Le GBL se présente uniquement sous forme liquide. Tout comme le GHB, il est incolore, mais présente, par contre, une odeur forte et un goût chimique prononcé. Le goût est toutefois souvent indétectable en raison de la dilution importante du liquide dans le contenu d’un verre contenant une boisson sucrée ou alcoolisée.

GHB/GBL, libération de la parole ou augmentation des produits en circulation ?

La parole se libère et les témoignages font apparaître au grand jour la triste réalité des ingestions forcées de drogue et des agressions sous soumission chimique. Simple effet de loupe dû à la médiatisation ou recrudescence du nombre de cas ?

Le hashtag BalanceTonBar a mis en lumière un phénomène longtemps considéré comme marginal, voire comme relevant de la rumeur. Si le phénomène n’est pas nouveau, il semble toutefois en augmentation. Au Québec, le nombre d’intoxication au GHB/GBL a augmenté depuis l’été 2021, tous consommateurs confondus, volontaires et forcés6.

Les saisies de GHB et de GBL ne font pas l’objet d’une surveillance systématique en Europe. Mais les données disponibles montrent qu’elles sont en croissance. En 2019, 48 tonnes et près de 500 litres de « G » ont été interceptés sur un ensemble de 18 pays. En raison de l’utilisation intensive du GBL à des fins industrielles, il est cependant difficile d’interpréter ces données. La même année, les Pays-Bas et l’Allemagne ont annoncé le démantèlement de laboratoires de production de GHB, 9 au total pour les deux pays. La Belgique et l’Estonie ont, elles aussi, signalé la détection de sites de production.7Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (2021). Rapport européen sur les drogues. Tendances et évolutions. https://www.emcdda.europa.eu/system/files/publications/13838/2021.2256_FR_02_.pdf%5B/efn_note%5D

Notes et références

  1. Nom donné en Belgique au bizutage. Le bizutage est interdit en France.
  2. Xyrem®, UCB Pharma.
  3. Alcover® développé par le laboratoire D&A Pharma.
  4. Contraction de mots anglais chemical et sex.
  5. La pratique commence à gagner, semble-t-il, le monde hétérosexuel.
  6. Lamontagne K., Racine J.-F. (2021) Forte hausse des intoxications au GHB depuis cet été à Québec. Le Journal du Québec, Jeudi, 7 octobre 2021 20:48. https://www.journaldequebec.com/2021/10/07/forte-hausse-des-intoxications-au-ghb-depuis-cet-ete-a-quebec#: :text=Depuis%20le%20d%C3%A9but%20de%20l,CIUSSS%20de%20la%20Capitale%2DNationale.

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