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L’aide psychologique. L’accueil des victimes

Introduction

Cet article est destiné aux intervenants, counsellors, assistants psychosociaux, éducateurs, etc., impliqués dans la prise en charge des personnes victimes de violence.

Il est essentiel que les intervenants psychosociaux adoptent les comportements garantissant un accueil de qualité. L’intervenant psychosocial est fréquemment le premier maillon du dispositif d’aide ; dépend de lui la suite de la prise en charge.

Les éléments d’un accueil de qualité

Voici quelques éléments essentiels d’un accueil de qualité :
 A l’arrivée de la personne, l’assistant psychosocial se lève pour l’accueillir et si la situation s’y prête, se porte à sa rencontre.

 Il adopte une attitude affable :
– Ses expressions faciales manifestent la bienveillance. Les expressions faciales trahissent l’humeur et les sentiments. L’intérêt, la bienveillance, la sympathie mais aussi l’ennui, l’inquiétude, l’irritation ou l’agacement (visage fermé, impassible, yeux au ciel, froncements de sourcils, plissement du front, regard fuyant, soupir, etc.) sont perceptibles au premier regard. La personne saura rapidement si l’assistant psychosocial est dans de bonnes dispositions pour l’accueillir ou si elle le dérange.
– Son ton de voix est agréable. L’intonation informe l’interlocuteur/trice des sentiments de l’intervenant. Elle indique s’il est intéressé et enthousiaste mais aussi s’il est indifférent, énervé, irrité, pressé, etc. La façon de dire les choses importe davantage que le sens des mots. Elle peut même les contredire. Par exemple, « Bienvenue » prononcé d’une voix agacée dément le message d’accueil.

 Il l’invite à pénétrer dans le local de consultation.

 Il la salue selon les usages propres aux situations professionnelles.
– Il utilise les formules de politesse en vigueur dans sa culture : « Bonjour », « Bon après-midi » ou « Bonsoir », des mots d’accueil (par exemple, « Bienvenue »), des questions diverses (par exemple, sur la famille ou la santé, etc.), etc. Dans une rencontre professionnelle, le « Bonjour » impersonnel peut être perçu comme peu respectueux ou manquant de chaleur. La salutation suivie d’un appellatif s’avère généralement plus appropriée, par exemple « Bonjour Madame » ou, dans certains pays d’Afrique, « Bonjour, Maman/Sœur/etc. ».
– Il adopte les attitudes appropriées à la situation, par exemple, sourire et regarder son interlocuteur/trice avec sollicitude.
– Il exécute les gestes prescrits par la coutume : signe de tête, poignée de main, accolade, contact épaule contre épaule, inclinaison de la tête ou du buste, main gauche posée sur son propre avant-bras droit, main sur le cœur, etc. Dans certains cas, un geste amical (main sur l’épaule, tapotement du bras, etc.) peut contribuer à mettre la personne en confiance. Soulignons toutefois que la recevabilité de telles manifestations de sympathie est tributaire de la culture mais également de l’âge, du sexe, du statut social, etc. des interlocuteurs. Ainsi, un assistant psychosocial homme se comportera différemment avec une femme que ne le fera son homologue féminin. Il ne pourra pas, par exemple, s’autoriser les mêmes gestes physiques.

 Il présente un siège à l’arrivant/e et l’invite à prendre place. Il est conseillé que les sièges de l’assistant psychosocial et de son interlocuteur/trice soient identiques afin de donner une impression d’égalité et de gommer au maximum les signes de pouvoir.

Il importe de se rappeler que les victimes ont été assujetties au désir et à la volonté de personnes malveillantes. Lorsqu’elles sollicitent de l’aide après l’agression, elles se retrouvent souvent sous la houlette des intervenants. Quoique bien intentionnés, ils leur donnent des instructions, leur indiquent les démarches à accomplir, etc. Tout en tenant compte de la culture, de la personnalité de chacun et de la situation, il convient de les aider à se sentir à l’aise. Dès le début de la rencontre, l’assistant psychosocial veillera donc à communiquer à la personne qu’elle est maîtresse de ses décisions et formulera toute consigne (par exemple, s’asseoir) avec délicatesse.

 Il prononce des paroles de mise en confiance.

 Il se présente en regardant son interlocutrice : « Je m’appelle X. Je suis assistant psychosocial/counselor/éducateur, etc. ».

 Il l’invite à se présenter.

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 Il prend place près d’elle. Deux personnes communiquent par la façon dont elles occupent l’espace : la distance à laquelle elles s’assoient l’une de l’autre, la position respective de leur corps (face-à-face, côte à côte, en oblique, le dos tourné, etc.) et la manière dont elles se tiennent (bras ouverts ou croisés, corps légèrement penché vers l’interlocuteur/trice ou rejeté vers l’arrière, etc.). L’assistant psychosocial veillera donc à s’asseoir :
– légèrement en biais. Cette position invite à la collaboration et devrait être préférée au face-à-face, généralement associé à la confrontation. En face-à-face, les regards se croisent inévitablement. La discussion peut s’en trouver limitée, en particulier avec les personnes anxieuses ou éprouvant des sentiments de honte et de culpabilité. Moins intimidante, la disposition en biais contribue à les mettre à l’aise et à apaiser leurs réticences.
– dans une posture d’écoute confortable. Sa posture signale la manière dont il vit l’interaction. Elle est révélatrice de son degré d’ouverture et d’implication. Dans la plupart des cultures, épaules ouvertes, bras décroisés, tête avancée, cou allongé, buste légèrement penché en avant signalent sa disponibilité et son intérêt pour son interlocuteur/trice. A contrario, la tête en recul ou détournée, les bras croisés sur la poitrine, le buste de profil, l’appui en arrière et le regard oblique sont généralement signe de fermeture.
– à bonne distance, ni trop loin, ni trop près. Les individus fonctionnent comme s’il existait autour d’eux une série de bulles concentriques que seules certaines personnes sont habilitées à pénétrer . La première, la sphère intime, est réservée au contact avec le partenaire amoureux et les enfants. La seconde, la sphère personnelle, est ouverte aux parents, aux amis et aux confidents (par exemple, au chef religieux, à l’assistant psychosocial, au psychologue, etc.). La troisième, la zone sociale, accueille les connaissances et les personnes se côtoyant autour d’un projet commun (dans le cadre de formations, de réunions, d’un travail, etc.). La dernière, la sphère publique, est celle des rencontres interpersonnelles formalisées (par exemple, entretien d’embauche, séance publique animée par un orateur, etc.). Ces dimensions varient selon la culture, le statut social (par exemple, dans certaines cultures, les hommes détenant une autorité ne peuvent être approchés qu’à distance déterminée), l’âge, le sexe, l’état psychique (par exemple, des contacts rapprochés peuvent être acceptés lorsqu’une personne souffre moralement) et le contexte (on tolère des contacts physiques avec des inconnus qu’on refuserait dans les circonstances habituelles, par exemple, dans un marché bondé ou lorsqu’on est malade). En général, la distance entre individus s’ajuste automatiquement. Par exemple, elle s’adapte à l’intensité sonore de la conversation : si l’un des interlocuteurs s’exprime à voix basse, l’autre se rapproche spontanément. Le premier regard et les échanges lors des salutations fournissent à l’assistant psychosocial des indications sur la distance à tenir. Dans le cadre d’un entretien, elle varie habituellement entre 50 centimètres et 2 mètres. En deçà, la position de l’assistant psychosocial peut être perçue comme une agression, au-delà, comme un rejet. Toutefois, cette règle n’est pas absolue. Certaines personnes venant de vivre une expérience traumatisante sont réconfortées par un contact rapproché alors que d’autres, au contraire, sont sécurisées lorsqu’elles gardent leurs distances. Certaines peuvent être rassurées par la présence proche d’un intervenant de même sexe et se sentir menacées s’il est du sexe opposé. Il est de la responsabilité du professionnel de s’adapter aux diverses situations.

 Il établit et maintient un contact visuel adéquat avec son interlocuteur/trice. Il le/la regarde mais sans insistance. S’il le/la regarde constamment, il risque de le/la mettre mal à l’aise et de l’intimider. S’il ne le/la regarde pas, il ne pourra pas capter ses sentiments et voir, par exemple, si il/elle est mal à l’aise, fâché(e), inquiet(ète), si il/elle a besoin d’être réconforté/e, etc. Un certain degré de contact visuel est donc indispensable. Il varie selon les cultures, l’âge, le sexe, l’état émotionnel, etc. des interlocuteurs.

 Il lui accorde toute son attention et lui manifeste par son regard, ses gestes et ses paroles (langage verbal et non verbal) qu’il est tout à son écoute, qu’il lui porte de l’intérêt et qu’il souhaite sincèrement l’aider.

 Si la personne n’expose pas spontanément le but de sa visite, il l’interroge :
– Que puis-je faire pour vous ?
– Que puis-je faire pour vous aider ?
– En quoi puis-je vous être utile ?
– Comment allez-vous ?
– Que vous est-il arrivé ?
– Que se passe pour vous actuellement ?
 Il la laisse exposer le motif de sa visite sans l’interrompre. Il l’encourage à poursuivre par son attitude (contact visuel, hochements de tête, sourires, mimiques) et ses mots (par exemple, « Oui », « Hmm… hmm », « D’accord », « Continuez », « Je vous écoute ») et il relance le récit par de brèves questions « Et après ? », « Et alors ? », « Quoi d’autre ? », etc.

L’importance d’un accueil de qualité

De la qualité de l’accueil dépend la suite que les victimes réservent à la prise en charge.

 L’accueil est une modalité de l’hospitalité. L’hospitalité est régie par des codes et des principes. Elle impose de respecter son hôte, de le traiter avec égard, d’assurer sa sécurité, de s’occuper de lui et de s’intéresser à ses besoins. Bafouer les convenances indispose le visiteur, le met mal à l’aise, le blesse et lui donne le sentiment d’être un intrus.

 L’accueil est le point de départ de toute relation humaine, privée et professionnelle. Il donne d’emblée le ton de l’interaction. Offrir un accueil de qualité, c’est entamer une relation dans des conditions favorables pour créer un climat de confiance propice à l’échange.

 L’accueil a une importance déterminante car il forge la première impression. Or, la première impression influence le devenir de toute relation humaine. On ne peut pas faire une deuxième « première impression ». Si la première est mauvaise, l’opinion de l’interlocuteur/trice se marque d’une empreinte négative difficile, voire impossible à effacer.

 Dans le cadre professionnel, l’accueil que l’assistant psychosocial réserve aux victimes est le premier maillon du soutien psychosocial. Généralement, il les retient ou les perd définitivement.

 Solliciter de l’aide s’avère une démarche difficile et requiert du courage. Les victimes hésitent à dévoiler l’agression qu’elles ont subie car elles se sentent honteuses ou coupables et craignent d’être critiquées, jugées ou rejetées. Si la première tentative s’avère un désastre, elles éprouvent généralement de grandes réticences à réitérer l’expérience avec un autre professionnel.

 Si l’assistant psychosocial est la première personne à qui la victime adresse une demande d’aide, l’accueil devient le premier maillon du dispositif global de la prise en charge. S’il est inadéquat, les victimes risquent fort d’interrompre le suivi psychosocial mais également, de renoncer aux références conseillées sur le plan médical, social, juridique, etc. Un accueil inadéquat hypothèque donc les chances qu’une victime reçoive une aide appropriée et ce, dans tous les secteurs (médicaux, juridique, social, etc.). Cet aspect donne la mesure de l’enjeu de l’accueil.

Les critères d’un cadre d’accueil sécurisant

Les intervenants se doivent de mettre en œuvre un cadre d’accueil sécurisant répondant aux besoins des victimes et adapté aux réalités de leur contexte d’intervention.
Certaines conditions doivent être réunies pour que les victimes se sentent suffisamment en confiance et à l’aise pour livrer leur vécu.

 L’environnement.
– La sécurité physique. Il est inconcevable de procéder à des entretiens lorsque la sécurité physique des victimes et de l’assistant psychosocial n’est pas assurée.
– La stigmatisation. Les précautions nécessaires doivent être prises pour que les personnes qui viennent chercher assistance ne soient pas identifiées comme ayant subi une agression sexuelle.
– La confidentialité. L’espace d’accueil doit se situer dans un environnement garantissant la confidentialité (les conversations qui s’y déroulent ne peuvent pas être entendues par d’autres), que ce soit dans un centre d’écoute, dans une structure de soins de santé, au domicile de la victime ou dans tout autre endroit. Dans certaines circonstances, un lieu retiré, en plein air, peut également convenir. Idéalement, l’assistant psychosocial et la victime seront les seules personnes en présence à moins que cette dernière ne souhaite être accompagnée d’un proche.
– La tranquillité. Il est important que les entretiens se déroulent dans le calme. Dans la mesure de ses possibilités, l’assistant social doit faire cesser les bruits intempestifs. Toute distraction ou interruption doit également être évitée. Il doit veiller à ne pas être dérangé par des coups de téléphone, par l’irruption d’un collègue ou par l’arrivée d’autres victimes.

 L’espace d’accueil.
– L’espace d’accueil doit permettre de s’abriter de la pluie et de se protéger du soleil.
– Il doit mettre à l’abri des regards indiscrets (porte fermée, rideaux aux fenêtres, etc.).
– Il doit être éloigné des oreilles indiscrètes. Les conversations qui s’y déroulent ne doivent pas être entendues du dehors.
– Il doit être suffisamment éclairé (lumière naturelle ou artificielle) et aéré.
– Il doit être aménagé aussi agréablement que possible.

 L’ameublement. Le local doit être équipé de chaises, de bancs ou de fauteuils. Les sièges de l’intervenant et de la victime doivent être identiques afin de donner une impression d’égalité. Idéalement, ils ne devraient pas être séparés par une table ou un bureau. Cette règle n’est cependant pas absolue. Les personnes assises face à face sur les chaises peuvent se sentir gauches et mal à l’aise. Prendre place autour d’une table permet de se sentir protégé et de s’y appuyer pour se donner une contenance.

 Les éléments de confort. Il est adéquat de prévoir de l’eau de boisson et de mettre des mouchoirs en papier à disposition des victimes.

Prenons une métaphore. Lorsque l’on invite des proches à partager un repas, on se livre à une série de préparatifs. En effet, un bon accueil se prépare avant l’arrivée des convives. On a rangé le logis et l’a nettoyé. On a rassemblé les ingrédients nécessaires à la constitution du repas et on a commencé à cuisiner les aliments. Il est impensable de recevoir des personnes à dîner alors que rien n’est préparé. Il en est de même lorsque nous accueillons des victimes. Nous devons préparer le local, le rendre aussi agréable que possible et veiller à avoir à disposition tout ce dont nous pourrions avoir besoin. La connaissance que nous avons des victimes, de leurs besoins et de leurs réactions va nous guider dans l’organisation du dispositif d’accueil.

Articles de la série

1. Les techniques de communication dans la relation d’aide psychologique. Notions de base. En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article377
2. Les techniques de communication dans la relation d’aide psychologique. Les encouragements à l’expression (écoute passive). En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article378
3. Les techniques de communication dans la relation d’aide psychologique. La reformulation (écoute active). En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article379
4. Les techniques de communication dans la relation d’aide psychologique. Le questionnement (écoute active). En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article380
5. L’aide psychologique. La disponibilité de l’intervenant. En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article381
6. L’aide psychologique. Confidentialité et discrétion. En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article382
7. L’aide psychologique. L’accueil des victimes. En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article383
8. L’aide psychologique. Introduction au counseling. En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article384
9. L’aide psychologique. Rôles et limites de l’intervenant psychosocial. En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article385
10. L’aide psychologique. Le travail en réseau. En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article386

Bibliographie de l’auteur

Josse É. (2007). Le pouvoir des histoires thérapeutiques. L’hypnose éricksonienne dans la guérison des traumatismes psychiques. Paris : La Méridienne/Desclée De Brouwer.
Josse É., Dubois V. (2009). Interventions en santé mentale dans les violences de masse. Bruxelles : De Boeck.
Josse É. (2011). Le traumatisme psychique chez le nourrisson, l’enfant et l’adolescent. De Boeck, coll. Le Point sur : Bruxelles.
Josse É. (2016). Les scénarii réparateurs des mnésies traumatiques par hypnose et EMDR, in Psychothérapies de la dissociation, sous la dir. de Smith J., Paris : Dunod.
Josse É. (2017). Histoire du psychotraumatisme, in Pratique de la psychothérapie EMDR, ouvrage collectif sous la dir. De Tarquinio C., Paris : Dunod.
Josse É. (2017). Conception classique du psychotraumatisme, in Pratique de la psychothérapie EMDR, ouvrage collectif sous la dir. De Tarquinio C., Paris : Dunod.
Josse É. (2017). Le traumatisme complexe, in Pratique de la psychothérapie EMDR, ouvrage collectif sous la dir. De Tarquinio C., Paris : Dunod
Josse É. (2017). Les traumatismes psychiques chez le nourrisson et l’enfant en bas-âge, in Aide-mémoire – Psychiatrie et psychopathologie périnatales en 51 notions, sous la dir. de Bayle B., Paris : Dunod.
Josse É., Maes J.-C. (2018). Se protéger du radicalisme. Couleur livres : Bruxelles
Josse É. (2ème ed. 2019). Le traumatisme psychique chez l’adulte. De Boeck, coll. Le Point sur : Bruxelles.
Nombreux articles d’Evelyne Josse sur http://www.resilience-psy.com

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