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Tous en psychothérapie?

Un article d’Evelyne Josse, 2025

Devrions-tous et toutes et tous consulter un psychologue à un moment donné de notre vie ? 

Des besoins différents

Tout le monde traverse des moments difficiles, que ce soit à cause d’une perte, du stress, de l’anxiété, d’un traumatisme, d’une maladie grave, d’une addiction ou d’une transition de vie. Chaque personne a des besoins différents. Consulter un psychologue peut être bénéfique pour nombre d’entre nous, c’est une option parmi d’autres, mais cela n’est pas une obligation pour nous tous. Certaines personnes peuvent trouver un soutien suffisant dans leur cercle social. Des groupes de parole, des activités de développement personnel, ou des pratiques comme la méditation, le yoga ou le sport peuvent également être des solutions efficaces. Mais ces expériences peuvent être accablantes et parfois difficiles à gérer seul. Un psychologue peut apporter une aide précieuse et proposer des stratégies concrètes pour faire face à des situations stressantes ou émotionnellement éprouvantes. Prendre soin de sa santé mentale est essentiel, et il appartient à chacun de trouver le bon soutien, qu’il soit professionnel ou non.

Dégradation de la santé mentale

La santé mentale dans notre pays se dégrade de manière inquiétante, en particulier chez les adolescents et les jeunes adultes, surtout depuis 2020. Selon des études récentes menées chez nos voisins français, environ 25 % de la population souffre de troubles mentaux, qui vont de l’anxiété à la dépression, en passant par des troubles plus graves. Ce n’est pas mieux en Belgique. Selon le rapport AXA Mind Health publié en 2024, près de la moitié des Belges affirment rencontrer des problèmes psychologiques et un Belge sur cinq déclare avoir de graves difficultés pour faire face à ses difficultés. Le recours à un psychologue est donc plus fréquemment recommandé qu’il y a quelques d’années.

La crise sanitaire a engendré des sentiments d’angoisse, d’incertitude et d’isolement. Le confinement, la peur de la maladie et la perte de repères ont contribué à une hausse des troubles anxieux et dépressifs et malgré la fin de l’urgence de santé publique, la prévalence de ces troubles reste beaucoup élevée qu’avant l’épidémie. La précarité croissante, le chômage, les inégalités sociales et la violence sont également des causes de stress et d’anxiété qui nuisent au bien-être mental. La compétition à l’école ou au travail et les exigences élevées génèrent elles aussi un sentiment d’épuisement. Avec l’évolution des modes de vie, l’isolement social est devenu un problème majeur. Les interactions humaines se sont réduites, et sont souvent remplacées par une dépendance aux réseaux sociaux. Sans entourage social, les individus n’ont personne vers qui se tourner pour partager leurs préoccupations ou demander de l’aide.

La toxicité positive ou l’injonction à aller bien 

Sur les réseaux sociaux, dans les magazines et dans les livres, nous sommes souvent incités à être dans l’acceptation, à adopter une attitude positive, à voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Du coup, certaines personnes consultent un psychologue sous la pression de leur entourage qui trouve anormal qu’elles puissent continuer à éprouver de la souffrance au-delà de quelques semaines après un licenciement, une rupture sentimentale ou un deuil. Les réseaux sociaux ne sont que le reflet de notre société. Autre reflet de cette dynamique sociétale : depuis 2022, l’Organisation mondiale de la santé estime qu’un deuil est prolongé lorsque la souffrance perdure au-delà de 6 mois. Comment peut-on imaginer que des parents qui ont perdu un enfant puissent se sentir parfaitement bien après 6 mois ? La vie réelle n’est pas instagrammable ! Les citations inspirantes qu’on peut lire sur Instagram ou sur Facebook du type « Quand on veut une chose, tout l’Univers conspire à nous permettre de réaliser notre rêve. » ou « La confiance en soi est le premier secret du succès » sont déconnectées de la réalité. Bien que consulter un psychologue puisse être bénéfique pour surmonter des périodes difficiles, il est crucial d’accepter que nous ne soyons pas toujours heureux. La décision de consulter un psychologue doit rester un choix personnel, adapté aux besoins de chacun.

À quels moments doit-on consulter un psychologue ?

Consulter un psychologue peut être bénéfique dans de nombreuses situations, et il n’y a pas de moment unique ou de raison unique pour le faire.

La crise suicidaire est une urgence psychologique qui requiert une prise en charge immédiate par des professionnels de la santé mentale. Il en est de même des personnes qui présentent un délire ou des hallucinations.

Après un événement potentiellement traumatique comme un accident, une agression, un viol, il est normal de ressentir des émotions intenses, mais si la souffrance perdure au-delà d’un mois ou si de nouveaux symptômes apparaissent, il est vivement conseillé de prendre contact avec un professionnel de la santé mentale. Il est important de savoir ce qu’est un traumatisme pour comprendre pourquoi ce trouble risque de devenir chronique. Notre cerveau ne traite pas les événements hautement émotionnels, voire traumatiques, de la même manière que les événements banals. Il existe dans notre cerveau un système inné qui traite les expériences que nous vivons ; on pourrait dire qui les digère. Toute nouvelle expérience est automatiquement triée et reliée à celles déjà conservées dans notre mémoire. Ainsi mises en lien avec ce que nous savons déjà, nous pouvons lui donner sens. Mais lorsqu’une personne est confrontée à un événement violent, elle produit des hormones de stress et un déséquilibre se produit dans son système nerveux. Le cerveau ne peut pas traiter correctement les informations liées à cet événement. Il ne parvient pas à les digérer. En conséquence, le souvenir de l’événement est maintenu dans son état brut et perturbant. Les images, les sons, les sensations physiques, les émotions, les pensées, les idées, etc., présents au moment de l’événement, restent figés dans le temps, coincés dans une mémoire à part. Il existe des méthodes thérapeutiques efficaces, telles que l’EMDR et l’hypnose, qui permettent d’agir sur ces réseaux neuronaux dysfonctionnels contenant les souvenirs traumatiques. Un psychologue formé à la prise en charge du trauma peut aider les personnes à traiter ces souvenirs traumatiques et à développer des stratégies d’adaptation.

Tout symptôme ou comportement entraînant de la souffrance et affectant la qualité de vie ainsi que le fonctionnement quotidien est une indication pour consulter, surtout s’il persiste au-delà de quelques semaines. Cela inclut notamment les troubles alimentaires comme la boulimie et l’anorexie, ainsi que les addictions, qu’il s’agisse d’alcool, de drogues, de jeux ou de pornographie. D’autres signes préoccupants peuvent être les troubles du sommeil, la perte de motivation, le repli sur soi, les angoisses, la tristesse ou les conflits avec l’entourage. Il est normal de connaître des périodes de mal-être psychologique de quelques jours ou semaines, mais si ces difficultés s’installent, cela peut indiquer des troubles sous-jacents nécessitant un traitement.

Il n’est pas indispensable d’avoir de graves troubles pour consulter un psychologue. Certaines personnes choisissent de le faire pour mieux se comprendre, explorer les raisons de leur fonctionnement ou approfondir leur histoire personnelle.