État de Stress Aigu et État de Stress Post-Traumatique, quoi de neuf dans le DSM-5 ?

Les deux modèles principaux de classification internationale des troubles mentaux sont le DSM, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, publié par l’American Psychiatric Association (APA), et la CIM , la Classification Internationale des Maladies, éditée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

La nouvelle version du DSM, le DSM-5, a été publiée le 27 mai 2013. Dans le présent article, après un bref historique consacré aux affections post-traumatiques dans la taxonomie DSM, nous allons passer en revue les modifications apportées à l’État de Stress Aigu et de Stress Post-Traumatique.

Du DSM-I au DSM-IV

Le DSM-I

Au sortir de la deuxième guerre mondiale, trois classifications de troubles mentaux sont en usage aux États-Unis. Pour mettre fin à la confusion régnant parmi les professionnels de la santé mentale, les experts se réunissent et standardisent une nouvelle nomenclature. C’est ainsi qu’en 1952 paraît le DSM-I. Y figure dans la catégorie des troubles transitoires de la personnalité (« Transient situational personality disorders ») un diagnostic de « réaction de stress majeure » (« Gross Stress Reaction ») pour les « Situations dans lesquelles l’individu a été confronté à de sévères épreuves physiques ou à un stress émotionnel extrême, telles que les situations de combat et les catastrophes civiles (incendie, séisme, explosion, etc.) ». N’entraient toutefois dans cette catégorie que les symptômes transitoires ; les troubles persistants devant être reclassés dans un autre diagnostic du manuel.

Le DSM-II

En 1968 est publiée la deuxième édition du DSM. Bien que la dénomination « névrose » subsiste, certains termes à connotation psychanalytique sont éliminés. L’American Psychiatric Association pose ainsi les premiers jalons d’une conception nosographique a-théorique.

A l’époque, les États-Unis sont engagés dans la guerre du Vietnam. La reconnaissance d’une pathologie déclenchée par les traumatismes de la guerre contraindrait les hautes autorités à indemniser ou à réformer les soldats atteints. Les enjeux militaires et financiers sont considérables. Hasard ou non, la « réaction de stress majeure » disparaît du manuel… Le tableau clinique le plus approchant est le diagnostic de « réaction d’adaptation à la vie adulte » (« Adjustment reaction of adult life ») classé dans les perturbations situationnelles transitoires (« Transient situational disturbances »), catégorie réservée aux réactions éphémères faisant suite à un stress environnemental important. Concernant le stress lié au combat militaire, on lit : peur associée au combat militaire et où les manifestations sont trembler, courir et se cacher mais le DSM-II précise « Si le patient a des capacités d’adaptation normales, les troubles devraient disparaître lorsque le stress diminue. Si les troubles persistent, il convient de rechercher une autre pathologie mentale ».

Le DSM-III

En 1980, paraît la troisième édition. Les appellations psychanalytiques ont été radiées. Le manuel se veut a-théorique : l’étiquetage des troubles ne doit pas être lié à une théorie particulière. L’éclatement des concepts entraîne une redistribution des symptômes dans de nouvelles entités syndromiques.

En raison des séquelles traumatiques durables manifestées par les vétérans du Vietnam, le DSM-III, introduit dans la classe des troubles anxieux de sa nosographie, un diagnostic psychiatrique nommé État de Stress Post Traumatique ou ESPT (« Post-Traumatic Stress Disorder », généralement signalé par l’acronyme PTSD).

La reconnaissance d’une entité diagnostique spécifique constitue à l’époque une véritable victoire et ce, à plus d’un titre. Premièrement, les troubles traumatiques, jusqu’alors imputés à une vulnérabilité personnelle, sont attribués à un agent extérieur, la guerre. Deuxièmement, admettre la légitimité du PTSD implique des conséquences financières colossales. Jusqu’alors, les réactions post-traumatiques étaient attribuées à une prédisposition individuelle que la circonstance particulière des combats ne faisait que révéler. La guerre n’étant pas reconnue comme la cause prédominante dans la genèse des troubles, les soldats traumatisés n’étaient pas indemnisés. L’administration chargée des victimes de guerre était donc rétive à voir apparaître une entité clinique qui la contraignait à dédommager les blessés psychiques. Troisièmement, le syndrome de stress post-traumatique est fondé sur un facteur étiologique, ce que le DSM tente d’éliminer depuis sa deuxième édition, se voulant être une nosographie descriptive et sans référence théorique. Quatrièmement, le PTSD admet que les auteurs d’exaction puissent être victimes ; les soldats coupables de crimes de guerre sont des hommes ordinaires qui ont été plongés dans une situation extraordinaire. Cinquièmement, les troubles ne sont pas uniquement l’apanage des affrontements armés ; le diagnostic de PTSD est applicable aux troubles consécutifs à la guerre ainsi qu’à d’autres événements délétères.

Ce syndrome, bien que largement critiqué et critiquable aura cependant permis d’introduire la notion de traumatisme psychique auprès d’un large public. Son plus grand mérite aura été, nous semble-t-il, de « normaliser » les réactions post-traumatiques trop longtemps attribuées à une vulnérabilité individuelle et en conséquence, considérées comme l’attribut des faibles.

Des précisions, des annotations et des commentaires sont ajoutés au diagnostic de PTSD dans la version DSM-III-R éditée en 1987.

Le DSM-IV

En 1994, l’American Psychiatric Association effectue un pas de plus dans la reconnaissance des phénomènes post-traumatiques en validant, dans le DSM-IV, le diagnostic d’Acute Stress Disorder, ASD, traduit par État de Stress Aigu ou ESA. Le diagnostic de PTSD ne pouvant être établi qu’après une latence d’un mois minimum, les réactions manifestées précocement n’étaient pas tenues en compte. C’est pour combler cette lacune que l’APA adjoint cette nouvelle entité à son manuel.

Cette quatrième version voit également s’élargir le spectre des modes possibles de traumatisation : avoir été témoin d’un événement adverse peut produire un trauma. De plus, elle ajoute une exigence importante : pour être qualifié de traumatique, l’événement doit avoir suscité un vécu subjectif négatif (sentiment de peur, d’horreur ou d’impuissance). Enfin, pour la première fois, le manuel fait mention de caractéristiques liées à la culture et souligne le danger d’utiliser telle quelle sa classification pour évaluer une personne d’un autre groupe ethnique ou culturel.

Le manuel sera révisé en 2000 et édité sous l’appellation DSM-IV-TR.

Les troubles consécutifs aux traumatismes et au stress dans le DSM-5

En 2013, dans la nouvelle édition du manuel appelée DSM-5, l’American Psychiatric Association apporte des modifications significatives aux troubles post-traumatiques, l’ASD et le PTSD. Elle franchit un cap décisif en créant un chapitre distinct pour les troubles consécutifs aux traumatismes et au stress (« Trauma and Stress-Related Disorders »). Initialement classés dans les troubles anxieux, l’ASD et le PTSD migrent donc vers cette nouvelle catégorie. Aux côtés de ces deux diagnostics, sont rassemblés le trouble réactif de l’attachement, le trouble d’engagement social désinhibé, le trouble d’adaptation, le trouble lié aux traumatismes et au stress spécifié et le trouble lié aux traumatismes et au stress non spécifié. L’association américaine octroie ainsi aux syndromes psychotraumatiques toute l’attention qu’ils méritent et reconnait la diversité des formes cliniques prises par la souffrance humaine à la suite d’une expérience délétère.

Pour que les troubles présentés puissent être qualifiés de stress aigu ou de stress post-traumatique, il est impératif que la personne ait été exposée à un événement adverse (Critère A). Le DSM-5 ajoute aux événements traumatisants retenus dans le DSM-IV (la mort ou la menace de mort, les blessures graves ou la menace de telles blessures et la menace pour l’intégrité physique), une circonstance spécifique, l’agression sexuelle et la menace d’une telle agression. Alors que le DSM-IV considérait que seules les victimes directes pouvaient souffrir d’un trouble post-traumatique aigu ou chronicisé, la nouvelle version admet qu’un sujet puisse être traumatisé du fait de sa proximité émotionnelle avec une victime directe (famille et amis proches) ou parce qu’il a été confronté de manière répétée à des récits sordides en raison de ses activités professionnelles.

Autre changement significatif, le DSM-5 n’exige pas que l’individu ait manifesté une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur face à l’événement. Les études épidémiologiques ont démontré que l’absence de telles émotions diminue légèrement le risque de trouble ultérieur et que leur présence s’avère peu prédictive comparée à d’autres réactions telles que la colère ou la honte. Ce critère lié à une réaction émotionnelle a ainsi disparu du DSM-5.

L’État de Stress Post-Traumatique

Le DSM-IV répartissait les 17 symptômes objectivant l’État de Stress Post-Traumatic en trois grands groupes : les reviviscences (critère B), les évitements et l’émoussement de la réactivité générale (critère C) et l’activation neurovégétative (critère D). Le DSM-5, quant à lui, propose quatre clusters comptabilisant un total de 20 signes cliniques. Pour l’essentiel, ceux-ci sont identiques à la version précédente. Trois symptômes ont été ajoutés ; quelques uns ont été révisés. L’ensemble évitements/émoussement de la réactivité générale du DSM-IV a été scindé : dorénavant, les évitements constituent le critère C ; les symptômes d’engourdissement émotionnel auxquels ont été adjoints deux nouveaux symptômes, le blâme persistant par rapport à soi ou à autrui et les émotions négatives persistantes de l’humeur (peur, horreur, colère, culpabilité ou honte) forment le critère D. Quant au critère E, regroupant les signes témoignant de l’hyperactivation neurovégétative et de l’hyperréactivité, il reprend les symptômes de l’ancien cluster D ainsi qu’un nouvel item, le comportement autodestructeur ou imprudent.

Un critère supplémentaire, le critère H, a été ajouté et précise que les troubles ne peuvent être attribués à la prise d’une médication, à un abus de substance psychotrope ou à une maladie.

Autre nouveauté majeure apportée au PTSD dans le DSM-5 : le diagnostic demande de préciser si la personne présente des symptômes dissociatifs de dépersonnalisation et/ou de déréalisation. Les flashbacks et l’amnésie psychogène faisaient déjà partie intégrante du syndrome. Toutefois, certaines victimes manifestent d’autres signes de dissociation, justifiant l’introduction de cette spécification.

Changement important encore, l’élimination de la spécification liée à l’évolution de l’affection. Pour rappel, le DSM-IV établissait une distinction entre le PTSD aigu (durée des symptômes entre 1 et de 3 mois) et le PTSD chronique (persistance des symptômes au-delà de 3 mois).

Enfin, saluons une innovation capitale de cette dernière taxonomie DSM : l’introduction d’un sous-type développemental, le « PTSD préscolaire » (PTSD Preschool Subtype) destiné aux enfants jusqu’à l’âge de 6 ans. Dans le DSM-III, la première description du PTSD s’appliquait exclusivement à une population adulte. En 1987, dans le DSM-III-R et en 1994, dans le DSM-IV, quelques brèves mentions concernant les enfants ont été ajoutées. Ces critères se sont toutefois avérés difficilement applicables aux jeunes enfants et peu représentatifs des réactions qu’ils manifestent après un événement traumatisant. Le sous-type préscolaire a pour objectif de corriger cette situation. Ainsi, pour les enfants jusqu’à l’âge de six ans, les seuils diagnostiques ont été abaissés, des critères jugés inappropriés ont été supprimés (par exemple, l’incapacité de se rappeler d’un aspect important du traumatisme et le sentiment d’avenir bouché) et d’autres ont été adaptés (par exemple, les items évaluant le vécu interne ont été commutés en comportements observables).

L’État de Stress Aigu

En 1994, une nouvelle entité, l’État de Stress Aigu, fait son entrée dans le manuel. Elle englobe tant les réactions de survenue immédiate que les réponses post-immédiates perdurant jusqu’à quatre semaines après l’incident. Reprenant partiellement le tableau du PTSD, l’ASD s’en distingue par des symptômes de dissociation. L’établissement du diagnostic exige qu’au moins trois des cinq troubles dissociatifs suivants soient présents : un engourdissement émotionnel (un sentiment subjectif de torpeur, de détachement ou une absence de réaction émotionnelle), une impression de déréalisation, une impression de dépersonnalisation, une réduction de la conscience de son environnement (par exemple, « être dans le brouillard »), une amnésie dissociative (par exemple, incapacité à se souvenir d’un aspect important du traumatisme). Si l’accent est ainsi mis sur les symptômes dissociatifs, c’est parce qu’ils sont considérés comme les signes immédiats les plus prédictifs d’un trouble psychotraumatique ultérieur.

Les recherches menées depuis 1994 et l’avènement de l’ASD, ont poussé les auteurs à en modifier les objectifs et les critères dans le DSM-5. Avec cette entité, l’APA avait pour objectif de combler un vide nosographique mais également de discriminer les personnes à risque de développer une pathologie à long terme de celles qui n’éprouvent que d’éphémères réactions de stress. Or, les études ont prouvé que si la grande majorité des individus manifestant un tableau de stress aigu souffrent plus tard d’un syndrome chronique, bon nombre de victimes affectées par un PTSD n’ont pas présenté de trouble de stress aigu. L’ASD s’est ainsi révélé un critère sensible mais peu spécifique à prédire le devenir des individus confrontés à un événement adverse. En maintenant l’ASD dans le DSM-5, l’APA ne poursuit plus l’ambition de dépister précocement les sujets à risque de développer une future affection psychotraumatique. Cette entité se limite aujourd’hui à identifier les victimes souffrant de réactions de stress sévère dans la période de latence durant laquelle le diagnostic de PTSD ne peut être posé. Dans certains pays, par exemple aux États-Unis, cette reconnaissance peut s’avérer décisive pour l’obtention du remboursement des soins de santé.

En ce qui concerne la liste des symptômes de l’ASD, elle est pratiquement inchangée mais il n’est plus exigé, comme c’était le cas auparavant, de satisfaire un nombre précis de signes par cluster. Nous l’avons vu, dans le DSM-IV, l’accent est mis sur la dissociation, trois des cinq symptômes dissociatifs de ce cluster spécifique devant être rencontrés. Or, les études menées depuis près de vingt ans prouvent que la dissociation péri-traumatique n’est pas un facteur prédictif indépendant d’un stress post-traumatique . Plus que la dissociation, c’est l’hyperactivation neurovégétative qui semble être le pivot central du développement d’un trouble ultérieur . Partant du constat que la relation entre la réaction aiguë à un événement et une pathologie à long terme est complexe et non linéaire et compte tenu de l’hétérogénéité des manifestations de stress aigu, la nouvelle définition de l’ASD publiée dans le DSM-5 requiert que soient présents au moins 9 des 14 symptômes possibles, quels que soient les clusters auxquels ils appartiennent : intrusion, humeur négative, dissociation, évitement ou hyperactivation. Autrement dit, les victimes d’un événement délétère en état de stress aigu peuvent manifester une gamme de réponses incluant ou non des symptômes dissociatifs.

Bibliographie

Références

– American Psychiatric Association (1952), Diagnostic and Statistical Manual. Mental Disorders, American Psychiatric Press, Washington D.C.
– American Psychiatric Association (1968), DSM-II, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, second Edition, American Psychiatric Press, Washington D.C.
– American Psychiatric Association (1980), DSM-III, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, third Edition, American Psychiatric Press, Washington D.C.
– American Psychiatric Association (2013), Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 5th Edition: DSM-5, American Psychiatric Press, Washington D.C.
– Breh et Seidler, 2007; van der Velden et al, 2006 cité In Bryant R.A. (2013), « An Update of Acute Stress Disorder”, VOLUME 24/NO. 1, ISSN: 1050-1835, 2013, PTSD Research Quarterly, National Center for PTSD.
– Bryant R.A., Brooks R., Silove D., Creamer M., O’Donnell M., McFarlane A.C. (2011), “Peritraumatic dissociation mediates the relationship between acute panic and chronic posttraumatic stress disorder”, Behaviour Research and Therapy, 49, 346-351. doi:10.1016/j.brat.2011.03.003
– Josse E. (2013), “Troubles dissociatifs, quoi de neuf dans le DSM-5 ? », http://www.resilience-psy.com

Bibliographie de l’auteur

– Josse E. (2007), Le pouvoir des histoires thérapeutiques. L’hypnose éricksonienne dans la guérison des traumatismes psychiques, La Méridienne/Desclée De Brouwer, Paris.
– Josse E. (2011), Le traumatisme psychique chez le nourrisson, l’enfant et l’adolescent, De Boeck, coll. Le Point sur, Bruxelles.
– Josse E., Dubois V. (2009), Interventions en santé mentale dans les violences de masse, De boeck Université, Coll. Crisis, Bruxelles.
– Josse E. (à paraître en janvier 2014), Le traumatisme psychique chez l’adulte, De Boeck, Bruxelles.
Nombreux articles d’Evelyne Josse sur http://www.resilience-psy.com

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