Attentats. « Le traumatisme est souvent silencieux chez l’enfant »

SOMMAIRE DE L'ARTICLE

Une interview d’Evelyne Josse par le journaliste Serge Poirot paru dans le quotidien français Ouest France des 16-17 juillet 2016.

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Evelyne Josse psychologue spécialisée en victimologie et psycho-traumatologie 1

Quelle attitude avoir avec les enfants qui ont vécu un attentat ?
Il est important d’expliquer ce qui s’est passé, de mettre des mots sur les choses. Mais il faut respecter leur rythme, éviter d’en parler tout le temps. Les enfants ont besoin de retrouver rapidement une vie d’enfant, une routine quotidienne, de la prévisibilité.
Le problème, c’est qu’en général, ils étaient accompagnés de leurs parents, eux-mêmes traumatisés. Ils vont avoir des difficultés à les rassurer. Ils peuvent alors se faire aider.

Comment réagissent les enfants ?
Ils réagissent par de l’angoisse, qui va se manifester différemment en fonction de l’âge. Ils peuvent vouloir rester en permanence avec leurs parents, éviter ce qui leur rappelle
les événements, les conversations qui tournent autour, en s’échappant ou en se bouchant les oreilles, surveiller leur environnement d’une manière inquiète. Les peurs enfantines peuvent être exacerbées. Certains vont se mettre à bégayer, être agités,
agressifs, avoir des tics, des comportements régressifs comme faire pipi
au lit… Le traumatisme est souvent silencieux chez l’enfant ; ils ne peuvent
pas le verbaliser. Il faut être attentif à ces symptômes.

Mettre des mots sur les choses, ce n’est pas facile, même pour les adultes.
Oui, c’est difficile d’expliquer l’inexplicable. On peut avouer notre incompréhension.
Mais on peut rassurer en parlant des élans de solidarité, des mesures prises pour la sécurité. On peut expliquer que des personnes ont de la haine à l’égard de
notre façon de vivre, mais qu’on ne peut pas accepter de tels actes. Rappeler
les valeurs de la démocratie. Ce qu’on peut dire dépend de l’âge de l’enfant, mais si on leur ment, on ne sera pas convaincant. Les enfants sont très sensibles à tout ce qui est
non verbal.

Faut-il les tenir éloignés de la télévision ?
Les images ont un pouvoir émotionnel important. Les images prises dans l’urgence, c’est brut, sans recul, sans grille de lecture. Avant 10-12 ans, il ne faut pas que les enfants regardent les actualités à la télévision ou sur Internet. S’ils sont plus
âgés, il faut que ce soit en présence d’adultes et, qu’après, on en discute,
qu’on essaie de comprendre, de les faire parler, dire ce qu’on a ressenti.

Comment évoluent les enfants qui ont vécu de tels événements ?
Ça dépend du soutien qu’ils reçoivent. En 1939, devant la menace de bombardement, le gouvernement britannique a fait évacuer 1,5 million d’enfants vers les campagnes. On a constaté, quelques années plus tard, que les enfants évacués souffraient de conséquences plus persistantes que ceux qui étaient restés sous les bombes, avec leurs parents. Le meilleur soutien vient des parents. Leur présence et leur attitude sont
primordiales.

Recueilli par Serge POIROT.

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Notes et références

  1. Elle a participé à de nombreuses missions dans des pays en guerre ou frappés par des catastrophes. Elle exerce et enseigne en Belgique et en France.

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