(Version 17 mars 2020. Mise à jour régulière)
Evelyne Josse1, 2020
Chargée de cours à l’Université de Lorraine (Metz)
Psychologue, psychothérapeute (EMDR, hypnose, thérapie brève), psychotraumatologue
http://www.resilience-psy.com
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COVID-19 et SRAS-CoV-2, de quoi parle-on ?
Les virus et les maladies qu’ils provoquent portent souvent des noms différents. Par exemple, l’influenza est le virus responsable de la grippe. Il en est de même pour l’épidémie actuelle.
La pathologie se nomme maladie à coronavirus 2019 ou COVID-19, « CO » pour corona, « VI » pour virus, « D » pour desease (maladie en anglais) et 19 pour l’année de son apparition (2019).
Le virus responsable de la maladie est un coronavirus, du latin corona et virus, littéralement « virus à couronne ». Il tire son nom de l’apparence que lui confèrent les protubérances entourant son enveloppe. L’Organisation Mondiale de la Santé l’a baptisé SRAS-CoV-2 ou coronavirus 2 du Syndrome Respiratoire Aigu Sévère (en anglais Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2 ou SARS-CoV-2). Le chiffre 2 permet de le différencier du virus SARS-CoV, responsable de l’épidémie de SRAS de 2002-2003.
Le SRAS-CoV-2 est le septième coronavirus découvert infectant l’homme. Quatre d’entre eux causent des rhumes avec fièvre et maux de gorge sans gravité (229E, NL63, OC43 et HKU1). Les trois autres, le SARS-CoV, le MERS-CoV et le SRAS-CoV-2, provoquent potentiellement des infections graves. La première pathologie sévère à coronavirus a été découverte en Chine en novembre 2002 et a été éradiquée en juillet 2003 après avoir fait 774 décès. Elle a été nommée Syndrome Respiratoire Aigu Sévère (en anglais Severe Acute Repriatory Syndorme), SRAS en abrégé (en anglais, SARS), et a été causée par le virus SARS-CoV. La deuxième est apparue en 2012 en Arabie Saoudite et a été appelée Syndrome Respiratoire du Moyen-Orient à coronavirus (en anglais Middle East Respiratory Syndrome Coronavirus) ou MERS. 449 personnes ont succombé des suites de l’infection induite par le virus MERS-CoV. Le premier cas rapporté de la maladie infectieuse COVID-19 est un patient de 55 ans tombé malade le 17 novembre 2019 en Chine. Vu le nombre de pays touchés, l’épidémie a été requalifiée en pandémie le 11 mars 2020.
D’où vient le virus ?
Actuellement, l’hypothèse d’une zoonose (maladie transmise par les animaux) est retenue. L’animal à l’origine de la transmission à l’homme n’a pas encore été déterminé avec certitude. Tout laisse penser que la chauve-souris est l’espèce-réservoir2 du virus. En Chine, des chercheurs ont isolé chez elle un virus qui partage 96 % de son matériel génétique avec le SARS-Cov-2. Cette espèce est responsable des épidémies précédentes à coronavirus (SRAS et MERS), de diverses fièvres hémorragiques (Ébola, Marbourg, fièvre de Lassa) ainsi que d’autres pathologies (la rage, par exemple).
Le virus dont la chauve-souris est porteuse présente des différences trop importantes avec le SRAS Cov2 et n’a pas pu coloniser directement l’homme. Il est passé par une autre espèce animale avant d’infecter les humains. Le pangolin pourrait être l’hôte intermédiaire entre la chauve-souris et l’homme.
Les virus à ARN tels que le SRAS Cov2 ont une tendance naturelle à muter.
La multiplication virale est un phénomène complexe. Comme tous les virus à ARN (acide ribonucléique), les coronavirus sont des organismes simples incapables de se multiplier par eux-mêmes. Ils nécessitent un hôte dont ils utilisent le métabolisme et les constituants pour se répliquer. Les virus sont en quelque sorte des parasites intracellulaires. En introduisant leur génome (ensemble des gênes) dans la cellule, ils détournent sa machinerie et la font travailler à leur profit. Celle-ci reproduit des dizaines de milliers de copies du virus selon un procédé nommé réplication. Les copies éjectées de la cellule infectée, appelées virions, colonisent d’autres cellules du même organisme ou infectent un autre individu.
En raison du grand nombre réalisé de copies du génome viral, des erreurs se produisent. On peut comparer ces erreurs à des fautes de frappe. Ces erreurs entraînent une modification de l’information génétique. C’est ce que l’on appelle une mutation. La sensibilité de la réplication aux erreurs explique les taux élevés de mutation des virus à ARN. Contrairement aux virus à ADN (acide désoxyribonucléique) qui assurent la pérennité de leur code génétique, les virus à ARN ne possèdent pas les mécanismes permettant de détecter et de corriger ces erreurs.
Si la mutation favorise le virus en lui conférant une meilleure adaptation à leur hôte ou à l’environnement, le mutant prend progressivement le dessus sur le virus d’origine. C’est ce type de mutation qui a permis au coronavirus présent chez l’animal réservoir de passer à une autre espèce animale et à l’homme.
Le SRARS Cov2 a déjà muté depuis le début de l’épidémie. Plus un virus circule en passant d’un individu à l’autre, plus le risque de mutation est important. Les mutations du coronavirus peuvent accroître, diminuer ou n’a avoir aucune incidence sur sa transmissibilité et sa virulence. Toutefois, le risque existe que sa dangerosité s’accroisse, d’où l’importance d’endiguer le plus rapidement possible l’extension de l’épidémie. De plus, les recherches actuelles sur les traitements et vaccins pourraient devenir caduques en cas de mutation importante.
Les symptômes
Les symptômes de la COVID-19 sont proches de ceux de la grippe. Les plus courants et les plus significatifs sont la fièvre (sauf chez l’enfant3), généralement première et la toux ensuite (sèche dans la majorité des cas mais parfois avec expectorations, sanglantes dans de rares cas) fréquemment accompagnées de fatigue et d’une perte d’appétit. Les patients peuvent également souffrir de dyspnée (gêne respiratoire), de douleurs musculaires ou articulaires, de courbatures, des céphalées ou des maux de gorge. Plus rarement, ils présentent des nausées et vomissements, une congestion nasale, un écoulement nasal ou des troubles gastro-intestinaux (douleur ou diarrhée)( Zhou F., 2020 ; WHO, 2020).
Un rapport de l’OMS (WHO, 2020) précise la fréquence des symptômes observés sur 55.924 malades chinois :
• fièvre (87,9 %)
• toux sèche (67,7 %)
• fatigue (38,1 %)
• toux grasse (33,4 %)
• essoufflement (18,6 %)
• mal de gorge (13,9 %)
• maux de tête (13,6 %)
• courbatures, douleurs articulaires (14,8 %)
• frissons (11,4 %)
• nausées ou vomissements (5,0 %)
• congestion nasale (4,8 %)
• diarrhée (3,7 %)
• sang dans les crachats (0,9 %)
• conjonctivite (0,8 %)
Contrairement à la grippe, ces signes cliniques apparaissent progressivement sur plusieurs jours. Ils sont généralement bénins et la majorité des personnes guérissent sans intervention médicale.
Selon les évaluations actuelles, un patient symptomatique sur cinq ou sur six présente une affection sévère. Les données provenant de Chine montrent qu’une semaine s’écoule en moyenne entre l’apparition des premiers symptômes et l’admission à l’hôpital. 5% des patients nécessitent des soins en service de réanimation. Dans les cas les plus graves, le décès survient une à deux semaines après l’entrée aux soins intensifs.
Certaines personnes infectées sont porteuses saines. Elles sont asymptomatiques et ne manifestent aucune plainte mais excrètent le virus et sont donc potentiellement contagieuses.
Chez la grande majorité des enfants, l’infection est asymptomatique ou paucisymptomatique (symptômes bénins). Les enfants souffrant d’une autre pathologie ou immunodéprimés sont plus à risque de développer une forme sévère de l’infection.
Les personnes à risque
Les personnes âgées de plus de 70 ans sont particulièrement à risque de développer une forme grave de la COVID-19. C’est également le cas de celles souffrant de pathologies antérieures telles que l’hypertension artérielle, une maladie pulmonaire, une maladie cancéreuse, le diabète, une cirrhose, une cardiopathie ou dont l’immunité est déprimée. Elles sont plus souvent gravement atteintes que leurs pairs de la même catégorie d’âge. Le tabagisme accroit également le risque de présenter une forme sévère de la maladie (21% des patients fumeurs contre 14% des non-fumeurs) (Guan et al., 2020).
Dans les épidémies à coronavirus précédentes, les femmes enceintes avaient un risque plus élevé de développer une forme grave de la maladie. Ceci ne semble pas être le cas pour la COVID-19 et à ce jour, elles ne sont pas considérées comme un groupe à risque. Toutefois, il leur est recommandé de suivre les préconisations de gestes barrières à la lettre car leur immunité est diminuée tout au long de la grossesse. De plus, pour préserver le fœtus, certains traitements ne peuvent leur être administrés en cas de fièvre ou de problèmes respiratoires.
Les modes de transmission
Le SRAS Cov2 est présent dans différents fluides corporels, dont la salive, le mucus nasal et bronchique ainsi que dans les selles.
La COVID-19 se transmet le plus souvent par voie respiratoire directe d’une personne porteuse du virus à une autre saine. Cette dernière se contamine par inhalation des gouttelettes issues du nez ou de la bouche qu’expulse la personne infectée lorsqu’elle tousse ou éternue. Ce mode de transmission est considéré à ce jour comme la voie primaire de contamination.
Ces gouttelettes propagées sur certaines surfaces et objets peuvent rester infectieuses de quelques heures à trois jours en fonction de la texture du support, de la température et de l’hygrométrie ambiante, de l’exposition à la lumière (les UV solaire le détruisent) et de la quantité de virus déposée. La personne contracte le virus en touchant une surface contaminée puis en portant les doigts à la bouche, au nez ou aux yeux. Selon les études (van Doremalen, 2020 ; Kampf, 2020), sur l’inox et acier (boîte de conserve, poignée de porte, monnaie, etc.), le SRARS-Cov2 est détectable à faible concentration après vingt-quatre heures (probablement à des doses non contaminantes) et ne l’est plus après quarante-huit heures. Sur le carton, il est retrouvé en très faible quantité après huit heures et a complètement disparu au bout de vingt-quatre heures. Sur les plastiques, sa présence est très faible après quarante-huit heures et nulle après trois jours. Sur le cuivre et les métaux à base de cuivre, il survit moins de quatre heures. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, en respectant une bonne hygiène des mains, le risque d’être infecté en touchant des pièces de monnaie, des billets de banque ou des cartes de crédit est très faible.
La transmission par aérosols (microgouttelettes en suspension dans l’air) ne peut être totalement écartée mais il est certain qu’elle n’est pas le principal mécanisme de dissémination de l’infection. Le virus pourrait rester deux à trois heures en suspension dans l’air, et peut-être davantage si le degré d’humidité de l’atmosphère est élevé (van Doremalen, 2020).
Le SRAS Cov2 pourrait également se transmettre par voie fécale, en particulier en cas de diarrhée, par des particules fécales ou parce que les personnes omettent de se laver les mains ou se les lavent incorrectement après avoir été à selles (Wang, 2020). Cette voie de transmission serait toutefois secondaire.
Selon les connaissances actuelles, il ne semble pas y avoir de transmission verticale de la mère au fœtus (un seul cas de transmission décrit dans la littérature). Le virus ne passerait pas la barrière placentaire et n’atteindrait pas le bébé.
La transmission par les aliments n’est pas démontrée. Le SRAS-Cov2 est sensible aux températures de cuisson (entre 57°C et 63 °C pendant 4 minutes).
La transmission par les animaux domestiques semble peu probable (un seul cas décrit de transmission d’un chien à son maître).
La contagiosité
Le taux de contagiosité
La contagiosité de Covid-19 est légèrement supérieure à celle de la grippe saisonnière. Selon les estimations actuelles, un malade contamine en moyenne deux personnes et demi contre une personne un tiers pour la grippe. Il s’agit d’une moyenne, la variabilité semblant importante d’une personne infectée à l’autre. En effet, sans que l’on n’en connaisse la cause, certains malades infectent de nombreuses personnes et d’autres peu, voire aucune.
La contagiosité des personnes infectées
La contagiosité est prouvée durant la période d’incubation. Elle s’accroit avec l’apparition des premiers symptômes. D’une part, la charge virale augmente, d’autre part, les personnes expectorent et sont donc plus susceptibles de communiquer des gouttelettes infectées.
La durée de contagiosité d’un malade guéri
Les personnes guéries de la COVID-19 excrètent des virus en moyenne durant une vingtaine de jours après la disparition des symptômes avec des durées pouvant aller jusqu’à 4 semaines (Zhou, 2020). Durant cette période, elles restent potentiellement contagieuses.
L’incubation
La période d’incubation de la COVID-19 est le plus souvent de trois à sept jours avec une moyenne de cinq jours. Plus rarement, des personnes manifestent des symptômes deux jours seulement après avoir été infectées et d’autres tardivement, douze jours après un contact contaminant. La période d’incubation maximale retenue est de quatorze jours. Toutefois, très exceptionnellement, le temps d’incubation pourrait dépasser quatorze jours (Lauer, 2020).
Articles de la série
Josse E. (2020). Le deuil chez la personne âgée au temps du coronavirus. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article424
E. (2020). Ces adolescents qui bravent le confinement. Pistes de réflexion. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article423
Josse E. (2020). Sur le front d’une guerre biologique. La santé mentale du personnel hospitalier face au coronavirus. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article422
Josse E. (2020). Enfants et adolescents confinés, mode d’emploi. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article417
Josse E. (2020). Le coronavirus pour les nuls. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article415
Josse E. (2020). Les enfants face au coronavirus. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article411
Josse E. (2020). Infodémie : le coronavirus à l’épreuve des fake news et des théories complotistes. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article414
Josse E. (2020). L’épidémie de peur du coronavirus. http://www.resilience-psy.com/spip.php?article408
Bibliographie
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Guan W-j., Ni Z-y, Hu Y., Liang W-h., Ou C-q, He J-x., Liu L., Shan H., Lei C-l, Hui D., Du B., Li L.-j. et al. (2020). Clinical Characteristics of Coronavirus Disease 2019 in ChinaThe New England Journal of Medicine, February 28, 2020. En ligne: https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2002032
Kampf G., Todtb D., Pfaenderb S., Steinmannb E. (2020). Persistence of coronaviruses on inanimate surfaces and their inactivation with biocidal agents, The Journal of Hospital Infection, March 2020Volume 104, Issue 3, Pages 246–251, https://www.journalofhospitalinfection.com/article/S0195-6701(20)30046-3/fulltext
Lauer S.A., Grantz K.H., Bi Q., Jones FK., Zheng Q., Meredith H.R, Azman A.S., Reich N.G. Lessler J. (2020). The Incubation Period of Coronavirus Disease 2019 (COVID-19); Annals of Internal Medicine, 10 march 2020, https://annals.org/aim/fullarticle/2762808/incubation-period-coronavirus-disease-2019-covid-19-from-publicly-reported
van Doremalen N., Bushmaker T., Morris D., Holbrook M., Gamble A., Williamson B., Tamin A., Harcourt H., Thornburg N., Gerber S., Lloyd-Smith J., de Wit E., Munster V. (2020). Aerosol and surface stability of HCoV-19 (SARS-CoV-2) compared to SARS-CoV-1, https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.09.20033217v2
Wang D., Hu B., Hu C., MD1 et al (2020). Clinical Characteristics of 138 Hospitalized Patients With 2019 Novel Coronavirus–Infected Pneumonia in Wuhan, China. AMA. Published online February 7, 2020. doi:10.1001/jama.2020.1585. https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2761044
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Zhou F., Yu T., Du R, Fan G., Liu Y., Liu Z., Xiang J., Wang Y., Song B., Gu X., Guan L., Wei Y., Li H., Wu W., Xu J., Tu S., Zhang Y., Chen H., Cao B. (2020). Clinical course and risk factors for mortality of adult inpatients with COVID-19 in Wuhan, China: a retrospective cohort study., http://www.thelancet.com,March 9, 2020. https://www.thelancet.com/pb-assets/Lancet/pdfs/S014067362305663.pdf
Documents joints
Notes et références
- Evelyne Josse a travaillé pour Médecins Sans Frontières au Vietnam dans la lutte contre l’épidémie de SRAS (un coronavirus) ainsi qu’en République Démocratique du Congo et en Guinée pour des épidémies Ebola.
- Une espèce-réservoir est une espèce qui héberge un agent pathogène et lui permet de se reproduire. L’hôte ne souffre pas de la cohabitation avec l’agent pathogène et peut le transmettre à d’autres espèces.
- Quelques patients gravement atteints, en soins intensifs, ne présentaient pas de fièvre.