Introduction
Selon les recherches, les enfants découvrent généralement par eux-mêmes que le père Noël est une fiction, le plus souvent vers l’âge de sept ans. (Anderson, Prentice, 1994 ; Cyr, 2002 ; Allan, 2017). Mais d’autres restent persuadés que c’est le Père Noël qui les couvre de cadeaux. Faut-il leur révéler la vérité ? À quel âge ? De quelle manière ?
C’est à ces questions que tente de répondre cet article.
L’histoire d’une légende : de Saint-Nicolas au Père Noël
Saint-Nicolas, Nicolas de Myre, né en 270 après Jésus-Christ, évêque en Lucie (au sud de l’actuelle Turquie) est un martyre chrétien renommé pour sa charité, sa générosité et ses miracles. Ainsi, il aurait ressuscité des enfants tués par un boucher, ce qui lui vaudra de devenir le saint patron des enfants. Ses reliques, réputées accomplir des miracles, sont connues dès le Moyen Âge dans toute l’Europe. Au XIe siècle, des marins italiens s’emparent d’une partie des ossements et les ramènent de Turquie, chez eux, en Italie. En 1098, le chevalier Aubert de Varangéville, de retour de croisade, passe par la ville italienne de Bari où sont conservées les reliques et vole une phalange du Saint qu’il rapporte en Lorraine, à Saint-Nicolas-de-Port, près de Nancy. Le culte du Saint, célébré le 6 décembre, jour de son décès, se répand dans le Nord de la France, la Belgique et les Pays-Bas. Il y reste très vivace de nos jours.
Au XVIe siècle, la réforme protestante abolit la fête de la Saint-Nicolas, mais les Hollandais gardent leur Sinterklaas (Saint-Nicolas en néerlandais) et la tradition de distribuer des jouets. Lorsqu’ils partent à la conquête du Nouveau Monde, la tradition de Saint-Nicolas commence à se modifier pour donner naissance au Père Noël. Les familles de colons anglais sont rapidement séduites par le Saint. Peu à peu Sinterklass devient Santa Claus (Saint-Nicolas en anglais).
D’origine chrétienne, Santa Claus va évoluer progressivement, au gré des illustrateurs et des romanciers, pour devenir le Père Noël tel que nous le connaissons aujourd’hui. Saint-Nicolas se déplace à cheval ou à dos d’âne (selon les pays), et en 1821, dans un conte pour enfants, « La nuit d’avant Noël » , l’écrivain Clément Clarke Moore dote le Père Noël d’un traîneau tiré par des rennes. Alors que Saint-Nicolas vient du ciel, Thomas Nast, dessinateur au journal new-yorkais Harper’s Illustrated weekly, lui fait prendre ses quartiers au pôle Nord.
Le Père Noël tel que nous le connaissons aujourd’hui, jovial et débonnaire, a vu le jour en 1931 sous les pinceaux de l’illustrateur Haddon Sundblom. La marque Coca‑Cola cherchait un moyen de booster la vente de ses boissons qui durant la saison froide de l’hiver connaissait une baisse de consommation. Engagé par la marque de soda, Sundblom s’est inspiré de représentations de Santa Claus parues dans la presse depuis le début du siècle montrant un vieil homme habillé en rouge et blanc. Les couleurs de Coca-Cola !
Vers quel âge et pourquoi faut-il dire la vérité ?
Oui, il faut dire la vérité. Pourquoi ? Parce que l’enfant a grandi et qu’il a atteint l’âge de savoir. Mais quel est cet âge, me direz-vous ?
Généralement, les enfants croient au père Noël jusqu’à l’âge de 6-7 ans, parfois jusqu’à 8 ans, voire un peu plus tard. Jusqu’à 3 ans la pensée magique domine : l’enfant confond imaginaire et réalité. Vers 4-5 ans, il distingue le fantastique de la réalité, mais la frontière reste perméable. Vers 6-7 ans, il n’y a plus pour lui de confusion entre imaginaire et réalité ; il reconnait la réalité, mais tout en continuant à entretenir un monde imaginaire, et il navigue habilement d’une dimension à l’autre. La croyance au père Noël diminue avec l’âge au fur et à mesure que la maîtrise du raisonnement causal augmente, c’est-à-dire que sa pensée concrète lui permet de rassembler des faits pour aboutir à une conclusion logique. À 3-4 ans, l’enfant n’est pas perturbé par les invraisemblances. Il accepte sans sourciller qu’un vieil homme voyage dans le ciel sur un traîneau tiré par des rennes, qu’il rentre chez les gens par la cheminée, qu’il présente une physionomie différente à chaque rencontre ou qu’il puisse le croiser à diverses reprises dans des lieux différents en l’espace de quelques minutes. Généralement, vers 6-7 ans, il commence à interroger ses parents, sans pour autant remettre en question l’existence du Père Noël : Comment le père Noël fait-il pour rentrer chez nous alors que nous n’avons pas de cheminée ? Comment peut-il passer par la cheminée avec son gros ventre ? Puis, l’enfant commence à relever les incohérences : Où trouve-t-il l’argent pour acheter des cadeaux pour tous les enfants ? Comment peut-il distribuer des cadeaux à tous les enfants de la Terre en une seule nuit ? Pourquoi le Père Noël d’hier ne ressemble pas à celui d’aujourd’hui ? Comment peut-il être dans la rue alors que nous venons de le voir dans le magasin ? Les incohérences s’accumulant, il émet progressivement des doutes quant à l’existence du Père Noël.
Quand annoncer que le père Noël n’existe pas ? L’approche des fêtes de fin d’année me semble un moment pertinent pour aborder la question du Père Noël. C’est à cette période que l’enfant pose des questions. C’est un bon moment pour souligner les valeurs véhiculées par la fête et affirmer la pérennité de ces valeurs. C’est aussi à ce moment-là que les parents peuvent faire prendre à l’enfant un rôle actif dans la magie de Noël et l’adouber dans ce nouveau statut de grand.
Dévoiler cette réalité en première primaire est idéal. C’est une manière d’aider l’enfant à passer d’un stade de développement dominé par l’imaginaire au stade des opérations concrètes et à la réalité. Il me semble important que l’enfant soit au courant avant que d’autres enfants ne se chargent de l’en informer. Annoncée sans détours, parfois de façon brutale, par d’autres élèves, cette annonce peut le perturber. De plus, à l’école, les grands se moquent parfois des petits parce qu’ils croient au Père Noël, ce qui risque d’être blessant pour l’enfant tourné en dérision.
Bien entendu, quel que soit son âge, si l’enfant exprime des doutes quant à l’existence du Père Noël, il est important de lui dire la vérité. Il ne faut pas faire injure à sa maturité et à sa perspicacité sous prétexte, par exemple, qu’il n’a que 4 ans. Le fait que ses impressions et ses perceptions soient corroborées par les adultes et correspondent à la réalité aide l’enfant à construire sa confiance en lui. A contrario, il perdra confiance dans ce qu’il ressent et ce qu’il pense si les adultes lui renvoient qu’il se trompe et que le Père Noël existe bel et bien.
Comment les enfants réagissent-ils lorsqu’ils apprennent que le Père Noël n’existe pas ?
De nombreux parents ressentent un malaise, voire une peur, à annoncer à leur enfant que le Père Noël n’existe pas. D’une façon générale, dans la vie, ils veulent lui épargner la souffrance, la tristesse, le désappointement et les déconvenues. Ils aimeraient ne lui apporter que joie et plaisir, le voir tout le temps heureux et souriant. Bien sûr, les parents ont pour rôle de protéger leur enfant, mais ils ont aussi pour aussi mission de l’aider à dépasser les inévitables déceptions, frustrations, douleurs et difficultés que lui réserve la vie. Prendre conscience que le Père Noël n’existe pas, et l’accepter, fait partie du fait de grandir. Le premier moment de désillusion passé, les recherches montrent que l’écrasante majorité des enfants réagissent parfaitement bien au dévoilement de la vérité (Anderson, Prentice, 1994 ; Cyr, 2002 ; Allan, 2017). Certains éprouvent d’ailleurs un sentiment de fierté, cette divulgation les cooptant au cercle des initiés, celui des grands. Même lorsqu’ils sont dans la confidence, les enfants déclarent continuer à aimer l’idée du Père Noël. Plus souvent que les enfants, ce sont leurs parents qui sont tristes de voir leur progéniture mise au parfum ! (Cyr, 2002). Fini la petite enfance, fini l’âge de l’innocence…
Comment s’y prendre pour révéler le pot aux roses ?
Nul besoin d’annoncer la vérité tout de go. L’enfant a souvent besoin de temps. La prise de conscience se fait petit à petit. Le mieux est de l’accompagner sur ce chemin progressif qui le mène à la vérité.
Ce que l’on constate, c’est que la plupart des parents passent par une première période où ils encouragent leur enfant à croire au Père Noël. Puis, dans une seconde étape, lorsque l’enfant commence à poser des questions, ils esquivent. Par exemple, ils lui retournent ses questions. « Comment le Père Noël peut-il apporter des cadeaux à tous les enfants en une seule nuit ? Je ne sais pas, et toi, qu’est-ce que tu en penses ? » L’enfant est ainsi habilement poussé à développer sa réflexion et à tirer progressivement ses propres conclusions. Et ses réponses permettent à ses parents d’évaluer son niveau de doute. Enfin, dans une troisième étape, les parents reconnaissent le caractère fictif du Père Noël. Ils peuvent, par exemple, annoncer à l’enfant qu’il est grand maintenant et qu’il est en mesure de savoir certaines choses que les plus petits ignorent. L’annonce de la vérité sur le Père Noël devient alors un rite de passage. L’enfant passe du statut de petit à celui de grand. Il passe du monde de la naïveté à celui de la connaissance. Il est ligué aux grands grâce au secret qu’il partage désormais avec eux, et il peut à son tour endosser le rôle de conteur de la fable du Père Noël, par exemple, par rapport à ses cadets, frères et sœurs, cousins et cousines, etc. La fierté éprouvée par l’enfant d’être devenu grand est souvent à même d’adoucir sa désillusion. Il est important de valoriser cette étape, par exemple, puisqu’il est maintenant dans la confidence, en lui demandant d’aider à choisir ou à emballer les cadeaux des plus petits.
« C’est mon père qui me l’a appris. J’étais tellement convaincue de l’existence du Père Noël que j’arrivais même retourner la tête des enfants de l’école primaire pour leur prouver par A+B que si, il existait. Et puis, mon père un jour m’a dit : « Tu sais, quel est le rôle du Père Noël ? », alors moi de répondre : « Ben, de faire plaisir aux enfants. », et mon père m’a dit : « Oui, et qui d’autre a ce rôle dans la vie des enfants ? » et j’ai répondu : « Les parents. » Et il m’a regardé, n’a plus rien dit. J’ai fait la déduction ensuite toute seule. »
Comme toutes les grandes questions de la vie, par exemple, « Comment fait-on des bébés ? », « Ça veut dire quoi faire l’amour ? », etc., il est préférable de laisser à l’enfant l’initiative d’engager la discussion sur l’existence du Père Noël. Toutefois, au-delà de 8-9 ans, les parents peuvent s’interroger devant l’enfant : « Tiens, il me semble que ce père Noël n’a pas la même tête qu’hier. Tu as remarqué ? » ou « Je me demande comment le père Noël fait pour acheter tous ces cadeaux ? A ton avis, comment fait-il ? »
Parfois les enfants font semblant de croire au Père Noël pour faire plaisir à leurs parents ou par crainte de ne plus recevoir de cadeaux. Il est important de les rassurer que cela ne changera rien aux attentions et aux présents.
Finalement, les parents ont parfois plus de mal que leur enfant à dire adieu au Père Noël. Pour eux aussi, c’est une étape. Leur enfant a grandi, souvent trop vite, et ce n’est pas toujours facile d’accepter que le temps file à toute allure. Pour certains parents, cela peut aussi les renvoyer à des difficultés ou à des manques qu’ils ont traversés enfant.
« J’ai longtemps poussé mon fils à croire pendant que Saint Nicolas et Père Noël passent bien la nuit pour apporter des cadeaux… Jusqu’au jour où mon fils m’a suppliée de lui dire la vérité… J’ai répondu que je ne savais pas, mais, moi, j’y crois encore à ce 2 bonhomme ! On adore toujours ces moments festifs. »
Passé 8-9 ans, si l’enfant réagit mal à l’annonce de la fiction du Père Noël, cela signe le plus souvent une difficulté ou un problème psychologique. Par exemple, il refuse de grandir ou se réfugie dans un monde imaginaire parce qu’il éprouve le besoin d’échapper à une réalité qu’il a du mal à affronter comme un divorce, un décès, un harcèlement, etc.
Le Père Noël, un mensonge ?
Le Père Noël n’est pas un mensonge, c’est une bienveillante conspiration pour rendre les enfants heureux. Organiser une fête d’anniversaire surprise pour son enfant qui réunira tous ses copains, est-ce un mensonge ? Lui dire que la famille passe le week-end à la maison et lui concocter à son insu une escapade à la mer, est-ce un mensonge ? Lui promettre un petit cadeau d’anniversaire et lui acheter en cachette le gros cadeau de ses rêves, est-ce un mensonge ? Non, n’est-ce pas ? Ces pieux mensonges ne constituent pas des mensonges au sens strict parce qu’ils ne visent pas délibérément à tromper pour nuire ou pour tirer un profit.
Le père Noël n’est pas un mensonge, c’est une fable. Comme la Belle au bois dormant ou la Reine des Neiges. Dirait-on de la Belle au bois dormant et de la Reine des neiges qu’elles sont des mensonges ? Non, n’est-ce pas ? Tout simplement parce que ce sont des histoires. Et les histoires visent à susciter l’imaginaire, à émerveiller et à transmettre un message. La fable de Noël parle d’enchantement, d’amour et de partage. Selon une étude menée en 1999 (Papatheodorou), les parents sont d’avis que le Père Noël représente la bonté et le souci de l’autre (33,5 %) ainsi que l’esprit de générosité (24,2 %). Une autre montre que les croyances, parfois inconscientes, entretenues par les adultes sur les effets positifs de l’histoire du Père Noël justifie partiellement sa perpétuation (Gill, Papatheodorou, 1999). Les parents pensent également que la croyance au Père Noël permet aux enfants de vivre une expérience magique (80,1 %), et qu’elle leur permet de développer leur imagination (47,8 %), le sens du merveilleux et du mystère (47,8 %) (Papatheodorou, 1999).
Le père Noël n’est pas un mensonge, c’est un mythe. Croire ou jouer à croire au père Noël, c’est adhérer à un mythe fédérateur de notre société, c’est participer à un rituel social, c’est confirmer son appartenance à notre communauté. L’étude de T. Papatheodorou révèle que les parents sont d’avis que la croyance au Père Noël permet aux enfants de développer le sens de la tradition (62,1 %) (Papatheodorou, 1999). La conformité traditionnelle serait d’ailleurs un des facteurs poussant les adultes à maintenir la fiction du Père Noël (Gill, Papatheodorou, 1999). Si les parents mentent, alors, force est de constater qu’ils ne sont pas les seuls ! Toute la société ment. Il suffit de regarder autour de soi pour voir les nombreux Pères Noël déambulant dans les rues et trônant dans les magasins ainsi que la multitude d’objets usinés à son effigie ! Cette large adhésion sociétale témoigne que le Père Noël répond à une nécessité collective, et pas uniquement familiale.
Le Père Noel n’existe pas ? Vraiment ? Pas en tant que tel, certes, mais ce que l’enfant peut apprendre de cette fable, c’est que tout le monde peut devenir le Père Noël, tout le monde est en mesure d’apporter du bonheur et de la magie. La fête de Noël ne se résume pas à la seule figure du Père Noël. La fête de Noël est d’ailleurs bien plus ancienne que le Père Noël lui-même. Même lorsque l’enfant sait que le Père Noël n’existe pas, on peut continuer à lui lire et à lui raconter des histoires du Père Noël. Les histoires permettent de continuer à rêver tout en acceptant que le Père noël n’existe pas dans la réalité ; elles permettent d’octroyer une place au Père Noël dans l’imaginaire de l’enfant, place dont il a été déchu dans la réalité.
À l’âge de 6-7 ans, l’enfant commence à pouvoir faire preuve d’empathie, il commence à comprendre le monde de l’autre, ses émotions, ses sentiments, sa façon de percevoir les choses. Le sujet du Père Noël est une bonne occasion de l’aider à développer ses capacités d’empathie. C’est un bon moment pour le sensibiliser au fait que nos comportements et nos actions peuvent rendre les autres heureux et qu’il peut devenir un acteur de la magie de Noël. Noël est une fête du lien et du partage. Il peut, par exemple, devenir lui-même un Père Noël en offrant les jouets dont il ne se sert plus à des associations qui se chargeront de les distribuer à des enfants défavorisés.
Le Père Noël n’existe pas ? Certaines personnes croient en Dieu. On ne sait pas s’il existe, mais chacun est libre d’y croire ou non…
L’annonce de la fiction du Père Noël peut aussi offrir l’opportunité de sensibiliser au mensonge et à la crédulité et contribuer à développer une pensée critique chez l’enfant. Ce que la fiction du Père Noël peut lui apprendre, c’est que tout ce qui est dit n’est pas vérité et qu’il est bon parfois de douter et de remettre en question ce qui nous est raconté, même par nos propres parents.
Bibliographie
Allan M. G. (2017) What’s in your stocking? Evidence around Santa Claus. Can Fam Physician. 2017 Dec; 63(12): 942.
Anderson C.J., Prentice N.M (1994). Encounter with reality: children’s reactions on discovering the Santa Claus myth . Child Psychiatry Hum Dev. 1994 Winter;25(2):67-84. doi: 10.1007/BF02253287. PMID: 7842832.
Condry J. 1987. Developmental Differences in Children’s Reasoning about Santa Claus and Other Fantasy Characters. Diss Cornell U.
Cyr C. (2002). Do reindeer and children know something that we don’t? Pediatric inpatients’ belief in Santa Claus. CMAJ. 2002 Dec 10; 167(12): 1325–1327.
Larivée S., Sénéchal C. (2009). La croyance au Père Noël a une date de péremption. Enfance 2009/4 (N° 4)
Papatheodorou, T., Gill J. (1999). The use of magic/mythic storiesand their relevance to children’s development: The case of the Father Christmas story. European Early Childhood Education Research Journal, Volume 9, 2001
Annexes
Le conte du Père Noël, d’après Clément Clarke Moore publié dans le journal Sentinel, de New York, le 23 décembre 1823.
C’était la nuit avant Noël, dans la maison tout était calme. Pas un bruit, pas un cri, pas même une souris !
Les chaussettes bien sages pendues à la cheminée attendaient le Père Noël. Allait-il arriver ?
Les enfants blottis dans leur lit bien au chaud rêvaient de friandises, de bonbons, de gâteaux.
Maman sous son fichu, et moi sous mon bonnet et vous prêts à dormir toute une longue nuit d’hiver.
Dehors, tout à coup, il se fit un grand bruit !
Je sautais de mon lit, courais à la fenêtre, j’écartais les volets, j’ouvrais grand la croisée.
La lune sous la neige brillait comme en plein jour.
Alors, parut à mon regard émerveillé, un minuscule traîneau et huit tout petits rennes conduits par un bonhomme si vif et si léger qu’en un instant je sus que c’était le Père Noël !
Plus rapides que des aigles, ses coursiers galopaient, lui il les appelait, il sifflait, il criait :
« Allez Fougueux, allez Danseur, Fringant et puis Renarde, En avant Comète ! Cupidon en avant, Tonnerre, Éclair, allons, allons Au-dessus des porches, par-delà les murs! Allez ! Allez plus vite encore ! »
Comme des feuilles mortes poussées par le vent, passant les obstacles, traversant le ciel, les coursiers volaient au-dessus des toits, tirant le traîneau rempli de jouets
Et, en un clin d’oeil, j’entendis sur le toit le bruit de leurs sabots qui caracolaient. L’instant qui suivit le Père Noël d’un bond descendait par la cheminée.
Il portait une fourrure de la tête aux pieds, couverte de cendres et de suie, et, sur son dos, il avait une hotte pleine de jouets comme un colporteur avec ses paquets.
Ses yeux scintillaient de bonheur, ses joues étaient roses, son nez rouge cerise, on voyait son petit sourire à travers sa barbe blanche comme neige.
Un tuyau de pipe entre les dents, un voile de fumée autour de la tête, un large visage, un petit ventre tout rond qui remuait quand il riait ; il était joufflu et rebondi comme un vieux lutin. Je n’ai pu m’empêcher de rire en le voyant et d’un simple clin d’œil, d’un signe de la tête il me fit savoir que je ne rêvais pas : c’était lui !
Puis, sans dire un mot, il se mit à l’ouvrage et remplit les chaussettes. Il se retourna, se frotta le nez et d’un petit geste repartit par la cheminée.
Une fois les cadeaux déposés, il siffla son attelage, puis reprit son traîneau et les voilà tous repartis plus légers encore que des plumes
Et dans l’air j’entendis avant qu’ils disparaissent : « Joyeux Noël à tous et à tous une bonne nuit »