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La dépression saisonnière : comprendre un phénomène hivernal complexe

Introduction

Les mois d’automne et d’hiver s’accompagnent pour certaines personnes d’une altération significative de leur bien-être psychologique. Il convient toutefois de distinguer le blues hivernal de la dépression saisonnière proprement dite. Le blues hivernal se caractérise par une baisse d’énergie, des coups de déprime passagers, de l’irritabilité et une appétence accrue pour les aliments gras et sucrés. Ce phénomène toucherait environ 10 % de la population. La dépression saisonnière, quant à elle, constitue une véritable dépression caractérisée par une symptomatologie plus intense et durable : fatigue prononcée avec difficultés matinales importantes, léthargie, tristesse persistante, repli social marqué, perturbations de l’appétit oscillant entre perte d’intérêt alimentaire et fringales compulsives. Cette pathologie concernerait 2 à 4 % de la population.

Bien que distincts dans leur intensité et leur impact, ces deux phénomènes partagent des facteurs déclencheurs communs. Les éléments décrits ci-après peuvent conduire au blues hivernal lorsqu’ils se manifestent de manière modérée ou isolée, ou basculer vers une véritable dépression saisonnière lorsqu’ils s’accumulent, s’intensifient ou rencontrent une vulnérabilité individuelle particulière. C’est la conjonction de ces facteurs, leur durée d’exposition et la capacité de résilience de chaque personne qui déterminent la trajectoire vers l’un ou l’autre de ces états.

Les facteurs biologiques et physiologiques

La diminution de la luminosité naturelle constitue un facteur déterminant. L’exposition réduite à la lumière du jour perturbe la production de sérotonine, neurotransmetteur essentiel à la régulation de l’humeur, tout en augmentant la sécrétion de mélatonine, hormone favorisant le sommeil. Cette double perturbation neurochimique engendre fatigue chronique et baisse de moral. Par ailleurs, les journées plus courtes désynchronisent le rythme circadien, cette horloge biologique interne qui régule nos cycles veille-sommeil et influence de nombreuses fonctions physiologiques.

La réduction de l’exposition solaire entraîne également des carences en vitamine D, dont la synthèse cutanée dépend des rayons ultraviolets. Cette vitamine joue un rôle crucial dans le bien-être psychologique, et sa carence est associée à une augmentation des symptômes dépressifs. Ces bouleversements s’accompagnent de changements hormonaux plus larges, notamment une altération de la production de cortisol et d’autres hormones liées à la réponse au stress.

Les facteurs environnementaux et comportementaux

Les conditions météorologiques défavorables de l’automne et de l’hiver créent un cercle vicieux délétère pour la santé mentale. Elles contribuent au confinement domestique, au grignotage et à la sédentarité, trois facteurs reconnus comme nuisibles au bien-être psychologique. La diminution des activités en plein air prive les individus de l’exercice physique, pourtant identifié comme un remède efficace contre les états dépressifs. Cette sédentarité s’accompagne fréquemment d’habitudes alimentaires néfastes, notamment la consommation d’aliments gras et sucrés, reconnus pour leurs effets délétères sur la santé mentale.

La déconnexion prolongée avec les espaces verts et la nature, dont les bienfaits sur la santé mentale sont largement documentés, prive les individus d’une source importante de régulation émotionnelle.

Par ailleurs, la saison froide favorise l’augmentation des infections respiratoires telles que les rhumes et les grippes. Ces affections, au-delà de leur impact physiologique direct, renforcent l’isolement social en contraignant les personnes à demeurer chez elles. La fatigue qu’elles engendrent peuvent amplifier les sentiments de lassitude et de vulnérabilité psychologique, créant ainsi un terrain propice aux troubles de l’humeur.

L’isolement social et la fragilité des réseaux

La réduction des sorties due aux conditions climatiques défavorables diminue les interactions sociales. Cette déconnexion touche particulièrement les personnes dont le réseau social est déjà fragile, même durant la belle saison. La recherche a établi depuis longtemps que les individus disposant d’un réseau social limité présentent une vulnérabilité accrue aux troubles psychologiques, quelle que soit la nature des difficultés rencontrées. Cette observation a d’ailleurs été confirmée lors des périodes de confinement liées à la pandémie. La solitude, lorsqu’elle s’accompagne d’un sentiment d’isolement, constitue un terreau fertile pour l’émergence d’états dépressifs.

Les dimensions temporelles et symboliques

La distance temporelle croissante avec les vacances estivales représente un facteur psychologique supplémentaire. L’automne et l’hiver contrastent fortement avec cette période associée à la détente et à la liberté. L’accumulation de fatigue depuis la rentrée peut amplifier les sentiments de lassitude, de monotonie et de nostalgie. Pour certaines personnes, l’anticipation anxieuse du changement de saison débute dès la fin de l’été, créant une prophétie autoréalisatrice où l’appréhension même de la mauvaise saison précipite l’apparition des symptômes dépressifs.

L’approche des fêtes de fin d’année constitue paradoxalement un autre facteur de vulnérabilité. Si la majorité des personnes se réjouissent de ces retrouvailles familiales et amicales, pour d’autres, cette période représente une véritable épreuve. Les réunions familiales peuvent générer des frictions et réveiller des douleurs liées à des événements traumatiques tels qu’un deuil ou une séparation. Certaines personnes se retrouvent seules durant les réveillons ou privées de leurs proches, souffrant d’autant plus de leur isolement à une période où la joie et la convivialité semblent être la norme sociale. Les réseaux sociaux peuvent exacerber ce sentiment de déprime en exposant constamment ces personnes aux manifestations apparentes du bonheur d’autrui, qu’il s’agisse de réunions familiales chaleureuses ou d’images idéalisées de vacances hivernales à la montagne ou sous les tropiques. Cette comparaison sociale permanente accentue le sentiment d’exclusion et d’inadéquation.

Les pressions professionnelles et économiques

Le dernier trimestre de l’année s’accompagne souvent d’une intensification du travail, entre bilans annuels, évaluations de performance et définition des objectifs pour l’année à venir. Cette pression professionnelle accrue coïncide avec la diminution de la luminosité et l’augmentation de la fatigue saisonnière, créant une charge psychologique considérable.

Sur le plan économique, l’hiver impose des dépenses supplémentaires importantes : augmentation des factures de chauffage et d’électricité, renouvellement de la garde-robe avec des vêtements adaptés aux températures froides. Pour les individus disposant de moyens financiers limités s’ajoute le stress engendré par les dépenses liées aux cadeaux et aux festivités de fin d’année. Cette accumulation de contraintes financières peut générer une anxiété chronique qui alimente ou précipite les états dépressifs.

Les facteurs de vulnérabilité individuelle

Certaines personnes présentent une vision plus pessimiste de l’existence et une moindre résilience face aux changements et aux difficultés. Pour nombre d’entre elles, l’impossibilité de s’échapper vers des contrées ensoleillées renvoie à un sentiment d’impuissance, d’autant plus prégnant que la mauvaise saison s’étend sur plusieurs mois, apparaissant comme un long tunnel sans issue immédiate. Ce sentiment d’enfermement temporel et géographique peut s’avérer particulièrement éprouvant pour les personnes qui perçoivent leur environnement hivernal comme une contrainte inéluctable plutôt qu’une saison à apprivoiser.

Evelyne JOSSE, 2025

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