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Retranscription de la conférence « Le traitement des acouphènes. L’avis d’une psychologue hypnothérapeute »

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Conférence organisée par l’association Belgique-Acouphènes, Bruxelles, le 18 octobre 2006

Introduction

Par Yolande Delobbe – Présidente

Bonjour Madame JOSSE, bonjour aux responsables de Belgique Acouphènes, bonjour à ses membres et bonjour à tous.

Belgique Acouphènes asbl veut avant tout accompagner et informer les personnes qui souffrent d’acouphènes et d’hyperacousie. Pour cela, elle tient une permanence téléphonique qui écoute, aide et informe et sert de relais entre les membres. Belgique Acouphènes organise des groupes de parole dans ses différentes antennes. Pour le moment, nous avons une antenne à Tournai, Bruxelles, Namur et à Liège et nous cherchons encore des personnes de bonne volonté pour ouvrir d’autres antennes pour se rapprocher de plus en plus des personnes souffrant d’acouphènes et d’hyperacousie. Belgique Acouphènes édite une revue trimestrielle, qui traite des sujets d’actualités et qui vous permet de vous tenir au courant des activités de notre association et de ses antennes. Belgique Acouphènes organise enfin des conférences.

Aujourd’hui, dans le cadre de nos conférences, nous avons la joie et l’honneur d’accueillir Madame Evelyne JOSSE. Madame Evelyne JOSSE est psychologue clinicienne, psychothérapeute en hypnose et en EMDR. J’ai lu le CV de Madame JOSSE qui est très impressionnant. J’en ai fait le résumé et je m’excuse auprès d’elle si j’omets de citer certaines choses. Madame JOSSE, vous êtes psychologue du programme ASAB, expert en hypnose judiciaire auprès de la justice belge, vous assurez la supervision d’hypnothérapeutes, vous travaillez en partenariat avec Médecins sans Frontières et la Croix Rouge de Belgique pour la prise en charge psychothérapeutique des expatriés en difficultés. Psychothérapeute en consultation privée et praticienne agréée de la thérapie EMDR. Madame JOSSE a réalisé de nombreuses publications dans de nombreux domaines : les maladies graves liées au cancer, le stress et les traumatismes notamment dans le domaine humanitaire. Et en 2006, le dernier article rédigé par Madame JOSSE est intitulé : « Les acouphènes, traitement par l’hypnose ». Le 17 juin 2000 à Namur, madame JOSSE a donné une conférence pour notre association, sur le thème : « Hypnose Eriksonienne et Acouphènes ». Elle a participé à une formation organisée par l’Institut Erikson du Québec sur le traitement psychologique de la douleur et de la souffrance et du traitement des acouphènes. Madame JOSSE a assuré un cycle de formation pour professionnels de la santé organisé par l’Institut de Nouvelle Hypnose de Bruxelles dans le cours de 3ème année intitulé : « Le traitement des acouphènes par l’hypnose ». Aujourd’hui, elle nous fait une nouvelle fois l’honneur de venir vers nous pour nous informer sur le traitement des acouphènes et nous donner l’avis d’une psychologue hypnothérapeute. Je vous laisse la parole.

Les fausses croyances

Je vais définir l’hypnose « à l’envers », en commençant par dire ce qu’elle n’est pas. Tout d’abord, je vais aborder quelques idées reçues parce que ce qui fait le plus peur, ce sont les fausses croyances que l’on a par rapport à l’hypnose et ce sont elles qui le plus souvent, constituent un blocage par rapport à ce type de thérapie.

L’hypnose n’est pas un sommeil magique et mystérieux…

Je pense qu’une des idées les plus répandues est que l’hypnose est un sommeil magique et mystérieux, voire même un sommeil inquiétant. Ce n’est pas cela ! L’hypnose n’est pas un sommeil mais un état de conscience modifiée. L’hypnose est un état de conscience modifiée comme l’est le sommeil mais comme le sont aussi d’autres états, par exemple, la méditation, la relaxation ou bien encore la rêverie. Ces états de conscience sont d’ailleurs beaucoup plus proches de l’état hypnotique que ne l’est le sommeil.

Cette confusion entre hypnose et sommeil est due en partie à l’étymologie du mot « hypnose » qui signifie « sommeil » en grec mais elle résulte surtout de la pratique de l’hypnose de spectacle. Vous avez probablement déjà vu des hypnotiseurs dire : « Un, deux, trois, dormez, je le veux ! » à des personnes qui tombent effectivement en pâmoison, dans une sorte de sommeil. Ce qu’ils font, oui, c’est de l’hypnose. C’est de l’hypnose quand, bien entendu, ils ne travaillent pas avec des complices, ce qui est fréquemment le cas. Ce sont donc bien des phénomènes hypnotiques auxquels on assiste dans les hypnoses de spectacle. Evidemment, dans les hypnoses que nous pratiquons en tant que thérapeutes, nous ne cherchons pas à endormir les gens et nous ne cherchons pas à faire croire que nous avons un pouvoir particulier. Sur scène, les phénomènes doivent être spectaculaires pour impressionner le public. En thérapie, ce n’est évidemment pas le cas.

Les électroencéphalogrammes et l’imagerie médicale comme les RMN montrent que ce qui se passe dans le cerveau d’une personne en état hypnotique n’a rien à voir avec ce qui se passe dans la tête d’un dormeur. Ce qui s’y passe est en réalité beaucoup plus proche de ce qui se passe dans la tête d’un personne qui est en état de relaxation.

C’est dommage que les personnes croient que l’hypnose est un sommeil magique ou inquiétant parce que ces croyances génèrent soit des attentes irréalistes soit une méfiance exacerbée. Certaines personnes me disent : « C’est génial, vous allez m’endormir, vous allez réparer tout ce qu’il faut réparer et puis, quand je me réveillerai, je serai en parfaite forme, je serai tout à fait bien ». Malheureusement, cela ne se passe pas comme ça. Je n’ai pas de baguette magique. A l’opposé, d’autres personnes me disent : « Je ne veux pas d’hypnose, je veux bien de l’EMDR parce que je garde les yeux ouverts et que je garde le contrôle mais je ne veux pas de l’hypnose parce que vous allez m’assujettir à votre pouvoir, vous allez m’endormir et faire de moi ce que vous voulez ».

En fait, l’hypnose est un état actif qui demande votre participation. C’est un état dans lequel un certain nombre de phénomènes se produisent grâce à votre collaboration. Aucun praticien ne peut vous induire dans un état hypnotique si vous ne le voulez pas. Je pourrais comparer cela à ce qui se passe pour un spectateur au cinéma. A la limite, on peut obliger quelqu’un à se rendre au cinéma, tout comme on peut obliger quelqu’un à venir dans mon bureau de consultation. Par contre, on ne peut obliger personne à regarder le film. Il suffit en effet de fermer les yeux pour ne pas le voir. De la même façon, on ne peut pas obliger quelqu’un à entrer en hypnose. Je n’ai pas de pouvoir particulier qui me permettrait d’obliger une personne à entrer dans un état hypnotique.

L’état hypnotique peut être comparé à l’état d’attention du spectateur entièrement captivé par un film. Au cinéma, quand le film est plein de suspens ou d’émotion, le spectateur va « être dedans ». On utilise d’ailleurs des expressions comme « être dans le film » ou « être dedans ». Parce qu’elle est « dedans », parce qu’elle est intéressée par le film, la personne va se désintéresser de la majorité des aspects de la réalité extérieure. Elle va « oublier » la réalité extérieure. Elle sait bien qu’elle est dans un cinéma, elle ne dort pas, mais en même temps, la réalité extérieure ne l’intéresse pas. Ce qui l’intéresse, c’est le film. Et elle s’y intéresse au point d’avoir, du moins en partie, le sentiment de vivre l’intrigue. Pour une partie d’elle, ce qui se passe dans le film, c’est comme si c’était réellement en train de se passer, c’est comme si c’était « vrai ». Lorsque le méchant arrive avec un couteau près de la dame en train de se doucher, elle sursaute comme si une partie d’elle, celle qui est « dans le film », était effectivement en danger alors qu’une autre partie d’elle sait très bien qu’elle est au cinéma, en parfaite sécurité. Cela est très semblable à ce qui se passe quand on est en hypnose. En hypnose, on ne dort pas, ce qui d’ailleurs, comme je l’ai dit, en déçoit plus d’un ! C’est un peu comme au cinéma : il y a un film et on est « dedans ». En hypnose, le film peut, par exemple, être un bon souvenir que vous allez revivre ou bien une scène imaginaire que vous allez voir.

Quand on est mal installé sur une chaise dure dans un petit cinéma de quartier, si le film est passionnant, on va oublier l’inconfort. On va créer une sorte d’anesthésie dans tout notre corps. C’est un processus hypnotique intéressant, notamment pour les personnes qui souffrent des douleurs chroniques. L’hypnose est un état naturel dans lequel on a accès à des ressources qui ne sont pas disponibles à l’état de conscience habituel. Par exemple, on a cette possibilité de créer des anesthésies, ce qui est difficile à produire à l’état de veille habituel. Par contre, si le film est mauvais, on va percevoir l’inconfort. On ne va pas créer d’anesthésie. On va voir tout à l’heure comment on peut utiliser tout cela de façon thérapeutique.

L’hypnose est un état naturel, complètement banal…

Notre vie est scandée par différents rythmes. Par exemple, nous avons un rythme qui dure de nonante à cent minutes. Toutes les nonante à cent minutes, on fait une sorte de petite pause. Dans ces moments-là, notre cerveau fonctionne de manière un peu particulière. Cela va nous permettre d’organiser nos informations mentales, de produire des hormones, etc. On passe tous, par exemple, par des états où on est dans la lune. On est en réunion et le patron dit : « Marie-Chantal, qu’est-ce que vous en pensez ? ». Marie-Chantal était bien là physiquement, mais son esprit était complètement ailleurs et elle est bien incapable de répondre à son patron. Ces petites pauses, ce sont aussi les moments où on a envie de bailler, où on a envie de faire un petit break pour boire un café. Ce sont des moments où on est dans un état de conscience légèrement différent que les hypnothérapeutes appellent « transes communes ». Pour nous hypnothérapeutes, « transe » est un autre mot pour hypnose.

Vous le savez parce que vous l’avez déjà expérimenté, si on est préoccupé par un sujet, on est capable de conduire d’une façon tout à fait automatique sans remarquer le chemin que l’on parcourt. C’est surtout vrai pour les navetteurs qui font toujours le même trajet. On est bien là dans la voiture mais avec une autre partie de soi, on est ailleurs, on pense aux factures à payer, aux problèmes que l’on rencontre avec son fils adolescent ou aux prochaines vacances. On est ailleurs mais si un camion débouche brutalement sur la route, on revient immédiatement à la réalité, on freine, on change de vitesse, etc. On « revient » dans la réalité parce qu’un événement de cette réalité extérieure nous mobilise. Mais quand notre environnement ne nous donne pas de nouvelles informations, quand c’est toujours la même chose, on a tendance à « partir ».

Je voudrais dire un petit mot aussi de la « transe des autoroutes », de « l’hypnose des autoroutes ». C’est étonnant que l’on fasse référence aux autoroutes parce que le phénomène surgit davantage sur les nationales bordées d’arbres. On a constaté, notamment en France, que de nombreux accidents se produisaient sur les routes bordées d’arbres. Sur les routes peu fréquentées, donc sur lesquelles peu de choses mobilisent l’attention des conducteurs, les arbres donnent une sensation de rythme parce qu’ils sont plantés à distance régulière. En France, à certains endroits, on a du couper des arbres parce que les conducteurs entraient dans une sorte d’état hypnotique à cause du rythme donné par le défilement des arbres !

Pour ceux qui ne conduisent pas, il y a d’autres occasions d’expérimenter ces états hypnotiques spontanés. Les ados sont très forts à ce jeu-là. Ceux qui parmi vous ont élevé des enfants savent que lorsqu’on les appelle, ils n’entendent pas toujours parce qu’ils sont plongés dans leur jeu vidéo. On peut expérimenter ces états quand on lit un bon livre, quand on est au cinéma, lorsque l’on regarde un film à la télévision ou lorsqu’on travaille sur ordinateur. Dans ces moments-là, le temps semble avoir une autre dimension. Tout d’un coup, on se dit : « J’ai faim ! Quelle heure est-il ? Déjà cette heure-là ! Je n’ai pas vu le temps passer ! ». C’est un phénomène hypnotique que l’on appelle la « distorsion temporelle ».

On expérimente aussi ces états de transe commune quand on rêvasse, notamment juste avant de s’endormir, quand on est dans une sorte de semi-sommeil, de semi-éveil ou le matin, quand on se réveille et que l’on est encore un peu endormi. Ceux qui pratiquent la méditation ou le Yoga connaissent aussi des états que l’on peut appeler « hypnotiques ».

L’hypnose est un phénomène physiologique et psychologique tout à fait naturel et banal. En simplifiant, je peux dire qu’en ce moment, les droitiers sont en train de m’écouter avec leur cerveau gauche et les gauchers avec leur cerveau droit. C’est le cerveau gauche qui domine les activités d’éveil chez les droitiers. C’est très caricatural, les neurologues nuanceraient ce que je viens de dire, mais pour faire simple, disons que l’on a deux cerveaux qui peuvent travailler indépendamment l’un de l’autre. Ces deux cerveaux communiquent entre eux parce qu’ils sont reliés par une espèce de gros câble qu’on appelle le corps calleux. Pour le moment donc, du moins pour la majorité d’entre vous, c’est votre cerveau gauche qui analyse les informations que je donne. Dans d’autres activités, c’est votre cerveau droit qui travaille préférentiellement. C’est notamment le cas lorsque vous écoutez de la musique, quand vous pratiquez une activité artistique, quand vous êtes dans un état de relaxation, quand vous rêvassez, quand vous écoutez une histoire ou un conte.

Ces phénomènes, les amnésies, les anesthésies, la distorsion temporelle, etc. se produisent spontanément dans notre vie quotidienne et on peut apprendre à les utiliser de façon thérapeutique. En hypnose thérapeutique, on ne fait donc qu’utiliser des ressources que nous avons tous. On va amplifier certains phénomènes et on va les utiliser de façon spécifique. Ces états apparaissent donc de façon spontanée mais on peut les produire intentionnellement, les guider et les diriger.

L’hypnotisabilité n’est pas l’apanage des faibles…

Une autre fausse croyance, c’est que seuls les faibles peuvent être hypnotisés. Des personnes viennent et me disent : « L’hypnose a marché avec ma copine mais c’est normal, elle n’a pas beaucoup de caractère, mais moi, j’ai une personnalité très forte et je ne pense pas que cela va marcher ». En fait, c’est faux, et c’est même plutôt l’inverse parce que la capacité à entrer en hypnose (ce qu’on appelle l’hypnotisabilité) est fortement liée à l’intelligence et à la créativité. Si vous prenez quelqu’un comme Bill Gates, pour révolutionner l’informatique, il a du inventer des choses qui n’existaient pas, il a du faire preuve de créativité et d’imagination.

L’intelligence est liée à cette possibilité d’être imaginatif et créatif. Pour l’hypnose, c’est pareil : plus on a d’imagination et mieux ça marche. Un certain nombre de personnes qui rencontrent des difficultés, c’est le cas notamment des grands anxieux, possèdent d’ailleurs une intelligence un peu au-dessus de la moyenne.

En conclusion, à des degrés divers, on est tous capables d’expérimenter un état hypnotique. Mais il faut bien reconnaître que notre société n’encourage pas ce type de comportement. Déjà, enfant, à l’école, on se faisait sermonner quand on était dans la lune, le professeur n’aimait pas beaucoup cela. On est dans une société où on nous apprend à être tout le temps vigilant et où on nous corrige quand on ne l’est pas. Donc, on doit apprendre quelque chose qui va à l’encontre de ce qu’on nous a enseigné depuis que l’on est né. Il s’agit donc effectivement d’apprendre quelque chose d’un peu nouveau à savoir « lâcher prise ». On doit apprendre à « lâcher prise » et à se désintéresser d’une partie de la réalité extérieure pour s’intéresser finalement à sa propre réalité intérieure.

Un petit exercice

Je vais vous proposer un petit exercice d’hypnose.

Je vais vous demander de fermer les yeux et de bien faire attention à votre respiration, … de bien vous installer confortablement, les pieds bien à plat sur le sol, … et de fermer les yeux en vous concentrant sur votre respiration… et de bien réellement découvrir à quoi cela ressemble de respirer, … de bien sentir toutes les sensations que vous ressentez à l’inspiration… et de sentir comment ces sensations changent à l’expiration, … de sentir toutes les différences dans la tension de vos vêtements à l’inspiration… et comment ces sensations dans la tension de vos vêtements se modifie à l’expiration. Peut-être que vous pouvez même imaginer qu’à l’inspiration, c’est un peu comme si vous arriviez à une sorte de palier. Un palier sur lequel vous pouvez vous arrêter pour vous permettre de descendre plus profondément dans le confort à l’expiration… Et vous pouvez même imaginer qu’à l’inspiration vous prenez un souffle de calme… Vous inspirez l’oxygène et vous inspirez le calme. Vous inspirez la relaxation et vous soufflez vos tensions… Vous chassez vos tensions loin de votre corps, là où elles doivent être… Et ainsi, petit à petit, à chaque respiration, vous pouvez vous permettre de vous ressentir plus détendu, plus relaxé. Et petit à petit, vous laissez bien votre respiration descendre bien bas dans votre ventre… de sorte que ce soit votre ventre qui respire et non plus votre poitrine… de sorte que votre corps retrouve cette respiration automatique, cette respiration que vous avez lorsque vous dormez, quand votre corps respire tranquillement sans que vous ayez à vous en occuper. Rien de particulier à faire, rien de particulier à savoir, c’est comme pour le sommeil. Comme vous le savez, il n’y a rien de particulier à faire, rien de particulier à savoir pour s’endormir, c’est plutôt une permission que l’on se donne d’oublier la réalité extérieure pour se laisser glisser dans les doux bras de Morphée. Et de la même façon, il n’y a rien de particulier à faire, rien de particulier à savoir pour entrer dans cet état hypnotique qu’on appelle aussi la transe. Comme pour le sommeil, c’est plutôt une permission que l’on se donne de faire abstraction d’une partie de la réalité extérieure pour s’intéresser de plus en plus et de mieux en mieux à sa propre réalité intérieure. Tout comme pour le sommeil, moins on se force et mieux cela marche tout seul. Rien de particulier à faire, rien de particulier à savoir… et vous n’avez même pas besoin de m’écouter. Comme quand vous étiez un petit enfant, assis en classe, devant son banc d’école… Et je ne sais pas si le tableau est noir ou s’il est vert mais vous, vous pouvez bien le voir… Les cartes de géographie sur les murs, peut-être les lettres de l’alphabet, les tables de multiplication, l’odeur de la craie mouillée sur l’éponge ou de la poussière de craie sur le feutre, les nuages sur le tableau mal effacé, le bruit si particulier de la craie quand on met les points sur les « i » ou les barres sur les « T », le chuchotement des camarades de classes, le bruit de chaises, l’odeur des gouaches, le crissement de la craie sur le tableau, l’odeur du cartable ou l’odeur du sac de gymnastique, le grattement de la plume sur le papier, l’odeur des manuels scolaires et le bruissement des feuilles que l’on tourne… Et vous, vous regardez par la fenêtre en perdant la trace du cours qui se donne. Vous laissez vagabonder votre esprit sous le préau ou peut-être dans la cour de récréation ou peut-être bien au-delà des frontières de l’école et peut-être même dans un monde imaginaire. C’est un peu ce genre de chose qui peut se passer en hypnose. Une partie de vous peut-être ici et une autre peut être ailleurs… Dans un instant je vais compter de zéro à dix et quand je serai à dix, vous serez tout à fait réveillés et revenus à vos notions d’espace et de temps habituels et vous serez prêts à écouter cette conférence. Je vais donc compter de zéro à dix et à dix, vous pourrez vous étirer comme un chat qui se réveille pour libérer toute l’énergie. Zéro, un, deux, trois, l’énergie commence à circuler, quatre, cinq, déjà à moitié réveillés, six, vous pouvez déjà avoir envie de bouger pour retrouver les sensations que vous voulez retrouver dans votre corps tout en gardant celles que vous voulez garder, sept, vous pouvez avoir envie de prendre une bonne respiration profonde et rafraîchissante, huit, neuf, presque réveillés et dix, tout à fait réveillés, détendus et tranquilles et vous pouvez vous étirer pour lui libérer toute l’énergie.

Etre en hypnose ne signifie pas être sous le pouvoir d’autrui…

L’hypnothérapeute n’a pas de pouvoir. Ce qu’il possède, c’est un savoir, un savoir-être, un savoir-faire. Induire un état hypnotique, c’est quelque chose qui s’apprend, ce sont des techniques. Du côté du patient, l’hypnose, c’est un état dans lequel il garde le contrôle. Après le « lâcher prise », il reprend le contrôle.

Je donne toujours la métaphore du guide de montagne. Le guide va vous montrer le chemin le plus facile, le plus sécurisant mais c’est vous qui marchez. Vous gardez le contrôle. Le thérapeute est un guide qui vous aide à trouver le chemin en vous-même. L’objectif du thérapeute est que le patient devienne autonome le plus vite possible. Notre objectif n’est pas de garder quelqu’un sous notre pouvoir mais au contraire de le rendre plus autonome. En hypnose, le patient a accès à ses propres ressources et non pas à celles de l’hypnothérapeute ! Mais ces ressources personnelles ne sont pas nécessairement disponibles dans des états de conscience et d’éveil habituels. Pour le patient, l’hypnose est donc un moyen d’accéder à ses propres ressources, à ses propres solutions.

Une dernière preuve, par l’absurde, de l’incongruité de ce mythe de l’hypnotiseur tout puissant : il est possible d’induire soi-même un état hypnotique. On peut induire cet état hypnotique soi-même sans l’aide d’un thérapeute ; on peut se mettre soi- même dans un état d’autohypnose. Cela démontre bien que le thérapeute n’a pas de pouvoir. S’il en avait, le patient ne pourrait pas retrouver cet état en son absence.

Est-ce que l’hypnose peut être nocive ?

On peut répondre oui et non. Parce que si elle n’était pas nocive, probablement qu’elle ne serait pas non plus aussi efficace. Si l’hypnose est mal utilisée, cela peut faire des dégâts. Il vaut mieux consulter un professionnel correctement formé à cette technique.

La nocivité potentielle vient du fait que l’esprit a beaucoup d’influence sur le corps. Vous avez déjà entendu parler des maladies psychosomatiques. Les maladies psychosomatiques sont une illustration de ce pouvoir de l’esprit sur le corps. Notre esprit a le pouvoir de créer des maladies. A l’inverse, c’est ce que l’on appelle l’effet « placebo », on peut avoir un pouvoir prodigieux sur notre corps grâce à notre esprit.

Une expérience a été menée avec des personnes qui étaient en phase terminale d’un cancer. On les a réparties en trois groupes. Au premier groupe, on a donné de la morphine en leur disant qu’on leur donnait de la morphine. Au deuxième groupe, on a donné de la morphine en leur disant qu’on leur donnait un anti-douleur léger. Au troisième groupe, on a donné un antidouleur léger en leur disant qu’on leur donnait de la morphine. A votre avis quel groupe a ressenti le plus de bénéfices ? Le groupe morphine-morphine a obtenu le meilleur résultat en ce qui concerne la réduction des douleurs. Les effets positifs du médicament et de l’esprit se sont additionnés. Mais le deuxième groupe à avoir obtenu un effet bénéfique sur les douleurs est celui à qui on a donné un anti-douleur léger et à qui on a dit qu’il recevait de la morphine. Bien sûr, l’anti-douleur léger agit très peu sur les douleurs d’un cancer en phase terminale mais par contre, l’esprit peut agir très efficacement. Cette expérience a montré que l’esprit agit davantage sur les douleurs que la morphine! L’effet Placebo ne fait que révéler les incroyables capacités de notre esprit.

L’hypnose, une définition…

L’hypnose est un état de concentration dans lequel on est tellement accaparé par une idée, par des sensations physiques, des émotions ou des images qu’on en oublie la majorité des aspects de la réalité extérieure.

Les thérapies telles que je les pratique utilisent le langage mais il y existe d’autres moyens d’induire un état hypnotique, notamment le rythme de tambours et les danses rythmiques.

Donc, pour résumer, on peut induire un état hypnotique soi-même, sans l’aide de personne ; c’est l’autohypnose. On peut se faire guider par quelqu’un ; cela s’appelle l’hétéro-hypnose.

La profondeur de la transe est très variable d’une personne à l’autre et pour une même personne, d’une séance à l’autre. Certaines personnes vont dans des états hypnotiques très profonds et à leur réveil, elles ne se rappellent pas d’une partie de la séance. D’autres disent qu’elles auraient pu ouvrir les yeux à n’importe quel moment mais en même temps, elles déclarent qu’elles étaient complètement « dans » le film d’une partie de leur passé. D’autres personnes trouvent même cet état décevant parce qu’elles n’ont pas l’impression d’avoir vécu une expérience particulière. Souvent, la qualité de l’état hypnotique s’améliore au fur et à mesure des séances. On peut également utiliser des techniques spécifiques pour aider les patients à approfondir leur état hypnotique.

Comment peut-on voir qu’une personne est en transe ?

En fait, certains signes sont évocateurs d’une transe hypnotique mais aucun n’est spécifique. Tout ce qu’on peut observer chez une personne en transe peut se voir lorsqu’elle n’est pas en transe. Il n’y a rien qui soit spécifique à l’hypnose. Et en plus, les signes sont variables d’une personne à l’autre et pour une même personne, d’une séance à l’autre.

Je vais aborder les quelques phénomènes les plus importants, ceux que l’on rencontre le plus fréquemment chez les personnes en état hypnotique.

La suggestibilité Un des phénomènes les plus importants dont j’aimerais vous parler, c’est la suggestibilité. Une suggestion est un moyen de proposer une idée. Si par exemple, je vous demande à tous d’imaginer que vous avez un morceau de citron en bouche, je vous suggère quelque chose, donc, je vous propose quelque chose, je vous propose une idée. Si vous acceptez cette idée, vous allez commencer à imaginer que vous avez un morceau de citron en bouche. La suggestibilité est la faculté que nous avons en tant qu’être humain à accepter une idée. Donc, si je vous propose de penser au citron et que vous acceptez de le faire, vous faite preuve de suggestibilité. La salivation sera la réalisation tout à fait naturelle et automatique de cette idée. En hypnose, notre suggestibilité est augmentée, notre faculté à accepter des idées est augmentée. Nous acceptons des idées que nous refuserions peut-être à l’état de veille habituel parce qu’elles nous sembleraient étranges. En hypnose, on prend ces idées, on les fait nôtres et on obtient des résultats et notamment, des résultats thérapeutiques. La suggestibilité n’est pas spécifique de l’hypnose mais elle est favorisée par elle.

La dissociation est aussi un phénomène important qui se produit dans les états hypnotiques. On peut être dissocié, c’est-à-dire détaché de la réalité extérieure ou d’une partie de sa propre réalité. Pour faire simple, disons que lorsqu’on se dissocie, on se divise. Tout à l’heure, je parlais de la chaise inconfortable d’un cinéma de quartier. Les spectateurs qui ne ressentent pas l’inconfort de leur chaise sont dissociés de leur corps. Leur esprit continue de fonctionner et le corps est un peu « oublié » sur la chaise. Corps et esprit sont divisés. Un autre exemple, dans l’exercice que nous avons fait, certains d’entre vous étaient dans leur souvenir, ils étaient à l’école, ils sentaient les odeurs de la classe, etc.… et en même temps, ils étaient ici, dans la pièce. On peut aussi se dissocier d’une sensation, notamment d’une sensation auditive ; on peut « oublier » les acouphènes. On peut donc utiliser l’hypnose pour se dissocier de la perturbation due aux acouphènes.

L’hallucination est le troisième phénomène dont je voudrais vous parler. Au cours de l’exercice, certains d’entre vous ont senti les odeurs du sac de gymnastique, je sais que cela sent très mauvais ; d’autres ont entendu le crissement de la craie. Ces odeurs et ces bruits perçus, ce sont des hallucinations. Vous étiez tellement dans le souvenir que vous êtes parvenus à percevoir des choses qui n’existaient pas à ce moment-là dans la réalité extérieure.

Un autre signe de la transe, c’est la catalepsie. L’hypnothérapeute demande parfois au patient de fixer un point pour l’aider à entrer en hypnose. Au bout de quelques minutes, certains patients ne parviennent plus à fermer les paupières. Les paupières cessent de cligner. On dit qu’elles sont en catalepsie.

La lévitation du bras. Le thérapeute peut aussi demander à la personne de mettre son bras en l’air. C’est très inconfortable de maintenir le bras en l’air pendant un quart d’heure, mais en hypnose, le patient est capable de se détacher de ses sensations et de rester comme cela pendant une heure. Non seulement, il peut « oublier » l’inconfort mais parfois, il ne sait même pas qu’il a gardé le bras levé pendant la séance ! Cette capacité de se détacher d’une partie de son corps et de ne plus le sentir est intéressante pour traiter les douleurs chroniques.

Les modifications sensorielles. Ce phénomène est très intéressant dans le traitement des acouphènes. Un certain nombre de personnes voient l’intensité de leurs acouphènes se modifier en fonction des variations de la circulation sanguine au niveau de leurs oreilles. Par exemple, j’ai reçu en consultation une dame dont les oreilles devenaient parfois toutes rouges. A ce moment-là, elles étaient hyper-vascularisées et cela augmentait ses acouphènes. Lorsque je lui demandais d’imaginer que ses oreilles étaient froides, une réaction se produisait de façon tout à fait automatique. Son cerveau réagissait au froid, un froid imaginaire donc, par une vasoconstriction. Le diamètre des vaisseaux sanguins se rétrécissait et ses oreilles étaient moins vascularisées, ce qui réduisait ses acouphènes à un niveau gérable pour elle. Aux personnes qui au contraire de cette patiente ont une mauvaise circulation dans les oreilles, on peut demander d’imaginer une sensation de chaleur. Imaginer cette chaleur va produire une vasodilatation des vaisseaux, et donc, une meilleure circulation sanguine.

L’amnésie est aussi un phénomène naturel utile dans le traitement des acouphènes. Elle est précieuse aussi bien pour aider le patient à oublier des périodes difficiles que des perceptions auditives dérangeantes. Quand on a vécu une période pénible avec beaucoup d’acouphènes, on est de mauvaise humeur, on est déprimé. Si on peut amnésier, donc oublier très vite ce moment que l’on vient de vivre, c’est une bonne chose.

L’hypermnésie est utilisée pour se souvenir d’événements du passé, parfois consciemment oubliés. Dans plus de 50% de cas, l’acouphénie a débuté à un moment stressant de la vie des personnes, soit par un traumatisme physique soit par un traumatisme psychologique, soit les deux. En hypnose, on peut essayer d’aller retrouver les événements traumatiques et nettoyer le « pus » émotionnel. On peut comparer ce qui se passe au niveau psychologique à une plaie. La plaie s’infecte et produit du pus. L’infection peut même se propager dans tout le corps. De la même manière, une blessure psychologique peut s’infecter et le pus émotionnel peut avoir des répercussions sur le fonctionnement de notre corps. Ce qui se passe dans notre tête, dans notre psychisme, peut avoir des répercussions sur le fonctionnement de notre corps.

Comment se passe une thérapie par hypnose ?

La thérapie commence par un ou plusieurs entretiens préparatoires. Le thérapeute doit discuter avec le patient notamment pour identifier l’origine du problème et pour déterminer quand, comment et par quoi ses acouphènes sont aggravés ou améliorés. Il doit poser une série de questions pour être en mesure d’aider ensuite son patient. C’est très important de consulter un thérapeute qui connaît bien les acouphènes. Certaines personnes ont des acouphènes quand leur taux de sucre dans le sang circulant chute (hypoglycémie). D’autres, j’en ai parlé, ont une aggravation en cas de trouble circulatoire. Il faut de toute façon faire une visite complète chez un ORL avant de faire quoi que ce soit d’autre. L’entretien préparatoire est donc indispensable pour recueillir un certain nombre d’informations. Dans l’anamnèse, le thérapeute doit demander : depuis quand souffrez-vous de ces acouphènes ? Qu’avez-vous déjà essayé ? Aux personnes qui ont déjà fait de la sophrologie : Qu’est-ce qui a marché ? Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Cela fait gagner du temps parce que cela évite au thérapeute de refaire des choses qui n’ont pas marché précédemment. Le thérapeute doit aussi voir s’il y a de contre-indications à pratiquer l’hypnose. Certaines personnes ont des personnalités très perturbées et peuvent arriver en disant « j’ai des acouphènes ». Elles ont entendu dire qu’on appelle « acouphènes » les bruits dans les oreilles mais en fait, elles sont psychotiques, elles délirent et elles entendent des voix comme Jeanne d’Arc.

Qu’est-ce que l’induction ?

L’induction n’est rien d’autre qu’une technique qui vous permet de vous focaliser sur ce qui se passe à l’intérieur de vous, qui vous aide à entrer à l’intérieur de vous et donc, qui vous aide à vous désintéresser de la réalité extérieure, qui vous permet de l’oublier.

Les méthodes d’induction de l’état hypnotique sont très nombreuses et ont pour point commun de fixer l’attention. En ce qui me concerne, je propose aux gens de fermer les yeux en début de séance mais à ceux qui éprouvent des difficultés, je demande de fixer un point dans la pièce ou un point que je leur dessine sur la main ou un objet qu’ils choisissent. La fixation fatigue les yeux et il devient alors plus facile de les fermer. On peut leur demander de fixer leur attention sur des sensations physiques, par exemple sur la lourdeur progressive du corps ou sur leur respiration. On peut aussi les ramener dans un bon souvenir, par exemple, les faire revivre leur dernier voyage ou leurs dernières vacances. Petit à petit, l’esprit conscient habituel « décroche » et cela ouvre la possibilité de faire un travail thérapeutique.

Le travail thérapeutique en hypnose

Après l’induction, vient le travail thérapeutique. On va activer des idées thérapeutiques. Le thérapeute va présenter aux patients des idées thérapeutiques grâce aux suggestions et aux métaphores. Je vais vous donner un exemple. Pour ceux qui ont connu les frigos qui faisaient du bruit et les horloges qui faisaient « tic-tac », vous savez qu’on peut oublier ces bruits. On oublie aussi le ronronnement du moteur de la voiture quand on conduit. On peut même oublier des bruits plus importants. Pour ceux qui ont habité près d’une ligne de tram, vous savez que le vacarme du tram ne dérange plus personne au bout de quelques années. On est tout à fait capable de ne plus entendre un certain nombre de choses. On a tous cette ressource en nous de pouvoir oublier des bruits. On peut la mettre à profit pour oublier les acouphènes. C’est naturellement plus facile à dire qu’à faire mais « oublier les acouphènes », c’est une idée thérapeutique qui est plus facilement acceptée en état hypnotique qu’à l’état de veille habituel.

On va donc transmettre des suggestions, on va suggérer des solutions aux problèmes des patients par le biais de contes, d’histoires, de métaphores, etc. Les suggestions ne sont pas des ordres. Je compare les suggestions aux choix qui vous sont proposés dans un buffet. En hypnose, le thérapeute vous fait de nombreuses suggestions, de nombreuses propositions et votre cerveau, votre inconscient va prendre ce qui lui convient. Les suggestions sont des moyens consistant à proposer des solutions créatives au problème du patient.

Le thérapeute peut donc raconter des histoires. Dans certains cas, il peut aussi mener des séances interactives dans lesquelles il questionne l’inconscient du patient ou dans lesquelles il mobilise directement cet inconscient pour solutionner une problématique spécifique. Il peut par exemple, demander à l’inconscient du patient d’où viennent ses acouphènes. En hypnose, on peut aussi faire des scénarios réparateurs. On va retrouver les souvenirs douloureux et on va, si je puis dire, les réparer, on va les transformer. On va nettoyer les émotions douloureuses attachées à ces souvenirs, on va purger le pus émotionnel. Par exemple, un de mes patients qui souffre d’acouphènes est tombé d’une échelle. Il a eu un traumatisme crânien mais peu de temps avant sa chute, il a aussi essuyé des revers professionnels et sa mère est décédée. Il a donc souffert de plusieurs événements traumatiques aussi bien physiques que psychologiques. L’hypnose nous a permis de retrouver et de traiter les événements douloureux après quoi ses acouphènes ont fortement diminué. Ils sont toujours là mais à un niveau gérable pour lui.

Pour mener une séance interactive, il faut un thérapeute bien formé et un patient qui puisse atteindre un état hypnotique satisfaisant. Pour questionner l’inconscient, il ne faut pas simplement fermer les yeux. Si je vous demande de fermer les yeux maintenant et que je vous pose des questions, c’est évidemment votre conscient qui va répondre et ça n’aurait pas d’intérêt.

La phase de terminaison et la sortie de l’état hypnotique

Le réveil se fait par comptage. Je compte de zéro à dix ; d’autres thérapeutes compte de dix à zéro. Ce comptage, c’est simplement pour faire la différence entre l’état de veille habituel et un autre état qu’on appelle « hypnose ». On termine souvent en disant : « Vous serez bien quand vous allez vous réveiller et cet état de bien-être pourra encore s’approfondir dans les heures et les jours qui viennent. »

L’entretien post-hypnotique

Après la séance d’hypnose, on demande à la personne de faire un petit feed-back. Le thérapeute récolte ainsi des informations qui lui permettront d’adapter au mieux ses techniques lors des séances ultérieures. Ca permet, par exemple, de savoir ce qui fonctionne le mieux pour l’aider à entrer rapidement en état hypnotique ; ça permet de savoir ce qui ne marche pas. Après l’hypnose, les patients n’ont pas toujours envie de parler. Dans ce cas, la discussion peut être reportée à la séance suivante.

Hypnose et acouphènes

L’hypnose, comme d’autres types de médecine alternative, a sa place dans le traitement des acouphènes parce que dans la plupart des cas, la médecine classique est inapte à apporter une réponse efficace. Il n’existe en effet pas de traitement qui marche dans tous les cas. L’approche doit être individualisée.

Dans un certain nombre de cas, malheureusement assez rares, la médecine peut apporter une solution au problème à l’origine de l’acouphène, notamment par une intervention chirurgicale. C’est le cas, par exemple, pour les patients qui ont un neurinome (tumeur), une béance de la trompe d’eustache ou une courbe vasculaire trop proche de l’oreille interne.

Le type d’acouphène est très variable d’une personne à l’autre. Certains entendent des bruits graves, des bourdonnements et d’autres, des sifflements. En général, les sifflements sont moins bien supportés que les bourdonnements.

L’intensité est également variable d’une personne à l’autre. Certaines ont des acouphènes de faible intensité mais les supportent très mal ; d’autres ont des acouphènes très élevés et parviennent à vivre avec.

L’étiologie des acouphènes est multiple, multiforme. Les causes sont nombreuses car le phénomène acouphénique accompagne fréquemment une atteinte auditive quelle qu’en soit sa nature. Je ne vais pas les citer toutes. Ce n’est pas l’objet de cette conférence. Sachez cependant qu’une des grandes causes des acouphènes est la pollution sonore. De 55% à 80% des acouphènes seraient dus à un traumatisme sonore. Dans certains cas, l’acouphène a une origine traumatique. Un de mes patients souffre d’un acouphène suite au déclenchement d’une alarme. Il a donc subi un traumatisme sonore intense sur une brève durée qui a provoqué la destruction de cellules auditives et donc, la surdité pour certaines fréquences, fréquences dans lesquelles une acouphénie s’est rapidement déclarée. En thérapie, on a pu travailler sur le traumatisme psychologique mais sur les lésions traumatiques proprement dites, je ne peux rien faire. Certaines acouphénies ont une origine toxique. C’est le cas, par exemple, de certains acouphènes qui sont provoqués par la prise certains médicaments. L’acouphénie peut avoir pour origine l’oreille externe, l’oreille moyenne ou l’oreille interne mais quelque soit son siège initial, à un certain moment, c’est le cerveau qui produit le bruit. A partir d’un certain moment donc, ce n’est plus l’oreille qui produit le bruit mais le cerveau. Le bruit s’enregistre dans une partie du cerveau, on dit qu’il se « corticalise ». C’est alors de cet enregistrement qui fonctionne en boucle, de manière automatique, que souffre le patient.

L’acouphénie se produit généralement dans les zones de surdité. Dans la majorité des cas, les acouphènes ont pour origine une pathologie de l’oreille interne. Vous avez dans l’oreille interne une rangée de cellules comparables aux touches d’un piano. On les appelle les cellules de Corti. Imaginez un piano dont certaines touches seraient cassées et qui ne produiraient plus de son. On peut comparer les cellules de Corti lésées par une agression quelconque aux touches cassées d’un piano. Aucun son ne parvient plus au cerveau de ces cellules lésées. Le cerveau n’entendant plus les sons correspondant à ces notes va les inventer. C’est comme s’il y avait une distorsion des informations au niveau du cerveau. L’hypnose a sa place dans ce traitement parce qu’on peut aider le cerveau à retraiter les informations.

On conseille aux personnes souffrant d’acouphène d’éviter d’aller dans les endroits trop bruyants. On leur conseille cependant aussi de ne pas protéger leurs oreilles dans les milieux sonores ambiants « normaux ». En s’isolant, elles permettent aux acouphènes de se faire davantage entendre. Ce qui se passe avec le bruit ambiant pour les personnes acouphéniques est comparable à ce qui se passe quand on se frotte après s’être cogné. Notre cerveau sent la douleur mais il sent aussi le frottement. Pour notre cerveau, il y a une sorte de compétition dans le traitement de l’information par rapport à ce qu’il doit sentir. Il doit sentir simultanément la douleur et le frottement. Ces deux perceptions, douleur et toucher profond, entrent en compétition et de ce fait, on perçoit moins la douleur. Quand on a des acouphènes, s’il y a du bruit ambiant, notre cerveau doit analyser simultanément les acouphènes et les bruits ambiants. Il y a une compétition entre ces deux perceptions sonores et on entend moins les acouphènes. C’est important de maintenir cette compétition.

Certaines personnes ont des acouphènes de faible intensité, mais ne les supportent pas. Lorsque cela s’avère possible et réaliste, la thérapie va viser à modifier la connotation négative attribuée aux acouphènes. Comparons cela au tic-tac d’une l’horloge. Tout à coup, je braque mon attention sur le tic-tac de l’horloge et je ne le supporte plus. Plus je focalise mon attention sur ce tic-tac, moins je le supporte. Je le perçois comme une nuisance ; je lui attribue une connotation négative. Mais je peux aussi très facilement l’oublier. Je peux même ne plus le percevoir. Dans ces moments-là, il n’a aucune signification émotionnelle pour moi. A partir du moment où je parviens à neutraliser la connotation négative du tic-tac, je parviens à l’oublier. Si vous pouvez percevoir votre acouphène comme un bruissement dans les arbres, vous lui attribuez une connotation positive et cela vous permet de l’oublier. L’hypnose peut considérablement contribuer à relativiser la signification émotionnelle négative de l’acouphène. Si vous avez un acouphène comparable à un marteau piqueur ou à un train qui vous traverse la tête, c’est évidemment beaucoup plus difficile. Dans ce cas, la thérapie va davantage viser à vous aider à gérer émotionnellement votre acouphénie. L’hypnose visera donc des objectifs différents en fonction de l’intensité des acouphènes.

La présence continue ou répétée d’un stimulus aboutit à un processus qu’on appelle l’habituation. Le tic-tac est un stimulus sonore. Il se répète régulièrement de manière identique. Je cesse alors de le percevoir. C’est un exemple d’habituation. Prenons un autre exemple, celui du parfum. Vous mettez du parfum le matin. Ca sent bon. Dix minutes plus tard, vous ne le sentez plus. Votre collègue vous embrasse et vous dit que vous sentez bon. Votre collègue sent votre parfum alors que vous ne le sentez plus. Pourquoi ? Votre cerveau analyse des centaines, voire des milliers d’informations par seconde. Tout ce qu’il estime ne pas devoir mettre dans la conscience n’y sera pas mis. Prenez l’exemple d’un ordinateur. Le cerveau peut être comparé à l’ordinateur et la conscience à la mémoire vive. Si j’ouvre tous les dossiers que contient l’ordinateur, je vais le bloquer. La mémoire vive, c’est-à-dire celle qui peut accueillir les documents ouverts, est restreinte par rapport à l’ensemble de la
mémoire de mon ordinateur. Notre cerveau fonctionne à la manière d’un ordinateur. Dans notre cerveau sont stockés de très nombreux dossiers, mais le nombre de dossiers qui peuvent être ouverts simultanément est limité. Revenons-en au parfum. Vous vous parfumez et après dix minutes, vous cessez de sentir votre parfum. Cependant, votre parfum continue à diffuser des molécules odorantes mais votre cerveau se dit : « RAS, rien à signaler, pas de changement, c’est toujours le même parfum. » et il arrête de remonter cette perception à la conscience. Un parfum sent bon et on lui attribue donc une connotation agréable. Le cerveau va procéder à son « oubli ». C’est ce qu’on appelle l’habituation. Par contre, si un de vos collègues a une haleine pestilentielle, vous éprouverez beaucoup de difficulté à en oublier l’odeur. Votre cerveau va continuer à enregistrer cette odeur. Il n’y a rien de neuf, il pourrait
l’oublier mais il ne le fait pas parce que cette odeur est perçue comme une nuisance. Parlons du bruit maintenant. Vous pouvez regarder la télévision chez vous, confortablement installé dans votre salon, le volume à fond et tout se passe bien pour vous. Mais imaginez que votre voisin, celui du 2ème que vous ne supportez pas du tout, fasse une fois de plus fonctionner sa radio à un moment où vous voulez vous reposer. Même si vous ne percevez qu’un murmure, vous ne le supportez pas. Cela vous énerve. Vous attribuez une connotation négative à ce bruit et l’habituation ne se produit pas. Les acouphènes sont associés à un vécu négatif car ils sont très invasifs, très intrusifs, très stressants ; on est très en colère contre ses acouphènes. La
thérapie va donc essayer de vous aider à leur attribuer une connotation différente. L’hypnose peut vous aider à oublier vos acouphènes en leur attribuant une connotation différente. Ce n’est évidemment pas facile. Cela nécessite un entraînement.

L’hypnose n’a pas d’effet direct sur les pathologies sous-jacentes des acouphènes. Si vous avez subi un traumatisme crânien ou un traumatisme sonore, l’hypnose ne va pas régénérer vos cellules si ce sont des cellules qui ne se régénèrent pas. De même, si vous avez une maladie génétique qui ankylose l’étrier de votre oreille interne, l’hypnose ne va pas vous donner un osselet tout neuf. Avec l’hypnose, ce n’est pas l’acouphène qui va mieux mais le patient. L’acouphène est toujours présent dans la plupart des cas mais il est mieux géré. Le patient retrouve sa capacité à se concentrer, il recouvre son sommeil, sa joie de vivre, etc.

Dans un certain nombre de cas, grâce à la thérapie, on obtient une diminution des acouphènes. En ce qui concerne le bénéfice d’une diminution, tout dépend du niveau de l’acouphène. S’il est peu ennuyeux et qu’on parvient à le diminuer, il devient très gérable. Si l’acouphène est très fort, comme un train qui vous passe dans la tête, une petite diminution ne va pas apporter un réel mieux-être. Dans ce cas, le thérapeute va aider le patient à se dissocier de la perception consciente des acouphènes.

Stress et acouphènes

Il existe une interaction complexe entre le stress et les acouphènes. Nous l’avons vu, l’apparition de l’acouphénie coïncide souvent avec un événement stressant ou traumatisant. Il semblerait que le liquide qui baigne nos oreilles soit très sensible aux hormones que l’on produit pendant une période de stress. Les cellules de Corti responsables de l’audition, le piano dont j’ai parlé tout à l’heure, seraient très sensibles aux variations de qualité de ce liquide. L’appareil auditif est un des mécanismes du corps les plus délicats et les plus réactifs. Il est directement associé au système nerveux et ses réponses sont proportionnelles à l’état psychique du sujet.

L’acouphénie génère un stress, j’en ai aussi parlé. Vous aurez aussi probablement remarqué que le stress exacerbe les acouphènes. On les entend plus ou plus fort quand on est énervé, stressé ou angoissé. La peur de devenir sourd et la peur que les acouphènes ne deviennent plusforts potentialisent aussi le stress. Les pathologies associées augmentent également le stress.

Pathologies associées

Hyperacousie, Ménière, surdité…

Malheureusement, dans 50% des cas, les personnes qui ont des acouphènes souffrent aussi d’autres problèmes. Le plus souvent, les acouphènes sont accompagnés de surdité, d’hyperacousie ou d’un syndrome de Ménière. Le syndrome de Ménière et l’acouphénie sont des pathologies très comparables et très proches.

Dans notre une oreille interne se trouvent deux organes ; d’une part, l’oreille responsable de l’équilibre et d’autre part, l’oreille responsable de l’audition. Si la partie responsable de l’audition a un problème, cela va s’exprimer par un trouble auditif. Le même type de problème survenant dans la partie responsable de l’équilibre va se traduire par un trouble au niveau de l’équilibre et donc, par des vertiges. Le même problème aura donc des effets différents suivant l’organe concerné. On
peut aussi avoir un problème dans les deux parties et donc, avoir et des vertiges et des acouphènes. Certaines personnes ont des acouphènes, elles souffrent d’hyperacousie pour certaines fréquences et en même temps, elles sont sourdes pour d’autres longueurs d’ondes.

Pour les patients qui souffrent d’acouphènes et d’hyperacousie, je pense qu’il faut d’abord travailler sur l’hyperacousie.

Le sommeil…

50% des personnes acouphéniques ont des troubles de sommeil. On va les aider à retrouver un souvenir agréable et on va y intégrer les acouphènes. Par exemple, les acouphènes vont devenir le bruit du vent, le bruit des vagues, etc. De cette façon, les acouphènes deviennent les bruits d’un bon moment. J’enregistre les séances pour que les personnes puissent les réécouteret progressivement, les utiliser pour faire de l’autohypnose.

La dépression

Les patients acouphéniques souffrent fréquemment de dépression. Avoir un train ou une casserole dans la tête peut rendre très dépressif. De même, les échecs répétés rencontrés dans la recherche d’une solution pour résoudre l’acouphénie peuvent déprimer. Vous avez chaque fois mis de l’espoir dans une technique ou dans un médicament et vous avez été à chaque fois terriblement déçus. En plus, personne ne voit ce que vous avez. Si vous aviez une jambe cassée, tout le monde le verrait mais ce que vous entendez, ce qui se passe dans votre cerveau ou dans vos oreilles, personne ne le voit. L’entourage ne voit pas et ne comprend pas, ce qui est aussi très déprimant. L’hypnose peut aider à dépasser ce vécu dépressif.

Ce sont surtout les résultats que l’hypnose permet d’acquérir sur la concentration, le sommeil et la dépression qui améliorent la qualité de vie des patients.

En résumé…

L’hypnose, s’accompagne généralement d’une grande relaxation et d’une détente mentale. Relaxation physique et détente mentale sont des phénomènes souvent liés, mais pas de manière systématique. Quoi qu’il en soit, la relaxation et la détente aident toutes deux les patients acouphéniques. L’hypnose permet de réduire l’anxiété, la nervosité, les tensions ainsi que la détresse morale et la dépression. Parce qu’elle renforce la capacité à gérer le stress et à se relaxer en renforçant le contrôle personnel, elle engendre une meilleure tolérance aux acouphènes. Dans les cas les plus favorables, elle réduit leur intensité et leur fréquence.

Si l’hypnose ne peut généralement supprimer totalement les acouphènes, elle permet le plus souvent au patient, en induisant un meilleur vécu subjectif, de se libérer de son syndrome dépressif et de retrouver sa joie de vivre.

Dans le meilleur des cas, l’hypnose permet aussi le retraitement de l’information. En théorie, ce qui a été « corticalisé », ce qui a été enregistré au niveau du cerveau, peut être « défait », mais c’est plus difficile en pratique qu’en théorie. L’hypnose est aussi très efficace pour modifier la connotation émotionnelle attribuée aux acouphènes comme nous l’avons vu tout à l’heure.

Quelques statistiques…

60 à 75% des personnes acouphéniques tireraient un bénéfice de l’hypnose. Cela ne signifie pas que leurs acouphènes ont disparu. Cela veut dire que grâce à l’hypnose et l’autohypnose, elles parviennent à mieux gérer leurs acouphènes.

36% des personnes qui n’ont répondu à aucune des autres techniques ou médications retrouveraient un bien-être général et de nouveau, c’est parce qu’on gère mieux le stress.

L’EMDR

EMDR sont les initiales de Eye Movement Desensitization and Reprocessing. En français, on peut traduire cela par « désensibilisation et retraitement par le mouvement des yeux ». C’est une technique de psychothérapie qui existe depuis les années 1980. Elle est basée sur une stimulation bilatérale du cerveau, soit par tapotements alternatifs sur les genoux ou les mains du patient, soit par des mouvements des yeux. Le thérapeute fait des mouvements devant la personne et lui demande de les suivre des yeux. Cette technique est très efficace sur les traumatismes. Elle permet de « digérer » les traumatismes. Elle est également très efficace sur le stress. Le patient peut apprendre avec un bon praticien à recréer seul un état de détente mentale et physique en se remémorant un bon souvenir par une technique qu’on appelle la technique du « papillon » (le patient s’enlace et fait des mouvements alternatifs avec les mains).

Site web…

Les personnes qui recherchent des informations peuvent visiter mon site
http://www.resilience-psy.com. Elles trouveront une rubrique consacrée aux acouphènes.

Documents joints