Les deux modèles principaux de classification internationale des troubles mentaux sont le DSM, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, publié par l’American Psychiatric Association (APA), et la CIM , la Classification Internationale des Maladies, éditée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
La nouvelle version du DSM, le DSM-5, a été publiée en mai 2013. Dans le présent article, après un bref historique consacré aux troubles dissociatifs dans la taxonomie DSM, nous allons passer en revue les modifications nouvellement apportées à cette classe nosographique.
Du DSM-I au DSM-IV
Le DSM-I
La première édition du DSM, parue en 1952 , fait mention, dans la catégorie des « troubles psychonévrotiques », de « réactions dissociatives » entendues comme une désorganisation importante de la personnalité. Le manuel précise que bien que ces phénomènes puissent donner l’impression de relever de la psychose, ils apparaissent chez les sujets de structure névrotique. Diverses expressions symptomatiques sont listées : la dépersonnalisation, la personnalité dissociée, la stupeur, la fugue, l’amnésie, l’état de rêve et le somnambulisme. Le DSM-I distingue la réaction dissociative de la « réaction de conversion » et rappelle qu’« auparavant, cette réaction [dissociative] était répertoriée comme une forme d’ »hystérie de conversion »».
Le DSM-II
En 1968, dans la deuxième édition du DSM , l’American Psychiatric Association répertorie, dans les « névroses », un tableau de « névrose hystérique de type dissociatif » qu’elle distingue de la névrose de conversion, ainsi qu’une « névrose de dépersonnalisation (syndrome de dépersonnalisation) ». Dans les névroses de type dissociatif « des altérations peuvent survenir dans l’état de conscience du patient ou dans son identité, et produire des symptômes tels que l’amnésie, le somnambulisme, la fugue, et la personnalité multiple ». Quant au syndrome de dépersonnalisation, il est « dominé par un sentiment d’irréalité et d’éloignement par rapport à soi-même, à son corps ou à l’environnement ». Le manuel précise qu’une « brève expérience de dépersonnalisation n’est pas nécessairement un symptôme pathologique ».
Le DSM-III
En 1980, le manuel DSM procède au démembrement des névroses . Les symptômes de dissociation sont déplacés de la classe des névroses vers une nouvelle catégorie dénommée « trouble dissociatif ». Celle-ci regroupe l’amnésie psychogène, la fugue psychogène, le trouble de personnalité multiple, le trouble de dépersonnalisation et le trouble dissociatif atypique. Chacun de ces diagnostics fait l’objet d’une définition à laquelle sont adjoints des critères précisant, par exemple, que le trouble ne peut être attribué à un abus de substances psychoactives, à une affection organique ou à une autre pathologie mentale.
Le DSM-IV
En 1994, le DSM-IV modifie les appellations de quatre des cinq troubles : l’amnésie psychogène devient l’amnésie dissociative ; la fugue psychogène, la fugue dissociative ; le trouble de la personnalité multiple, le trouble dissociatif de l’identité et le trouble dissociatif atypique, le trouble dissociatif non spécifié. L’APA souligne que « des symptômes dissociatifs figurent parmi les critères diagnostiques de l’État de stress aigu, de l’État de stress post-traumatique et du trouble somatisation ». Si elle reconnait que « dans certaines classifications, le mécanisme de la conversion est considéré comme un phénomène dissociant », elle opte de situer le trouble de conversion « dans le chapitre des « Troubles somatoformes », pour souligner qu’il est important, dans le cadre du diagnostic différentiel du Trouble de conversion, d’évoquer certaines affections neurologiques ou médicales générales. »
Les troubles dissociatifs dans le DSM-5
En 2013, dans la dernière édition du manuel, le DSM-5 , l’American Psychiatric Association apporte de nouvelles modifications significatives à la classe des troubles dissociatifs. Les cinq syndromes actuellement retenus sont le trouble dissociatif de l’identité, l’amnésie dissociative avec ou sans fugue dissociative, le trouble de dépersonnalisation/déréalisation, l’autre trouble dissociatif spécifié et l’autre trouble dissociatif non spécifié.
Dans l’entité nosographique « trouble dissociatif de l’identité », les signes d’une perturbation de l’identité, repris dans le critère A, sont davantage explicités. Ce critère souligne également que l’affection peut être décrite dans certaines cultures comme une expérience de possession. Un critère C précisant que la perturbation entraîne une souffrance ou une altération du fonctionnement de l’individu et un critère D stipulant qu’elle ne peut être assimilée à des pratiques culturelles et religieuses culturellement admises ont été adjoints.
Dans le tableau clinique de l’amnésie dissociative, le critère A a été clarifié par une note indiquant que l’amnésie peut être localisée ou sélective ou bien encore généralisée à l’identité et à l’histoire de la vie du sujet. Un critère (Critère C), stipulant que le trouble entraîne une souffrance ou une altération du fonctionnement, a été ajouté. En signalant l’impact négatif de cette amnésie, ce critère permet de la différencier des oublis concomitants aux états de transe culturellement acceptés ne relevant pas de la pathologie.
Alors que le DSM-IV établissait des diagnostics spécifiques pour l’amnésie dissociative et pour la fugue dissociative, cette deuxième est aujourd’hui considérée comme un sous-type de la première.
Dans le DSM-IV, la déréalisation était listée dans le « trouble dissociatif non spécifié ». Dans la cinquième version du manuel, elle rejoint le trouble de dépersonnalisation pour former le « trouble de dépersonnalisation/déréalisation ». Les symptômes de dépersonnalisation sont complétés et les indices de déréalisation sont spécifiés. Un nouveau critère (Critère D) indique que les troubles ne peuvent être imputés aux effets physiologiques d’un abus d’alcool, d’un médicament ou d’une maladie.
Le DSM-IV comportait un tableau « autre trouble dissociatif non spécifié » s’appliquant aux phénomènes dissociatifs ne satisfaisant la totalité des critères d’aucun des troubles dissociatifs de la nosographie. Dans le DSM-5, celui-ci est divisé en deux catégories : « autre trouble dissociatif spécifié » et « autre trouble dissociatif non spécifié ». La première est composée de différents diagnostics : les syndromes chroniques et récurrents de symptômes dissociatifs mixtes, la perturbation de l’identité due à une persuasion coercitive intense et prolongée, les réactions dissociatives aiguës à un événement stressant et la transe dissociative. Les « syndromes chroniques et récurrents de symptômes dissociatifs mixtes » regroupant des signes caractéristiques du « trouble de l’identité » correspond grosso modo au premier point de l’« autre trouble dissociatif non spécifié » du DSM-IV et « la perturbation de l’identité due à une persuasion coercitive intense et prolongée » au troisième point de cette ancienne entité. Le tableau de l’« état de transe dissociatif », devenu « la transe dissociative », a été complètement remanié. Alors que l’état de transe dissociatif était considéré comme un état de possession propre à certaines cultures, la transe dissociative du DSM-5 est au contraire un trouble pathologique distinct des phénomènes de transe culturelle largement admise. Les points cinq (la perte de conscience, stupeur ou coma) et six (syndrome de Ganser) du « trouble dissociatif non spécifié » du DSM-IV n’ont pas été retenus dans la cinquième version du manuel. Le « trouble dissociatif non spécifié » actuel ne regroupe que les phénomènes pour lesquels des informations manquent pour établir un diagnostic plus précis.
Bibliographie
Références
– American Psychiatric Association (1952), Diagnostic and Statistical Manual. Mental Disorders, American Psychiatric Press, Washington D.C.
– American Psychiatric Association (1968), DSM-II, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, second Edition, American Psychiatric Press, Washington D.C.
– American Psychiatric Association (1980), DSM-III, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, third Edition, American Psychiatric Press, Washington D.C.
– American Psychiatric Association (1994), DSM-IV, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, third Edition, American Psychiatric Press, Washington D.C.
– American Psychiatric Association (2000), DSM-IV-TR, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, third Edition, American Psychiatric Press, Washington D.C.
– American Psychiatric Association (2013), Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 5th Edition: DSM-5, American Psychiatric Press, Washington D.C.
– Josse E. (2013), « État de Stress Aigu et État de Stress Post-Traumatique, quoi de neuf dans le DSM-5 ? », http://www.resilience-psy.com
Bibliographie de l’auteur
– Josse E. (2007), Le pouvoir des histoires thérapeutiques. L’hypnose éricksonienne dans la guérison des traumatismes psychiques, La Méridienne/Desclée De Brouwer, Paris.
– Josse E. (2011), Le traumatisme psychique chez le nourrisson, l’enfant et l’adolescent, De Boeck, coll. Le Point sur, Bruxelles.
Josse E., Dubois V. (2009), Interventions en santé mentale dans les violences de masse, De boeck Université, Coll. Crisis, Bruxelles.
– Josse E. (à paraître en janvier 2014), Le traumatisme psychique chez l’adulte, De Boeck, Bruxelles.
Nombreux articles d’Evelyne Josse sur http://www.resilience-psy.com