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Les enfants en deuil suite au suicide d’un parent

La perte soudaine d’un parent est un événement tragique pour les enfants. La situation est plus délicate encore lorsque celui-ci a choisi de mettre fin à ses jours.

Cet article rappelle quelques notions théoriques et propose des pistes aux parents qui doivent faire face à cette situation difficile.

Repères théoriques

Le concept de mort au cours du développement de l’enfant

Les nourrissons, qui manquent à la fois de maturité et d’expérience, n’ont pas conscience de la particularité de la mort. Elle s’apparente pour eux à n’importe quelle séparation.

Entre trois et cinq ans, les enfants intègrent petit à petit le concept de mort, mais ne réalisent pas qu’un décès représente une séparation définitive. Ils croient que le défunt regagnera un jour le foyer ou qu’il « vit » dans un autre monde (d’où il peut les observer, les entendre, etc.).

Vers cinq ans, ils saisissent le caractère irréversible de la mort, mais non son universalité. Ils l’envisagent pour les adultes, surtout lorsqu’ils sont âgés, mais pas pour eux-mêmes ni pour leurs proches.

Entre cinq et huit ans, ils comprennent que toute forme de vie est condamnée à disparaître, y compris la leur. 

À partir de la préadolescence, ils ont la même compréhension de la mort que les adultes.

Notons que l’éducation, la culture et la religion (croyances de l’entourage en la résurrection, l’immortalité de l’âme, les anges gardiens, etc.) influencent la conceptualisation de la notion de mort et que les expériences vécues (perte d’animaux ou décès antérieurs de connaissances) en accélèrent généralement la compréhension.

Les réactions au décès d’un parent

Une souffrance silencieuse

Lorsqu’un décès survient, les enfants peuvent exprimer leur souffrance à travers leur comportement et leurs attitudes, mais celle-ci peut aussi passer inaperçue. Certains ne manifestent pas de réactions de détresse et peuvent paraître indifférents au drame. C’est fréquemment le cas des plus jeunes, en dessous de 5 ans.

Les plus grands peuvent adopter des attitudes défensives et contrôler leurs réactions. Ils se retiennent d’exprimer leur chagrin parce qu’ils comprennent intuitivement que l’expression de leur souffrance serait un poids insupportable pour leur parent fragilisé lui aussi par le deuil. Ils cherchent à protéger les adultes dont ils dépendent et se montrent heureux pour leur redonner le goût de vivre ou devenir sages comme des images pour ne pas les déranger. Ainsi, par certains côtés, les enfants peuvent manifester une maturité supérieure à leur âge. Ils prennent à l’égard de leur parent un rôle consolateur, d’appui et de présence : ils se « parentifient ».

Les petits enfants en dessous de 3 ans

En dessous de 3 ans, les enfants ne sont pas en mesure de comprendre la gravité de la disparition inopinée d’un proche, raison pour laquelle ils sont très sensibles au vécu subjectif de leur entourage et sont fortement influencés par sa réaction aux événements adverses.

Lorsqu’ils perdent une figure d’attachement essentielle comme une mère ou un père, nombreux sont les bébés qui pleurent et crient parce qu’ils sont désorientés ou effrayés par une situation inconnue. Ils peuvent ensuite manifester des signes de désespoir tels des pleurs monotones et continus, de l’apathie et un désintérêt progressif pour l’environnement (personnes, activités, jeux). S’ils ne reçoivent pas l’attention dont ils ont besoin, ils risquent de développer une dépression grave (dépression anaclitique). Outre les pleurs, possédant peu de moyens d’exprimer leur malaise et leur souffrance, ils les extériorisent principalement à travers leur fonctionnement corporel, en particulier par le biais du sommeil et de l’alimentation.

Les jeunes enfants entre 3 et 6 ans

Confrontés à la disparition prématurée d’un proche, les enfants se tournent instinctivement vers les adultes qui les entourent et s’identifient immédiatement à leurs attitudes et réactions. Leur comportement est donc souvent calqué sur le leur et profondément influencé par ce qu’ils pressentent de leurs attentes.

Les jeunes enfants peuvent traverser une période de choc (refus de croire au décès, insensibilité provisoire, angoisse), puis manifester du chagrin (désespoir, tristesse) et/ou de la colère. Ils alternent souvent hyperactivité (agitation, instabilité motrice, répétition des cris ou des pleurs) et hypoactivité (retrait, apathie, gestes rares et ralentis, conduites répétitives et monotones telles que balancements, rythmies autoagressives, etc.) ainsi que phases d’insouciance apparente et moments de détresse manifeste.

Leur détresse se marque le plus souvent par de l’anxiété. La peur et les angoisses s’expriment souvent avant le chagrin. Dans l’univers des enfants, les adultes semblent tout savoir et sont tout-puissants à les protéger du danger et à assurer leur propre sécurité. Un décès inopiné vient brutalement démentir ce pouvoir absolu. Ayant vu les adultes vulnérables et impuissants, ils se croient à la merci de nombreuses formes de danger. À la suite de telles expériences, les jeunes endeuillés perçoivent le monde comme un univers dangereux duquel émane une menace permanente et vivent avec le sentiment que d’autres catastrophes surviendront. Leurs préoccupations portent essentiellement sur leur survie et celle des membres de leur famille (peur de la séparation, des maladies mortelles, des accidents, etc.). Ainsi, lorsqu’ils perdent un parent, ils redoutent de se retrouver orphelins, privés de protection et abandonnés. Il est fréquent que les jeunes enfants réagissent également par un attachement anxieux, une exigence insatiable d’affection et des rapports capricieux avec leurs parents. L’angoisse se manifeste également sous forme de crises, d’agitation, de bégaiements ou de tics ainsi que par une exacerbation des peurs infantiles.

Les comportements régressifs sont une autre manifestation de la détresse des enfants. D’anciennes habitudes refont surface comme l’incontinence nocturne, la succion du pouce, le balancement machinal ou l’agrippement à un « doudou ». On peut également constater un recul dans l’apprentissage ou une perte d’aptitudes récemment acquises, par exemple, du langage, de la marche ou de l’autonomie. Tous ces comportements sont des moyens adoptés par les enfants pour se réconforter. C’est une manifestation habituelle de leurs angoisses.

Les troubles du sommeil sont eux aussi fréquents chez les enfants perturbés. Ils protestent au moment du coucher, réclament la présence d’un adulte, éprouvent des difficultés à trouver le sommeil, se plaignent d’insomnies, de terreurs nocturnes ou de cauchemars et de réveils anxieux.

Les enfants peuvent manifester leur mal-être en se montrant agressifs, voire violents. Ces comportements agressifs peuvent être tournés contre eux-mêmes, par exemple, s’arracher les cheveux, se griffer, se cogner la tête contre les murs, etc., ou être tournés vers autrui, comme mordre, tirer les cheveux, griffer, frapper, distribuer des coups de pied et de poing, lancer des objets en direction d’autrui, etc.

Outre ces réactions, les enfants éprouvent fréquemment des sentiments de culpabilité. Confrontés au décès tragique d’un être cher, ils s’interrogent généralement sur leur implication. Ces sentiments de culpabilité peuvent être particulièrement intenses entre deux et sept ans, lorsque les enfants, au stade de l’intelligence préopératoire (Piaget, 1975), accordent des pouvoirs magiques à la pensée et recourent à leur imagination pour expliquer ce qu’ils ne sont pas en mesure de comprendre.

Les enfants entre 6 à 12 ans

Plus l’enfant grandit, plus il est apte à percevoir et à comprendre le drame de la disparition d’un être cher, d’en apprécier les enjeux et d’en prévoir les conséquences.

La plupart des réactions décrites pour les petits de 3 à 6 ans s’appliquent aux grands enfants et aux préadolescents.

Plus que leurs cadets, les grands enfants et les préadolescents manifestent de l’irritabilité, de la colère et de l’agressivité envers autrui et s’adonnent à des jeux violents avec leurs camarades. Plus fréquemment également, ils manifestent des symptômes dépressifs et éprouvent des sentiments de culpabilité. À partir de 6 ans, peuvent apparaître des idées suicidaires et des questionnements sur la mort ainsi que des conduites destructrices (automutilation, ingestion volontaire de produits toxiques ou d’objets dangereux, jeux d’évanouissement, etc.).

En grandissant, les jeunes orphelins de père ou de mère peuvent avoir la sensation d’être différents de leurs camarades.

Quelques pistes pratiques

Dites la vérité

Quel que soit l’âge de l’enfant, faites-lui part du décès dans les plus brefs délais. Vous croyez peut-être préférable de lui dissimuler la cause du trépas, préférant évoquer un accident ou une crise cardiaque. Le suicide devient alors un secret auquel se plie tout l’entourage. En agissant ainsi, vous pensez épargner à votre enfant la peine que va lui infliger cette nouvelle, mais c’est en lui offrant la possibilité de vivre son deuil que vous l’aidez réellement. Il est donc très important de lui dire la vérité, d’une manière simple, honnête et adaptée à son âge. Tôt ou tard, il finira par l’apprendre par quelqu’un d’autre, un membre de la famille, un camarade de classe (qui tient la nouvelle de ses parents) ou un voisin. Cette découverte constituera pour lui un deuxième choc émotionnel. Votre enfant pourrait perdre confiance en vous s’il apprend que vous lui avez caché la vérité plusieurs jours ou plusieurs semaines, voire plusieurs mois ou années.

Qui doit annoncer le décès ?

Dans une situation idéale, les proches de l’enfant peuvent choisir le moment, la manière et le lieu appropriés pour annoncer le décès et le suicide. Cependant, dans la réalité, ils peuvent être tellement bouleversés qu’ils font simplement de leur mieux. Cela est particulièrement vrai lorsque le décès est dû à un suicide ou qu’il est annoncé en présence de l’enfant (par exemple, lorsque le parent apprend le décès de son conjoint par téléphone).

Le parent survivant peut éprouver de grandes difficultés à annoncer la mort de son conjoint à son enfant, plus encore que dans le cas d’un décès prévisible induit par une cause naturelle. Il peut décider de confier cette tâche délicate à un membre de la famille, à un médecin ou à une autre personne en qui l’enfant a confiance, de préférence en sa présence.

Dans quel endroit annoncer le décès ?

Dans l’idéal, vous annoncerez le décès à un moment où vous avez le temps, dans un endroit calme, dans lequel vous ne serez pas dérangé.e. Il est préférable d’éviter d’annoncer la nouvelle dans la chambre de l’enfant afin de ne pas altérer ce lieu de sécurité. Un cadre approprié est, par exemple, le salon, où vous pouvez vous asseoir sur un canapé, toucher l’enfant, lui tenir la main ou le prendre dans les bras.

Comment dire que le parent s’est suicidé ?

Un parent, un proche ou le médecin peut dire : « J’ai quelque chose de très triste à t’annoncer : ton papa est mort.» Il est important d’utiliser les mots tels que « mort » et « décédé ». Ces mots sont durs, mais ils ont le méritent d’être clairs pour l’enfant et ils évitent la confusion.

Soyez conscient.e que les métaphores que vous utilisez pour dire la mort peuvent être prises au pied de la lettre. Évitez donc de dire que le défunt est « parti » sans quoi votre enfant pourrait attendre son retour, vous demander d’aller à sa recherche, craindre de voyager ou bien encore se montrer anxieux lorsqu’un être cher part en vacances. De plus, s’il aime voyager, la mort pourrait lui sembler attrayante et attirante. Abstenez-vous également de déclarer que l’être cher s’est endormi pour toujours, car votre enfant pourrait manifester des angoisses au moment du coucher. Dans nos sociétés, il est fréquent de dire que les défunts sont au ciel. Expliquez qu’il s’agit d’une image sinon votre enfant risque de l’entendre au sens littéral. Ainsi, un enfant pourrait refuser de prendre l’avion de crainte d’entrer en collision avec son père ou, au contraire, désirer ardemment prendre un vol dans l’espoir de le croiser au-dessus des nuages.

Si votre enfant a déjà été confronté à la mort (décès d’un grand-parent, d’un animal domestique, etc.), la personne peut partir de cette expérience pour lui expliquer la situation. Elle évoquera le caractère définitif de la mort : le corps a cessé de fonctionner pour toujours. Elle pourra dire, par exemple : « Papa ne reviendra jamais. C’est impossible. Il ne le peut pas et personne ne peut le faire revenir. Son corps a cessé de fonctionner, il n’a plus mal, il n’a plus faim, il n’a plus froid, il n’a pas peur, il n’est pas triste. ». Il est crucial de laisser l’enfant prendre le temps d’encaisser le choc de cette annonce, d’accueillir sa réaction et d’attendre ses questions.

Le moment opportun, la personne continuera : « Je dois te parler de quelque chose d’important concernant la mort de ton papa. Veux-tu qu’on en discute maintenant ? » Si l’enfant acquiesce, la personne expliquera ce que se suicider signifie, à savoir que la personne a choisi de mettre fin à sa vie : « Ton papa s’est suicidé. Cela veut dire qu’il est mort parce qu’il a décidé de ne plus vivre. Il était très malheureux depuis très longtemps et il a pris cette décision. »  Ne noyez pas l’enfant d’informations, celles-ci pourront être données plus tard, en temps utile. Une annonce succincte est généralement suffisante, car c’est une information très lourde.

Certains enfants posent immédiatement des questions (par exemple, « Pourquoi s’est-il suicidé ? », « Comment s’est-il suicidé ? », « Où est papa maintenant ? », etc.), d’autres non. Si l’enfant ne vous interpelle pas, allez vers lui et demandez-lui s’il a des questions.

Si l’enfant refuse d’en savoir davantage sur la mort de son parent, vous pourrez revenir plus tard pour lui demander s’il est prêt à entendre ce que vous avez d’important à lui dire. Il est essentiel de respecter le rythme de l’enfant et d’attendre qu’il soit prêt à en apprendre plus. Il ne faut jamais forcer les enfants qui refusent de parler ou d’entendre parler du décès et qui le manifestent clairement, par exemple en se bouchant les oreilles dès que le nom du défunt est prononcé. Refuser d’affronter le sujet est un moyen pour eux de se défendre contre les émotions violentes. Laissez-lui quelques jours pour intégrer progressivement les événements, puis revenez vers lui. S’il persiste dans son refus, soyez attentif.ve à tout changement dans son comportement tel qu’anxiété, troubles du sommeil, comportements régressifs, agressivité, perte de plaisir à jouer, etc. Il faut éviter de psychiatriser hâtivement, mais si ces signes perdurent au-delà de quelques semaines, pensez à consulter un psychologue ou un pédopsychiatre.

Parler du suicide d’un parent ne se fait pas en une seule discussion. Dans les semaines et les mois qui suivent le décès, un enfant âgé de 3 à 5 ans peut poser plusieurs fois la question de savoir quand il reverra le défunt. Bien que cela puisse être éprouvant pour vous, il est important de répéter que la personne est décédée et que cela signifie qu’elle ne reviendra jamais. Vous devrez également répondre aux questions de l’enfant qui surgiront progressivement au fil des mois et des années. En grandissant, sa compréhension et ses préoccupations évolueront, ce qui l’amènera à poser de nouvelles questions, souvent plus délicates (par exemple, des détails concernant le suicide, l’état du corps, les causes de la souffrance psychologique qui ont conduit le parent au suicide, etc.).

Informez de ce qui va se passer

Les funérailles

Expliquez à votre enfant l’importance des rituels de deuil et leurs différentes fonctions : reconnaître la réalité du décès, rendre hommage au défunt, lui dire adieu et recevoir le soutien de l’entourage.

S’il souhaite participer aux funérailles et si la situation l’autorise, quel que soit son âge, il n’y a aucune raison de l’en empêcher. En revanche, les cérémonies funéraires pouvant être très impressionnantes pour un enfant, voire choquantes, il est essentiel de bien l’y préparer et de lui expliquer précisément la manière dont elles vont se dérouler (en fonction de la situation : rassemblement de personnes éplorées, office religieux, cimetière, ensevelissement, crémation, dispersion des cendres, etc.). Les enfants peuvent être effrayés s’ils sont surpris par les pratiques rituelles ou par leur déroulé. Ainsi, une fille s’est mise à hurler lors de l’inhumation, car elle ignorait que le cercueil serait recouvert de terre ; un garçonnet a pleuré à chaudes larmes parce qu’il a été stupéfié que le corps du défunt soit placé dans un cercueil fermé.

Les jeunes enfants peuvent ne pas avoir conscience que les funérailles signent la disparition définitive d’un proche, mais ils sont très sensibles aux émotions de leur entourage. Voir et sentir leurs proches terrassés par le chagrin peut les plonger dans un profond désarroi. Évidemment, vous avez le droit d’être triste et vous avez le droit d’être triste devant votre enfant ; il n’y a pas davantage de raison de se cacher pour pleurer que de se cacher pour rire. Les adultes ont le droit d’être tristes, mais il est essentiel qu’ils en expliquent la raison, avec des mots simples adaptés à l’âge et à la maturité de leur enfant. « Je suis malheureuse, je suis triste. C’est normal d’être triste. Ça va s’apaiser petit à petit avec le temps. Et les autres personnes sont tristes aussi parce qu’elles aimaient beaucoup ton papa. C’est tout à fait normal que nous soyons tous tristes, toi, moi, la famille et les amis de papa. » Et si vous ne vous sentez pas capable d’en dire davantage parce que vous êtes débordé.e émotionnellement, vous pouvez ajouter : « Je ne suis pas capable d’en parler maintenant, mais dès que je le pourrai, j’en parlerai avec toi ».

Si assister aux funérailles peut avoir un impact immédiat, il ne faut pas sous-estimer les conséquences négatives d’avoir été tenu à distance. Dans l’immédiat après-coup, l’enfant peut se sentir rejeté, abandonné ou floué d’avoir été tenu dans l’ignorance ou d’avoir été envoyé chez des amis ou des voisins. Mais cet impact-là ne s’évalue le plus souvent que plus tard, quand l’enfant a grandi. Il peut être triste et fâché d’avoir été privé d’un événement aussi précieux. Un homme que son père avait empêché d’assister aux funérailles de sa mère alors qu’il était âgé de 10 ans a déclaré : « On m’a volé les funérailles de ma mère ». Son père avait certainement l’intention positive de protéger son fils, mais l’enfer peut être pavé de bonnes intentions.

Les obsèques ne constituent pas l’unique rituel de deuil. D’ailleurs, les rites des adultes correspondent peu à l’univers des enfants. Si votre enfant refuse de vous accompagner aux funérailles ou si les circonstances l’en empêchent, inventez ensemble une cérémonie d’adieu qui l’aidera dans son processus de deuil : composez avec lui un bouquet de fleurs, proposez-lui de préparer un dessin à placer dans le cercueil, aidez-le à écrire une chanson ou un poème en honneur au défunt, organisez ultérieurement une visite au cimetière, allumer une bougie, lâchez ensemble une lanterne volante ou des ballons dans le ciel, plantez un arbre à la mémoire du disparu, etc.

Dans les jours, les semaines ou les mois suivant le décès, vous pouvez offrir à votre enfant un objet personnel du disparu, choisir avec lui une photo du défunt, la faire encadrer et la pendre dans sa chambre s’il le souhaite, faire un pêle-mêle, réaliser un album de photos-souvenirs, etc.

L’organisation familiale

La mort d’un proche est une épreuve qui perturbe l’organisation familiale. Lorsqu’un parent décède, l’autre parent peut, dans un premier temps, avoir du mal à satisfaire les besoins de ses enfants. Ce dernier est souvent accaparé par des préoccupations telles que l’annonce du décès à la famille et aux amis, les démarches administratives, l’organisation des funérailles et par sa propre souffrance.

Il est crucial d’expliquer à votre enfant ce qui se passe et va se passer, et de trouver des personnes capables de répondre à ses besoins si vous n’êtes pas disponible. Par exemple, il est essentiel de l’informer de comment les choses vont évoluer dans les jours à venir, notamment en ce qui concerne la personne qui s’occupera de lui, qui l’accompagnera à l’école et à ses activités, etc.

Que répondre au « Pourquoi s’est-il suicidé ? »

Les enfants demandent souvent pourquoi son parent a mis fin à ses jours. Les adultes n’ont pas de réponse à toutes les questions. Ils peuvent faire part de leur perplexité : « Je ne comprends pas non plus pourquoi ton papa s’est suicidé. C’est difficile de comprendre qu’une personne puisse mettre fin à sa vie, même pour moi qui suis adulte. Parfois, les gens souffrent beaucoup à l’intérieur, et cela peut les amener à prendre des décisions qui nous sont impossibles à comprendre.»

Les proches peuvent expliquer à l’enfant qu’ils désapprouvent cet acte, tout en évitant de porter un jugement sur la personne elle-même : « Je ne suis pas d’accord avec ce que ton papa a fait. Il avait de gros problèmes, il était très très malheureux et il n’a pas vu d’autre solution que de mourir. Il y avait d’autres options, mais il ne les a pas perçues. » Il est important que votre enfant comprenne que le suicide ne doit pas être considéré comme une solution lorsqu’il se sent malheureux.

Rassurez l’enfant sur l’amour que lui portait le parent décédé

Rassurez votre enfant sur l’amour que le parent défunt lui portait : « Ton papa t’aimait très fort. Sa maladie l’a parfois empêché de te le montrer. Si ton papa n’avait pas été aussi mal, il n’aurait jamais voulu te laisser. Malheureusement, il avait une maladie qui a rendu sa vie très difficile. Même si cette maladie a pris le dessus, cela n’enlève rien à l’amour qu’il te portait.». Il est également important de rassurer l’enfant sur la continuité des sentiments « Même quand on est séparé par la mort, on peut encore s’aimer très fort. Ton papa reste ton papa, même maintenant, et tout ce que vous avez vécu ensemble continue d’exister. »

Vous pouvez aller plus loin dans les explications si vous pensez que c’est opportun : « Je crois qu’il n’a pas imaginé à quel point son décès te ferait souffrir. Il n’aurait jamais voulu te voir si triste parce qu’il t’aimait fort. Il était très malheureux et il pensait qu’à cause de cela, il ne s’occupait pas bien de toi et qu’il n’était pas un bon papa. Il a pris une très mauvaise décision, mais il t’aimait très fort.»

Entourez l’enfant d’affection

Prenez votre enfant dans les bras, embrassez-le, dites-lui à quel point vous l’aimez, passez du temps avec lui. L’affection joue un rôle crucial dans l’équilibre psychique d’un enfant en deuil. Elle offre un sentiment de sécurité et d’appartenance qui peut aider à apaiser la douleur. Les gestes affectueux, comme les câlins, les paroles réconfortantes et les moments passés ensemble, transmettent à l’enfant qu’il n’est pas seul dans son chagrin et que ses sentiments sont légitimes et compris.

Que répondre à « Où vont les morts ? »

Les enfants posent souvent la question de ce qu’il advient du défunt après sa mort. Il est difficile de répondre aux questions relatives au sort d’un disparu. Restez fidèle à vos croyances et aux traditions familiales, mais en étant conscient.e que les métaphores peuvent être comprises au sens littéral (être au ciel, par exemple).

Sur la mort et sur ce qui se passe après, il n’y a pas de réponses toutes faites. Tout est question de croyance. Il est important de reconnaître que sur certains sujets, il n’existe pas de vérité universelle et que les adultes ne savent pas tout et ne partagent pas tous les mêmes opinions. Vous pouvez dire : « Voilà ce que moi j’en pense/ce que je crois. ». Vous pouvez également exposer les positions défendues par d’autres. Ouvrez la discussion et demandez à votre enfant quelles sont ses convictions.

Accompagnez l’expression des émotions

Il est important d’écouter les enfants et de les encourager à exprimer leurs émotions et leurs réflexions. Les adultes sont parfois réticents à évoquer des situations douloureuses de crainte d’angoisser leurs enfants et d’induire chez eux des troubles. La meilleure façon de les aider à surmonter leurs peurs, leurs angoisses, leur colère et leur chagrin est de les encourager à les exprimer. Expliquez à votre enfant qu’il est normal d’éprouver ces sentiments lorsqu’on perd un être cher.

Si certains enfants expriment leurs émotions verbalement, d’autres préfèrent les communiquer à travers l’écriture d’un journal ou de lettres adressées au défunt, par le biais de dessins ou par le jeu. Encouragez toute forme d’expression.

Autorisez la colère

La colère de se retrouver orphelin est accrue lorsque le parent a mis fin à ses jours. « Comment a-t-il pu se tuer alors que j’avais besoin de lui ? », « S’il s’est suicidé, c’est qu’il ne m’aimait pas » sont autant de réflexions qui traduisent la colère des enfants vis-à-vis du défunt suicidé. Vous pouvez exprimer votre propre colère et votre sentiment d’avoir été abandonné.e. « Je ressens parfois de la colère et de la tristesse parce que papa nous a quittés. C’est difficile pour moi aussi, et je veux que tu saches que c’est normal de ressentir cela. Tu as le droit d’être en colère et triste. Ces sentiments sont naturels et il est important de ne pas les garder pour toi. Si tu veux parler de ce que tu ressens, je suis là pour t’écouter. Ensemble, nous pouvons trouver des moyens pour exprimer notre colère et notre tristesse de manière saine.» C’est une forme de permission que vous lui donnez de reconnaître et de dire sa colère, sans honte ni culpabilité. Il est toutefois important de le rassurer sur l’amour du parent défunt : « Ton papa t’aimait énormément. Il était très malade dans sa tête. Il a pris une décision à un moment où il allait très très mal.»

Apaisez les sentiments de culpabilité

Les sentiments de culpabilité sont fréquemment éprouvés par les personnes en deuil, sans doute plus encore par les enfants que les adultes. Nous l’avons vu, entre 2 et 7 ans, ils accordent des pouvoirs magiques à la pensée et peuvent être convaincus que le malheur qui les accable leur est infligé pour sanctionner leur comportement ou leurs pensées coupables (par exemple, il a souhaité la mort du défunt dans un moment de colère). Les sentiments de culpabilité sont généralement plus intenses encore en cas de suicide que lorsque le décès survient à la suite d’une maladie ou à un accident. L’enfant peut penser qu’il aurait dû agir pour empêcher son parent de mettre fin à ses jours ou qu’il s’est suicidé parce qu’il n’a pas été assez gentil, aimant, obéissant, ou bon élève. Il est donc crucial de lui répéter qu’il n’aurait pas pu prévoir la décision de son parent et qu’il n’aurait rien pu faire pour l’en empêcher et que rien ni personne, pas même les adultes, n’aurait pu prévenir cet acte. Il n’est en aucun cas responsable de ce décès, peu importe ce qu’il a pu faire, dire ou penser. Faites-lui comprendre qu’il n’avait pas le pouvoir de causer à son parent une souffrance si profonde qu’elle aurait pu justifier un acte de suicide.

S’il est important de dire et de redire à l’enfant qu’il n’est en rien responsable du suicide de son parent, il est toutefois important de le laisser exprimer ses sentiments de culpabilité. Ils peuvent être compris comme un effort cognitif adaptatif visant à donner sens à l’événement et à s’en réapproprier la maîtrise (« Je suis coupable, car je me suis comporté de manière inadéquate. À l’avenir, j’éviterai ce type d’attitude ou de comportement et plus rien de dommageable n’adviendra»).

Faire face à l’anxiété

Le décès d’un parent peut renvoyer l’enfant à la peur de vous perdre : « Si tu meurs toi aussi, qui va s’occuper de nous ? ». Pour les enfants, la mort est comme une maladie contagieuse que lui-même et son entourage peuvent contracter. Craignant que les personnes auxquelles ils sont attachés disparaissent, ils manifestent une anxiété intense ou de la colère lorsqu’ils en sont séparés, ils refusent de rester seuls ou d’aller se coucher et s’agrippent à leurs proches en présence de personnes étrangères. Si votre enfant présente des signes évidents d’angoisse, vous devriez éviter d’être séparés de lui durant un long moment, du moins dans un premier temps. Si vous devez vous absenter, vous devriez le prévenir (« Je dois partir, mais je reviendrai ce soir. X va rester avec toi»). Lorsque vous ne comptez pas réintégrer le foyer le jour même, informez-le de votre départ la veille ou l’avant-veille et assurez-lui que vous reviendrez. Durant votre absence, il est important de le confiiez à des personnes de confiance.

La peur d’être abandonné par l’autre parent et de se retrouver seul est intensifiée lorsque le départ volontaire du parent décédé. L’enfant peut redouter que vous aussi vous vous suicidiez, mais aussi que vous tombiez malade ou que vous soyez victime d’un accident. Si votre enfant vous demande si vous allez mourir vous aussi, rassurez-le en lui affirmant que vous n’avez pas l’intention de mettre fin à vos jours, que vous êtes prudent.e, que vous faites tout votre possible pour rester en bonne santé, que vous prenez soin de vous afin de vivre longtemps et de mourir après que lui-même soit devenu adulte. Rassurez-le sur le fait qu’une personne de confiance qu’il affectionne le prendra en charge s’il devenait orphelin et désignez-la-lui. Même si nul ne peut être certain de l’avenir et prémunir ses proches des aléas de la vie, il est important que vous rassuriez votre enfant et que vous lui disiez que les adultes sont là pour le protéger. Les gestes d’affection tels que câlins et bisous sont une manière complémentaire de le réconforter.

Les enfants peuvent également manifester leur inquiétude en exprimant des préoccupations pour l’avenir : « Maman n’a pas beaucoup d’argent. Comment va-t-on faire sans papa ? ». Là encore, il est important de le rassurer.

L’angoisse peut également se manifester sous forme de crises, d’agitation, de bégaiements ou de tics ainsi que par une exacerbation des peurs infantiles telle que la peur des cambrioleurs, du noir, du loup et des créatures maléfiques. Si votre enfant se montre anxieux en votre présence, impliquez-le dans une activité ludique ou scolaire et confiez-lui une occupation mobilisant son esprit ; les craintes sont ainsi dérivées vers une activité salutaire.

Comment réagir face à un enfant qui déclare vouloir se suicider

Lorsqu’un parent s’est suicidé, il est courant que l’enfant exprime le souhait de se suicider pour le retrouver. Faites-lui savoir que vous comprenez ses sentiments, mais qu’il n’est pas possible de rejoindre une personne disparue.

Un enfant dont un des parents s’est suicidé a plus de risque de commettre une tentative de suicide ou de se suicider. Si l’enfant exprime son désir de se suicider, consultez sans tarder un professionnel de la santé mentale.

Réagir à la honte d’être différent

Les enfants éprouvent souvent de la honte d’être orphelins, car ils se perçoivent comme différents des autres. Certains sont persuadés que leur différence est visible et qu’elle les exclut de la communauté des enfants « normaux ». Ils en éprouvent de la honte, ils fuient le regard d’autrui qu’ils perçoivent comme menaçant et persécuteur, ils deviennent agressifs et se replient sur eux-mêmes. Dans certains cas, ils créent des récits imaginaires dans lesquels leur parent est vivant, réside dans un pays lointain, est un aventurier, est riche, célèbre ou influent. Le risque est qu’il devienne la risée de ses camarades lorsque la supercherie sera dévoilée, ce qui renforcera inévitablement sa honte.

Cette tendance à se sentir honteux est particulièrement marquée lorsque le parent s’est suicidé. Vous pouvez dire : « C’est vrai que ce n’est pas toujours facile d’être orphelin. C’est normal de se sentir triste, en colère ou même parfois un peu honteux. Tu es un petit garçon incroyable avec beaucoup de qualités (citez-les). Le fait que ton papa soit mort ne change en rien la personne merveilleuse que tu es. Ce qui est arrivé ne diminue en rien ta valeur. Je t’aime et il y a beaucoup de gens autour de toi qui t’aiment. Nous sommes tous là pour toi, tu n’es pas seul. Dans tes copains, Untel a toujours son papa, mais tu sais bien qu’il ne le voit qu’une ou deux fois par an depuis qu’il vit à l’étranger. Untel ne voit plus son papa depuis que ses parents ont divorcé. Untelle vit avec deux mamans et n’a pas de papa. Je sais que ce n’est pas la même chose que ce que tu vis, mais ce que j’essaie de te dire, c’est que toutes les familles sont uniques et que dans les autres familles, ce n’est pas toujours facile non plus.»

Dans notre société, le suicide suscite encore des préjugés et des attitudes négatives. Aidez l’enfant à comprendre que le suicide est un sujet difficile et souvent mal compris par la société. Expliquez-lui que la stigmatisation sociale n’est pas justifiée et que beaucoup de gens ne comprennent pas les complexités de la santé mentale. Encouragez-le à parler ouvertement de ce qu’il ressent et à ne pas avoir honte de sa situation. Toutefois, il est important de le préparer à affronter les attitudes, les moqueries ou les remarques blessantes de ses camarades de classe (« Et toi, ta mère s’est suicidée ! Ah, ah, ah !). Vous pouvez l’aider à trouver la meilleure façon de répondre, par exemple : « Mon papa était très malheureux » ou « Je préfère ne pas en parler ». Il pourra également décider de ce qu’il souhaite dire à d’autres personnes qu’il rencontrera par la suite. De nombreux enfants préfèrent dire : « Mon père est mort subitement » ou « Mon père était très malade » plutôt que « Mon père s’est suicidé ».

Outre la honte due à la stigmatisation sociale, l’enfant peut également avoir honte de ses propres émotions, se sentant coupable de ressentir de la colère, de la tristesse ou même du soulagement. Normalisez les sentiments complexes qu’il peut éprouver.

L’absence de manifestations émotionnelles

Les adultes sont souvent déconcertés lorsqu’un enfant semble indifférent au drame qui le frappe, en particulier dans le cas du décès d’une mère, d’un père, d’une sœur ou d’un frère. En l’absence de signes évidents de souffrance, ils sont généralement persuadés que leur enfant va bien et qu’il n’a pas conscience de la gravité des événements. Par conséquent, ils négligent son besoin de soutien. Même si votre enfant ne manifeste pas de tristesse ni d’autres signes de mal-être, rappelez-vous qu’il n’en vit pas moins un deuil. En aucun cas, l’absence de symptômes ne signifie qu’il n’est pas éprouvé, qu’il n’a pas besoin d’aide ou qu’il ne présentera pas ultérieurement des troubles. Ne vous laissez pas piéger par cette apparente insouciance. Allez vers lui, parlez-lui et restez attentif/ve aux signes qui pourraient signaler de l’angoisse tels que cauchemars, énurésie nocturne, peur de quitter le domicile, etc. Il faudra vous montrer présent.e et ouvert.e lorsqu’il sera prêt à poser des questions.

Parlez du défunt

Parlez de ce que le défunt et l’enfant se sont apporté mutuellement

Parlez du décès et du suicide, mais pensez également à parler du défunt. Une fois la crise passée, vous pensez peut-être protéger votre enfant en évitant toute allusion au défunt, mais c’est généralement l’inverse qui se produit. Remémorez les moments agréables que l’enfant a passés avec son parent ; relatez ce que cet être cher lui a fait découvrir, ce qu’il lui a appris ou enseigné (rouler à vélo, cuisiner, l’intérêt pour la nature, etc.). Évoquer également ce que l’enfant a apporté au disparu (de la joie, du bonheur, des rires, de l’émerveillement, etc.) et en quoi il a contribué à rendre sa vie plus riche avant qu’il ne rencontre des difficultés ou malgré son mal-être profond ; mentionnez ce qu’il appréciait chez l’enfant, ce qu’il aimait partager avec lui, etc.

Éviter l’idéalisation

Après le décès d’un parent, il est naturel pour un enfant d’idéaliser la personne disparue. Cependant, il est essentiel de peindre une image réaliste du parent pour l’aider à maintenir une perception équilibrée et saine. Mentionner de petites imperfections ou habitudes quotidiennes peut humaniser le parent décédé et permettre à l’enfant de conserver des souvenirs authentiques et complets.

L’idéalisation du défunt peut parfois rendre le deuil plus difficile, car elle place le parent décédé sur un piédestal inatteignable. Cela peut aussi compliquer les relations futures de l’enfant, en créant des attentes irréalistes vis-à-vis des autres. En parlant des petites imperfections du parent, on aide l’enfant à comprendre que tout le monde a des qualités et des défauts, et que cela fait partie de l’humanité. Par exemple, rappelez à l’enfant que son papa était parfois ronchon le matin, qu’il oubliait souvent de ranger ses affaires ou qu’il laissait ses chaussettes traîner. Ces détails ajoutent une touche de normalité et de chaleur aux souvenirs et les rendent plus concrets et ancrés dans la réalité. Il peut être également bénéfique de partager des anecdotes où le parent a fait des erreurs amusantes, comme oublier de prendre les clés en partant de la maison ou brûler le dîner en essayant une nouvelle recette. Ces moments montrent que même les adultes font des erreurs et que cela n’enlève rien à leur valeur. Parlez-lui des petites manies du défunt, comme sa façon particulière de plier le linge ou son rituel du matin. Ces détails peuvent aider l’enfant à se rappeler de la personnalité unique de son parent et l’aident à construire une image complète et humaine du défunt. Il est également important de mettre en lumière que, malgré ses défauts, le parent avait de nombreuses qualités. Par exemple, même s’il était parfois impatient, il savait être extrêmement généreux et attentionné. Cette balance aide l’enfant à comprendre que les êtres humains sont complexes et qu’ils peuvent être aimés pour l’ensemble de ce qu’ils sont. Encouragez l’enfant à partager ses propres souvenirs, y compris ceux qui sont moins idéalisés. Cela peut l’aider à exprimer ses sentiments et à accepter la réalité de la perte de manière plus saine.

Lors des cérémonies et des fêtes familiales, veillez à inclure des références au parent décédé, car cela aide l’enfant à se souvenir et à se sentir connecté. Parler du disparu peut aussi favoriser l’expression des émotions, permettant à l’enfant de mieux comprendre et de traverser son chagrin. Créer un espace où le souvenir est honoré offre un soutien émotionnel précieux et renforce les liens familiaux.

Évidemment, il est important de tenir compte des besoins et des souhaits de l’enfant. S’il refuse d’entendre parler du défunt, respectez sa volonté, mais dites-lui que vous êtes disponible s’il veut un jour aborder le sujet.

Ne demandez pas à l’enfant d’endosser des responsabilités d’adulte

Ne demandez pas à l’enfant d’endosser la responsabilité de prendre soin de vous ou d’un adulte endeuillé. Rappelez-vous que c’est aux adultes à prendre soin des enfants et non l’inverse. Trop souvent, on entend dire : « Ton papa est mort, c’est maintenant toi l’homme de la maison. Je compte sur toi », « Ton papa n’est plus là. Tu vas devoir être bien sage. » ou « C’est toi la grande. Tu vas devoir aider ta maman et bien t’occuper de ta petite sœur ».

Retrouvez une routine quotidienne

La mort d’un proche perturbe les repères des enfants. Retrouver une routine quotidienne les aide à récupérer d’événements perturbants. La stabilité offerte par la famille permet d’annihiler l’impression de chaos qu’ils ont du monde des adultes. Réinstaurer les habitudes propres à la vie familiale ou scolaire contribue à créer un sentiment de continuité et de sécurité. Se lever, se coucher et manger à heures régulières, participer aux activités scolaires et fréquenter des compagnons de jeu sont des activités réconfortantes pour les enfants.

Rassurez-le aussi sur le plaisir et la joie qu’il éprouve. Dites-lui qu’il n’est pas ingrat de s’amuser et de trouver le bonheur après la mort de son parent et que cela ferait plaisir au défunt de le voir continuer sa vie.

Préservez vos prérogatives parentales et continuez à établir des règles concernant les comportements et les activités, en vous appuyant sur des personnes de confiance. Mais restez flexibles, la situation demande de s’adapter à l’enfant. Lorsqu’un enfant est frappé par un deuil, ses proches ont tendance à tout lui passer pour contrebalancer sa souffrance. C’est très angoissant pour un enfant. Les limites et les règles lui offrent un cadre sécurisant.

Le contact avec les défunts

De nombreux endeuillés témoignent être entrés en contact avec un proche décédé. On parle de VSCD, Vécu Subjectif de Contact avec un Défunt. La foultitude de témoignages émanant de personnes saines d’esprit ne permet plus de nier l’existence de ces phénomènes, aujourd’hui de plus en plus étudiés. Tout comme les adultes, les enfants rapportent avoir vu ou entendu l’être aimé disparu. Généralement, pour les petits, ces rencontres sont bien réelles. Ils n’interrogent pas la réalité de la perception expérimentée parce qu’ils sont loin de se douter que ces phénomènes soulèvent l’incrédulité dans notre société rationnelle, scientifique et matérialiste.

Si pour certains, ces rencontres sont naturelles et positives, il est toutefois fréquent qu’elles provoquent l’épouvante. Par exemple, après le suicide de sa sœur, un petit garçon de 10 ans a refusé de dormir dans sa chambre après que la défunte lui soit apparue au pied du lit.

Si votre enfant témoigne de ce type d’expérience, soyez à son écoute. Même si vous êtes sceptique et que le côté irrationnel de ses propos vous agace, rappelez-vous qu’il s’agit pour lui d’un vécu authentique, intime et puissant émotionnellement. Restez patient.e. Ne vous moquez pas de lui et ne le rabrouez pas en le traitant de menteur ou d’affabulateur. Si vous tenez absolument à lui faire part de votre position matérialiste, signifiez-lui que de nombreuses personnes dans le monde croient à la survivance de l’esprit et connaissent des expériences similaires à la sienne. S’il est angoissé, apaisez-le, dites-lui que le défunt lui rend visite parce qu’il l’aime et qu’il ne veut aucunement l’effrayer. Assurez-lui que cet être cher veille sur lui et le protège.

Des aides possibles

Les groupes de parole

Les groupes de parole pour enfants endeuillés offrent un espace sécurisé et bienveillant où les enfants peuvent partager leurs sentiments et expériences avec d’autres enfants vivant des situations similaires. Ces groupes leur permettent de comprendre qu’ils ne sont pas seuls dans leur chagrin. Rencontrer des pairs qui traversent des épreuves similaires peut les aider à se sentir moins isolés. Ces groupes offrent un environnement où les enfants peuvent exprimer librement leurs émotions, sans crainte de jugement. Cela peut être particulièrement utile pour ceux qui ont du mal à parler de leur douleur à leur famille ou à leurs amis.

Les groupes de parole sont souvent encadrés par des professionnels qui peuvent aider les enfants à développer des stratégies pour faire face à leur perte. Cela peut inclure des techniques de relaxation, des activités créatives et des discussions sur la gestion des émotions. Participer régulièrement à ces groupes peut aider les enfants à renforcer leur résilience émotionnelle, leur donnant des outils pour faire face aux défis futurs.

Le recours à un professionnel de santé mentale

Consulter un psychologue est une étape positive pour aider à traverser une période particulièrement difficile. Les parents et les tuteurs peuvent jouer un rôle crucial en reconnaissant les signes d’alerte et en recherchant de l’aide professionnelle au bon moment. Il faut éviter de psychiatriser hâtivement, mais si les signes de détresse sont massifs et perdurent ou s’aggravent après quelques semaines, pensez à consulter un professionnel de la santé mentale, psychologue ou pédopsychiatre.

Voici quelques situations où il pourrait être utile de consulter un professionnel :

– Le changement de comportement : Si l’enfant devient subitement très hyperactif, agressif de manière non justifiée, s’il régresse de façon importante à des comportements antérieurs de son développement ou s’il montre des changements marqués et sérieux dans ses habitudes, comme le sommeil ou l’appétit.

– Les difficultés scolaires : Une chute importante des résultats scolaires, un manque de concentration, ou une réticence à aller à l’école peuvent être des signes de détresse s’ils durent dans le temps.

– Une tristesse persistante : Si l’enfant est incapable d’admettre le décès et semble constamment triste, pleure souvent ou montre des signes de dépression pendant une période prolongée.

– L’isolement social : Lorsque l’enfant se replie sur lui-même, évite les amis et les activités qu’il aimait auparavant de façon prolongée.

– Les problèmes de santé : Maux de tête, maux de ventre ou autres symptômes physiques sans cause médicale apparente peuvent être liés au stress émotionnel et doivent alerter s’ils perdurent.

– Les pensées suicidaires ou autodestructrices : Toute indication que l’enfant pense à se faire du mal doit être prise très au sérieux et nécessiter une intervention immédiate.

Si vous ne parvenez pas à faire le deuil du défunt, votre enfant ne le pourra pas non plus. Pensez à vous faire aider vous aussi par un professionnel de la santé mentale ou par une association pour endeuillés.

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