Evelyne Josse
Novembre 2021
Chargée de cours à l’Université de Lorraine (Metz)
Psychologue, psychothérapeute (EMDR, hypnose, thérapie brève), psychotraumatologue
http://www.resilience-psy.com
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Dans votre parcours de vie, qu’est-ce qui vous a éveillée à la prise en charge du traumatisme ? Quel a été le déclencheur de cet engagement ?
Un concours de circonstances mêlé à une expérience de vie. J’ai choisi mon stage de dernière année en psychologie par défaut. Je ne voulais pas faire passer de tests de personnalité, ce à quoi les stagiaires étaient souvent réduits. J’ai donc opté pour un stage auprès des malades du SIDA orienté uniquement sur la clinique. C’était en 1988. À l’époque, nous n’avions pas de traitements antirétroviraux. On soignait tant bien que mal les maladies opportunistes et les cancers que développaient les malades au stade SIDA. Les gens mourraient comme des mouches. L’annonce d’une sérologie positive pour le VIH était un véritable traumatisme. On leur annonçait qu’ils étaient atteints d’une maladie mortelle dont ils allaient probablement décéder dans les dix années à venir. Puis, je suis partie en ex-Yougoslavie, poussée par un ami qui travaillait en Afrique.
Comment avez-vous rencontré l’hypnose, et de quelle manière vous a-t-elle aidée – comme elle peut aider les autres – à traverser, transcender, vos épreuves de vie ? Quels sont son mode d’action et le levier de son efficacité ?
C’était en 1995, je travaillais dans un service d’oncologie pédiatrique. Une jeune psychologue en formation en hypnose a demandé à effectuer un stage dans notre service. Elle a fait des miracles. J’ai été particulièrement impressionnée par le travail qu’elle a réalisé avec deux jeunes adolescents. L’un deux souffrait de vomissements irrépressibles malgré des antiémétiques puissants et l’autre de douleurs intolérables que la morphine ne parvenait pas à soulager. En une séance, cette hypnothérapeute en herbe a réussi là où la médecine et la psychologie classique avaient échoué.
A l’époque, je consultais également en libéral. Je voyais des patients, adultes ceux-là, dont l’état ne s’améliorait pas suffisamment ou pas suffisamment rapidement à mon goût. Personnellement, l’hypnose m’a sauvée du burnout. Je pouvais enfin aider les patients efficacement ! Sans cela, je pense que j’aurais fini par changer de métier.
Comment l’hypnose peut-elle aider à traverser les épreuves ? Elle nous aide à lever nos barrières inconscientes et à dépasser nos croyances limitantes comme par exemple, « Je ne vais pas y arriver. », « Je ne suis pas à la hauteur. », « Je suis trop fragile. », « Je ne peux pas gérer la situation. », « Je ne peux pas gérer mes émotions. », etc. Et elle nous reconnecte à nos ressources, des ressources qui ont parfois sombré dans les tempêtes de la vie ; par exemple, la spontanéité, la confiance en nous, la persévérance et d’autres qui nous ont permis de traverser des épreuves antérieures.
Et chose très importante, l’hypnose nous permet de reconstruire le passé. En effet, en retournant en hypnose dans les histoires traumatiques et difficiles de notre vie, nous pouvons modifier les émotions qui y sont attachées. Comme je le dis souvent, grâce à l’hypnose, on peut arrêter de se raconter des histoires tristes. La thérapie s’appuie sur notre extraordinaire faculté à revisiter et à actualiser notre récit autobiographique. Grâce à l’hypnose, on peut réélaborer notre vécu en y ajoutant des idées nouvelles et en en expurgeant les émotions négatives.
Vous avez écrit un ouvrage consacré aux interventions humanitaires en santé mentale dans les violences de masse. Même si la violence, en ces temps de pandémie, est plus insidieuse (restrictions de liberté, isolement, abandon des aînés, fragilisation psychique, incohérences…) et sous couvert de « préserver la vie », elle est de facto « de masse ». En tant que spécialiste de la prise en charge du traumatisme, comment appréhendez-vous (au propre comme au figuré) les répercussions psychiques, tous âges confondus ? Comment intervenir ?
Vaste question ! Certaines personnes sont plus susceptibles que d’autres de développer des troubles prononcés et/ou durables. Il existe une multitude de variables personnelles, antérieures, concomitantes et/ou postérieures à la crise sanitaire, inhérentes ou indépendantes de l’épidémie, susceptibles d’affecter le destin psychique de nos concitoyens.
Les grandes difficultés actuelles sont la peur du virus pour soi ou pour ses proches, le stress lié au télétravail et aux enfants à gérer, les conflits familiaux en raison de la promiscuité, le manque de perspective par rapport à la fin des mesures sanitaires, les difficultés économiques en raison d’une diminution ou d’une perte des activités professionnelles et l’appréhension par rapport à la crise économique qui va suivre, les difficultés à affronter le monde extérieur après être restés de longs mois dans le cocon de son foyer et la solitude.
Pour les jeunes, c’est surtout le manque de contacts sociaux et d’activités de loisirs qui est source de souffrance. Ce que l’on constate actuellement, c’est une augmentation des troubles anxieux et dépressifs. De plus en plus de personnes, notamment parmi les jeunes, disent avoir des pensées suicidaires.
On assiste aussi à une augmentation de la consommation d’alcool et des addictions à internet et aux réseaux sociaux. On voit aussi davantage de ruptures sentimentales et des remises en question par rapport au travail et au mode de vie consumériste.
Bien entendu, tout âge confondu, les personnes qui présentent des phobies, des troubles obsessionnels compulsifs, une dépression, une psychose, etc. sont moins bien armées pour affronter cette crise et voient généralement leur trouble s’intensifier. Et quel que soit l’âge, les mesures sanitaires réveillent parfois de vieux démons tels que des traumatismes anciens. Par exemple, plusieurs femmes m’ont dit s’être senties bâillonnées par le masque. Ce sentiment a réactivé celui qu’elles ont connu enfant, lorsqu’elles subissaient des violences sexuelles dont elles ne pouvaient pas parler.
Sur le long terme, la crise perdurant, elle va certainement laisser des traces mais lesquelles ? Difficile à dire. À de nombreuses reprises, l’Histoire nous a prouvé que les populations se redressent après avoir traversé des événements délétères : dictature, guerre, épidémie, etc. Toutefois, les personnes vulnérables avant le conflit en sortent davantage fragilisées ainsi que celles qui ont été directement exposée au danger. En ce qui concerne la COVID-19, les malades pour lesquels une hospitalisation en soins intensifs a été nécessaire et les endeuillés d’une personne décédée seule à l’hôpital risquent bien d’avoir besoin d’une aide psychologique. C’est vrai également pour celles que la crise a plongé dans les difficultés économiques et qui ne voient pas d’issue favorable à leur situation.
Comment intervenir ? Depuis le début de la crise, les psychologues délivrent des conseils mais ceux-ci sont souvent difficiles à mettre en pratique. Par exemple, on conseille aux étudiants de sortir et de s’aérer, mais comment faire quand on est toute la journée derrière son écran à suivre les cours ou à étudier, en particulier à l’approche des examens ? Sans compter que le couvre-feu commence au moment où les cours en distanciel se terminent. On propose aux employés de circonscrire un espace bureau séparé de l’espace privé mais comment faire quand vit dans un deux pièces et que l’on est deux à être en télétravail ? Bien sûr, ces conseils peuvent être utiles mais ils enfoncent souvent des portes ouvertes… Vous savez, c’est comme une femme qui fait régime depuis son enfance, elle connaît tous les conseils diététiques aussi bien qu’un diététicien. Ça ne l’empêche pas de craquer après quelques semaines de restriction et de s’empiffrer de chocolat. La grande majorité de nos concitoyens font de leur mieux pour tenir le coup, mais ils sont mis à rude épreuve depuis trop longtemps. Et ils finissent par craquer. Je n’ai malheureusement pas de recette miracle qui pourrait neutraliser ce qui fait souffrir la population tel que le technostress, la soif de contacts humains, la privation d’activités sportives en club, le travail et la scolarité en présentiel, etc. Je ne peux que conseiller aux personnes en difficulté de se tourner vers des services d’aide appropriés.
Les services d’écoute téléphonique gratuits permettent de parler à quelqu’un dans l’anonymat et de ventiler ses émotions. Certains sont plus spécifiquement dédiés aux personnes qui ont des idées suicidaires, qui souffrent de dépendances aux drogues, à l’alcool ou à la pornographie, qui connaissent de la violence au sein de leur foyer, etc.
Lorsqu’une personne présente des signes de détresse importants tels que symptômes dépressifs, idées noires, addictions, inquiétudes excessives, crises d’angoisse, retrait social, etc., il est important de consulter un professionnel de la santé mentale. Il existe des services de consultation psychologique gratuits en ligne et des centres de santé mentale à bas coût, mais la liste d’attente est parfois longue. Des psychologues pratiquant en libéral consultent en ligne et en présentiel, mais le prix d’une consultation représente un coût important pour la bourse de certains.
Un conseil que l’on donne trop peu souvent à mon sens est de s’investir auprès d’autrui. S’engager dans des réseaux solidaires de proximité ou dans des associations citoyennes par exemple, permet de lier des contacts sociaux et redonner du sens à la vie.
Que peuvent apporter les outils que vous proposez – hypnose, EMDR… – dans la prise en charge de cette situation de crise inédite ? Quelle est leur apport spécifique ? Et de quelle manière ces outils s’articulent-ils, interagissent-ils – dans le cadre de cette actualité, mais aussi plus globalement dans tout accompagnement ?
La crise sanitaire est source de peur et de stress, ce qui est normal. Il faut comprendre que la peur a aidé notre espèce à survivre au cours des siècles. C’est parce que nous sommes à même d’anticiper les dangers que nous avons pu survivre ! Mais au-delà d’un seuil raisonnable, cette peur devient contre-productive et se transforme en stress permanent, voire en angoisse. L’hypnose et l’EMDR sont deux méthodes efficaces pour combattre ce type de troubles anxieux. Toutes deux s’avèrent également des outils essentiels pour traiter les phobies ou bien encore les traumatismes réveillés ou accentués par la crise sanitaire.
Un grand nombre de personnes en souffrance sont dans une forme d’autohypnose négative. Leurs pensées négatives concernant la situation sanitaire et l’avenir constituent en quelque sorte des croyances négatives, des autosuggestions négatives à l’origine d’émotions pénibles. L’hypnose et l’EMDR leur permettent de renverser la vapeur, de modifier ces croyances négatives en croyances positives, de transformer leur autohypnose négative en autohypnose positive.
En ce qui concerne l’apport spécifique de l’hypnose, je dirais qu’elle offre des moyens de se stabiliser et de s’auto-réguler émotionnellement soi-même en dehors des séances de thérapie. Elle permet de faire des ancrages à partir d’un moment positif, un bon souvenir, par exemple. C’est possible également avec l’EMDR mais la qualité de réalité et l’intensité de l’expérience me semble plus fortes en hypnose.
Personnellement, j’apprends souvent à mes patients une technique d’ancrage qui permet d’affronter une situation difficile et de retrouver des émotions de bien-être en serrant le poing de leur main dominante. L’autohypnose est aussi très utile pour remédier aux troubles du sommeil dont un très grand nombre de personnes, jeunes et moins jeunes, se plaignent à l’heure actuelle.
Dans une thérapie, je recours souvent aux deux outils, en fonction de la demande du patient, de la manière dont il répond à chacune d’elles, de sa problématique, etc. Ils sont très complémentaires. L’EMDR emprunte d’ailleurs un grand nombre de techniques à l’hypnose. Pour ne donner que quelques exemples, le lieu sûr, une technique utilisée pour créer un sentiment de sécurité intérieure et de confort, le pont d’affect qui consiste à partir d’une situation présente ou récente pour retrouver son origine dans le passé, le scénario du futur, projection dans un futur positif débarrassé du problème, le contenant qui permet d’écarter temporairement les informations perturbantes ou bien encore l’installation de ressources, méthode de transfert d’une ressource active dans le passé ou dans un domaine de la vie du patient à la situation problématique actuelle.
Alors que notre cerveau reptilien, en lien avec nos peurs et notre survie, tourne à plein régime depuis plus d’un an (et plus, au regard de la crise globale qui ébranle le monde), abreuvé par un déferlement d’informations stressantes et confuses, comment pouvons-nous arriver à sortir du figement mortifère et « ré-agir » ?
Nous sommes tiraillés entre deux besoins, le besoin de sécurité et le besoin de contacts sociaux. Je vous ai dit que l’autohypnose permet de s’autoréguler émotionnellement, ce qui est tout à fait exact. Ceci dit, en tant qu’être humain, nous nous régulons émotionnellement dans le lien. Pensez aux nourrissons. Ils pleurent parce qu’ils ont faim, parce que leur couche est souillée, parce qu’ils ont mal, parce qu’ils ont froid, etc. C’est dans les bras d’une adulte bienveillant qu’ils se calment. Ils sont incapables de s’apaiser par eux-mêmes ; ils ne trouvent le réconfort que dans le lien. En grandissant, nous apprenons à nous auto-réguler mais nous trouvons aussi du réconfort auprès de nos proches. Aujourd’hui, certains experts prétendent que nous nous co-régulons de manière réciproque. Par des signaux spontanés à peine perceptibles émis par nos visages, la modulation de nos voix et la posture de notre corps, nous nous communiquons mutuellement des signaux de sécurité. En raison des mesures sanitaires, nous devons garder nos distances pour préserver notre sécurité, ce qui est en contradiction avec notre besoin d’être ensemble pour être sécurisés. Pour sortir de ce figement, il est important de retrouver cette sécurité intérieure grâce au contact avec autrui. On ne peut donc que conseiller de maintenir la connexion avec les proches, notamment par les plateformes virtuelles de communication telles que Zoom. Mais le mieux est l’ennemi du bien. On sait aussi aujourd’hui que la surutilisation de la visioconférence peut créer une fatigue. La « zoom fatigue », comme l’appelle les anglosaxons, résulterait justement du fait que l’on doit prêter davantage d’attention à ces signaux que lorsque nous sommes face à face. De plus, je pense que la latence générée par le relais des appels vidéo perturbe cet échange de signaux et que la régulation réciproque des interlocuteurs s’en trouve contrariée. Cette dysharmonie peut créer un malaise et nous donner une impression négative de l’autre.
Le caractère exceptionnel de l’épidémie conduit à une diffusion d’information importante. Certaines personnes perçoivent l’épidémie comme un péril personnel. Angoissés par leur propre amplification du risque, elles cherchent de l’information et sont en quête de la dernière nouvelle. Leur peur engendre ainsi une véritable attraction pour les médias. Connectés aussi souvent que possible aux actualités, elles en deviennent dépendantes, prisonnières d’une relation passive et angoissante à l’information. L’hyperconsommation de l’information n’accroît pas la connaissance qu’elles ont des faits. Mais à force d’être répétée, cette information forge la manière dont elles perçoivent la réalité. Elle les entraîne dans un monde où l’insécurité réelle et imaginaire sourd de toute part. Leur besoin de sécurité les pousse à chercher de l’information mais paradoxalement, celle-ci entretient leur angoisse. Pour se défiger, il est donc essentiel d’éviter la dépendance aux actualités.
Remettre en question la société et souhaiter un monde meilleur est une manière de sortir du figement en se réappropriant la crise sanitaire et en lui donnant du sens. Ce processus d’attribution de sens est au cœur même du processus de résilience. Ce mouvement de la pensée et de créativité accorde une place aux difficultés générées par la COVID-19 dans notre histoire personnelle, elle nous redonne le sentiment de maîtriser notre vie et favorise la reprise de notre développement. Oui, la crise sanitaire peut avoir des conséquences positives si les changements qui découlent de l’attribution de sens nous amènent à dépasser notre niveau de fonctionnement antérieur à l’épidémie. Certains, plutôt que d’envisager une simple reprise de l’existence une fois la pandémie terminée, redéfinissent leurs valeurs et se convertissent à des modèles de référence renouvelés, allant parfois jusqu’à abandonner leur projet de vie, leur mode de vie et leurs rôles antérieurs. La réorientation professionnelle, l’engagement social, politique, humanitaire, religieux ou philosophique, etc. peuvent devenir des moyens de croissance personnelle et sociétale. Depuis le début de la crise, on voit de plus en plus de personnes se tourner vers l’humain, s’engager pour la planète, se tourner vers la méditation, migrer vers les campagnes, etc. Ce sont quelques exemples qui témoignent d’une élaboration de sens.
Le pouvoir des histoires thérapeutiques, c’est bien évidemment d’activer notre imaginaire et surtout, de nous permettre de redevenir auteur de notre vie. Si des histoires, simples en apparence, peuvent avoir des effets thérapeutiques, c’est parce qu’elles ont le pouvoir de modifier ce que nous vivons. Elles nous font découvrir que nous disposons de scénarios alternatifs pour notre identité, notre passé, notre présent et notre futur. Les histoires thérapeutiques se substituent à une analyse rationnelle, une explication, un conseil, etc. Elles visent non pas à expliquer mais précisément à enclencher un mécanisme d’exploration favorisant l’émergence d’une nouvelle compréhension de ce que nous sommes et de ce que nous vivons. En nous amenant à essayer de comprendre en quoi elles pourraient être vraies, elles déclenchent un processus grâce auquel nous réfléchissons et nous tirons de nouvelles descriptions des événements et de nous-mêmes. A la manière d’un cheval de Troie, elles pénètrent au cœur de notre système de pensée, non pour en piller ou en détruire le contenu comme dans le mythe grec, mais au contraire pour l’enrichir de définitions, de perspectives et de représentations nouvelles.
Plus largement, il y aurait-il une urgence « imaginaire » pour réinventer notre monde à bout de souffle, et de quelle manière les approches que vous proposez peuvent-elles s’inscrire dans cette réinvention ?
Oui, depuis le début de l’épidémie, on constate clairement ce besoin de réinventer le monde. De nombreuses personnes remettent en question notre société individualiste, consumériste et mondialisée et dénoncent les dysfonctionnements de notre modèle néolibéral. La crise sanitaire a imposé un constat : notre société est un colosse aux pieds d’argile. Sa puissance est édifiée sur une base fragile. Un virus est capable de le faire vaciller. Chez certaines personnes, la crise sanitaire a provoqué un déclic, chez d’autres elle n’a fait que renforcer leur souhait d’une mutation durable de la société. Les citoyens souhaitent que les choses changent. Ils veulent une société plus humaine, plus solidaire, plus inclusive et plus soucieuse de l’environnement ; ils veulent une économie circulaire, écologiquement durable et responsable. Comme je l’ai dit, donner un sens à ce que l’on vit est central dans le processus de résilience. La thérapie vise à soutenir cette élaboration de sens. Elle aide les patients à trouver leur voir pour réenchanter le monde.
Qui regarde dehors rêve. Qui regarde à l’intérieur se réveille », disait Jung. Pensez-vous que, plus que jamais, ce soit là « la » voie à emprunter pour « muer » individuellement et collectivement…
Cette phrase de Jung me perturbe car c’est celle qu’a choisie mon préfacier comme introduction à mon ouvrage sur les histoires thérapeutiques ! Evidemment, les confinements ont favorisé cette force centripète et certains ont regardé à l’intérieur et se sont réveillés.
Comme toutes les grandes crises personnelles telles que les maladies graves ou les traumatismes, et comme toutes les grandes crises sociétales telles que les guerres, les catastrophes naturelles, les attentats terroristes ou les crises financières et économiques majeures, l’épidémie COVID-19 a provoqué des prises de conscience. Le changement personnel et sociétal réclame des efforts importants que nous sommes rarement prêts à poursuivre sur la durée. Il ne suffit pas de désirer, même ardemment, un monde nouveau pour qu’il advienne. L’intention vertueuse ne suffit pas à concrétiser des changements dans la réalité. Encore faut-il se fixer des objectifs précis et réalisables, établir une méthode pour les atteindre et remplacer les habitudes inadéquates par d’autres en accord avec l’objectif. On ne supprime que ce que l’on remplace…
Les citoyens sont-ils vraiment prêts à restreindre leur consommation d’outils numériques, films en streaming, jeux vidéo, pièces jointes dans les mails, visioconférence, etc., responsable, de 4% des gaz à effet de serre dans le monde, soit 1,5 fois plus que le transport aérien ? Vont-ils renoncer à la voiture et emprunter les transports en commun ? Sont-ils d’accord de payer les biens de consommation un prix nettement supérieur à leur coût actuel afin que leur production soit relocalisée en Europe ? Face aux tarifs affichés à l’étal du maraîcher bio, les contraintes budgétaires des ménages ne vont-elles pas museler les consciences écologiques et les engagements à soutenir l’économie locale ?
Autre piège à déjouer : la frustration, notamment en cas de tumulte émotionnel. Devant un « petit pull pas cher » fabriqué en Inde par des enfants ou devant des ananas produits au Costa Rica, les plus motivés ne risquent-ils pas de perdre leur précieuse autodétermination les jours de déprime ? Après une année de dur labeur, résisteront-ils à prendre un long courrier pour s’évader au-delà des océans ? Devant l’offre restreinte de légumes de saison du producteur local renonceront-ils à l’appel des sirènes de grandes surfaces commerciales ? La justice sociale, l’établissement de modèles économiques diversifiés, autonomes et locaux, la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation des ressources, la protection de l’écosystème et de la diversité ne se gagnent pas en quelques mois.
Les transformations économiques, sociales et sociétales nécessitent de mesures dans la durée. Chaque grande crise provoque des prises de conscience. Après les attentats meurtriers en France et en Belgique, les citoyens ont marché pour la paix et appelé de leurs vœux un monde meilleur. Il était urgent de se fixer des objectifs de développement durable pour réduire les inégalités sous-tendant la colère menant au terrorisme. Il était pressant de créer un monde inclusif où chacun aurait sa place. Que reste-t-il aujourd’hui de ces louables déclarations d’intention ? Le terrorisme n’a fait que renforcer la fracture sociale entre communautés. Pour garantir la sécurité des citoyens, les autorités politiques ont adopté des mesures exceptionnelles de sécurité, source possible de dérives. Une fois les lois contraignantes instaurées, le législateur fait rarement marche arrière pour revenir à des textes plus libéraux. Ainsi, les dispositions adoptées en France en 2015 face au terrorisme ont été versées dans le droit commun. Que restera-t-il demain des bons vœux des citoyens lorsque la crise sanitaire du COVID-19 ne sera plus qu’un mauvais souvenir ? Ces souhaits d’un monde meilleur ne risquent-ils pas de rester lettres mortes tout comme les bonnes résolutions de nouvelle année ? Notre pouvoir individuel au sein de la société est limité. La seule solution pour établir un monde nouveau, c’est le collectif organisé. Qui dit collectif organisé dit action concertée et coordonnée. Le changement ne dépend pas uniquement des efforts fournis à titre individuel ; il est principalement tributaire des volontés politiques.
L’avenir n’est pas encore écrit… Mon préfacier concluait par une citation de Lao Tseu : « Le Ciel dure, la Terre persiste. Qu’est-ce donc qui les fait persister et durer. Ils ne vivent point pour eux-mêmes. Voilà ce qui les fait durer et persister. »
Articles et vidéos de la série sur la COVID-19
Articles
Josse E. (2021). COVID-19 : Quid de la santé mentale dans une crise sanitaire qui dure ? http://www.resilience-psy.com/spip.php?article518
Josse E. (2021). COVID-19 : La souffrance des étudiants. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article473
Josse E. (2021). COVID-19 : Le blurring des étudiants. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article471
Josse E. (2021). Covid-19 : ces personnes qui choisissent de rester confinées, des Hikikomori ? Discussion avec Sara SAIDI, journaliste. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article466
Josse E. (2020). Santé mentale et deuxième confinement. Confinement d’automne : bis repetita du confinement du printemps ? http://www.resilience-psy.com/spip.php?article459
Josse E. (2020). Le monde d’après le COVID-19. Un monde meilleur ? Et la résilience individuelle et collective dans tout cela ?. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article444
Josse E. (2020). Le brown-out, un syndrome professionnel de perte de sens révélé par la crise du COVID-19. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article443
Josse E. (2020). Troubles et difficultés liés au déconfinement : de quoi les personnes ont-elles peur ?. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article438
Josse E. (2020). Troubles liés au déconfinement : quelles sont les personnes vulnérables ? http://www.resilience-psy.com/spip.php?article437
Josse E. (2020). Troubles liés au déconfinement : syndrome de la cabane ou de l’escargot ?. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article435
Josse E. (2020). Enfants et adolescents confinés, mode d’emploi. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article417.
Josse E. (2020). Les enfants face au coronavirus. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article411
Josse E. (2020). Niños y adolescentes confinados, instrucciones de uso. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article420
Josse E. (2020). Aider les enfants en deuil. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article430.
Josse E. (2020). Ces adolescents qui bravent le confinement. Pistes de réflexion. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article423
Josse E. (2020). Le deuil chez les personnes âgées au temps du coronavirus. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article424
Josse E. (2020). Sur le front d’une guerre biologique. La santé mentale du personnel hospitalier face au coronavirus. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article422.
Josse E. (2020). Le coronavirus pour les nuls. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article415
Josse E. (2020). Infodémie : le coronavirus à l’épreuve des fake news et des théories complotistes. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article414.
Josse E. (2020). L’épidémie de peur du coronavirus. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article408.
Boîte à outils
Josse E. (2020). La relaxation http://www.resilience-psy.com/spip.php?article155
http://www.resilience-psy.com/spip.php?article155
Josse E. (2020). Quelques techniques d’autohypnose centrée sur les phénomènes extérieurs (pour les adultes). http://www.resilience-psy.com/spip.php?article428
Josse E. (2020). Le syndrome d’hyperventilation lié au stress et à l’anxiété. Causes, symptômes, dépistage et solutions http://www.resilience-psy.com/spip.php?article3
Josse E. (2020). Techniques d’autohypnose centrée sur les phénomènes extérieurs (pour les enfants). http://www.resilience-psy.com/spip.php?article431
Vidéos
3 capsules vidéo réalisées pour PsyForMed sur la souffrance des soignants confrontés au COVID-19.
– https://www.youtube.com/watch?v=aF2m5IJ1e4I.
– https://www.youtube.com/watch?v=-WKFbjNy7q4
– https://www.youtube.com/watch?v=xxqosVJC3NM