L’aide psychologique. La disponibilité de l’intervenant

Introduction

Cet article est destiné aux intervenants, counsellors, assistants psychosociaux, éducateurs, etc., impliqués dans la prise en charge des personnes victimes de violence.

Écouter et comprendre les victimes requiert de la part des intervenants des dispositions physiques, temporelles et psychologiques. Or, divers obstacles peuvent entraver leur capacité d’écoute, et donc, leur possibilité d’offrir un soutien adéquat. Lorsqu’ils ne sont pas en mesure d’offrir une écoute pleine et attentive, les intervenants sont néanmoins capables de mettre en œuvre des solutions acceptables pour la victime.

L’importance de la disponibilité pour la victime

Une personne écoutée se sent estimée parce que son interlocuteur lui accorde suffisamment d’importance pour lui offrir sa disponibilité. Un semblant d’écoute ne la leurre pas. Il constitue non seulement une perte de temps, pour elle comme pour l’intervenant, mais peut s’avérer dommageable à la relation d’aide. Notre comportement et nos attitudes trahissent notre disposition mentale. Si l’assistant psychosocial n’est pas pleinement et sincèrement à l’écoute de son interlocuteur/trice, celui/celle-ci le perçoit et sa confiance s’en trouve généralement ébranlée. Aussi, lorsque nous ne pouvons accueillir les victimes dans des conditions favorables, il essentiel que nous puissions le reconnaître et prendre les mesures qui s’imposent.

Lorsqu’une victime se présente pour demander de l’aide, elle doit être reçue dans les plus brefs délais pour des raisons tant médicales que psychologiques :
• Les raisons médicales. Il est dans les attributions des assistants psychosociaux de faire les références vers les services appropriés. Par exemple, dans le cas d’un viol, une prise en charge médicale précoce est essentielle pour prévenir une grossesse non désirée et les infections sexuellement transmissibles. Par exemple, dans les trois jours suivant l’agression, il est possible d’administrer une chimioprophylaxie composée d’anti-rétroviraux pour le VIH/SIDA. Lorsqu’une personne consulte pour la première fois, l’assistant psychosocial ignore la raison de sa visite et le cas échéant, la date et l’heure du viol. Il ne peut courir le risque de dépasser ce créneau de 72 heures en retardant le rendez-vous.
• Les raisons psychologiques. Outre ces raisons médicales, nous devons garder à l’esprit que solliciter de l’aide est une démarche difficile qui requiert du courage. Devoir patienter peut décourager les personnes les plus anxieuses, gênées ou honteuses. Si lassées d’attendre, elles s’en retournent chez elles sans avoir parlé avec un intervenant, elles éprouveront probablement de grandes difficultés à revenir ultérieurement.

Lorsqu’une personne se présente pour la première fois, il est essentiel qu’elle puisse s’entretenir avec un assistant psychosocial. Selon la situation, celui-ci pourra dégager le temps nécessaire pour la recevoir en postposant des tâches moins prioritaires ou la confier aux bons soins d’un collègue. En présence d’une victime en cours de suivi, il pourra, en fonction de son cas, l’informer du délai d’attente, lui proposer de différer l’entretien ou la référer à un collègue.

La disponibilité de l’intervenant

La disponibilité physique
Pour offrir une écoute de qualité, l’assistant psychosocial doit être physiquement en forme. Il lui est difficile, voire impossible, d’être dans une disposition favorable à l’égard de son interlocuteur/trice s’il a très froid, très chaud ou faim, s’il est exténué et a fortiori s’il est malade. Il doit reconnaître ses limites physiques et les respecter.

S’il n’est pas dans de bonnes conditions physiques, plusieurs options s’offrent à lui :
• Selon le cas, il explique à la personne qu’il est dans l’incapacité de la recevoir, il prend sur lui le temps de mener un bref entretien afin de s’enquérir de ses besoins ou il reporte la rencontre de quelques minutes à quelques heures (après s’être restauré, avoir pris du repos, etc.) et il lui fixe un nouveau rendez-vous.
• Si la situation réclame des mesures d’urgence (première consultation pour une personne violée dans un délai inférieur à 72 heures, personne en crise, etc.), il fait appel à un collègue.

La disponibilité temporelle
L’assistant psychosocial doit être disposé à investir du temps pour permettre à son interlocuteur/trice d’exprimer son vécu, ses sentiments et ses idées.

Si l’assistant psychosocial n’a pas le temps de recevoir une victime, diverses solutions sont possibles :
• S’il est pressé, il doit l’en avertir d’entrée de jeu, lui préciser le temps qu’il peut lui consacrer et lui proposer en fin de rencontre, de la revoir ultérieurement.
• S’il est momentanément occupé, il l’en informe et selon la situation (la durée de l’attente, l’état de la personne, etc.), l’invite à patienter, lui fixe un nouveau rendez-vous ou le réfère à un collègue.
• S’il est débordé par la charge de travail qui lui incombe, il veille à ce qu’un collègue puisse prendre sa relève.

La disponibilité intérieure
En plus de la disponibilité physique et temporelle, l’écoute exige une disponibilité intérieure.

L’assistant psychosocial peut être en forme physiquement et disposer de temps mais être préoccupé par des problèmes personnels. Ses réflexions et sa « conversation intérieure » au sujet de ses difficultés l’empêcheront d’être centré sur son interlocuteur/trice et interfèreront avec sa capacité d’écoute et de compréhension.

Dans les relations d’aide, l’assistant psychosocial doit pouvoir accueillir les demandeurs d’aide sans les juger. Or, les positions des victimes peuvent heurter ses opinions, ses convictions ou ses valeurs (politique, religieuses, etc.). S’il est profondément choqué, il lui est difficile de conserver la distance émotionnelle requise pour entendre et comprendre la position de l’autre.

L’intervenant a pu vivre des événements similaires à ceux vécus et exprimés par la personne. Ceci peut ressusciter des souvenirs douloureux. Il peut être embarrassé, éprouver l’envie de pleurer ou craindre de perdre le contrôle. Profondément impliqué, il n’est plus capable du détachement émotionnel nécessaire à l’égard du sujet abordé par son interlocuteur/trice.

Si l’intervenant psychosocial n’est pas dans les conditions psychologiques pour écouter pleinement une victime, voici quelques solutions possibles :
• Il reporte la rencontre de quelques minutes à quelques heures (après s’être calmé, avoir fait une ballade pour se détendre, avoir pris conseil auprès d’un collègue, etc.).
• Il réoriente sa concentration sur l’interlocuteur/trice et non sur lui.
• Il confie la personne à un collègue.

Articles de la série

1. Les techniques de communication dans la relation d’aide psychologique. Notions de base. En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article377
2. Les techniques de communication dans la relation d’aide psychologique. Les encouragements à l’expression (écoute passive). En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article378
3. Les techniques de communication dans la relation d’aide psychologique. La reformulation (écoute active). En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article379
4. Les techniques de communication dans la relation d’aide psychologique. Le questionnement (écoute active). En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article380
5. L’aide psychologique. La disponibilité de l’intervenant. En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article381
6. L’aide psychologique. Confidentialité et discrétion. En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article382
7. L’aide psychologique. L’accueil des victimes. En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article383
8. L’aide psychologique. Introduction au counseling. En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article384
9. L’aide psychologique. Rôles et limites de l’intervenant psychosocial. En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article385
10. L’aide psychologique. Le travail en réseau. En ligne sur http://www.resilience-psy.com/spip.php?article386

Bibliographie de l’auteur

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Josse É. (2017). Le traumatisme complexe, in Pratique de la psychothérapie EMDR, ouvrage collectif sous la dir. De Tarquinio C., Paris : Dunod
Josse É. (2017). Les traumatismes psychiques chez le nourrisson et l’enfant en bas-âge, in Aide-mémoire – Psychiatrie et psychopathologie périnatales en 51 notions, sous la dir. de Bayle B., Paris : Dunod.
Josse É., Maes J.-C. (2018). Se protéger du radicalisme. Couleur livres : Bruxelles
Josse É. (2ème ed. 2019). Le traumatisme psychique chez l’adulte. De Boeck, coll. Le Point sur : Bruxelles.
Nombreux articles d’Evelyne Josse sur http://www.resilience-psy.com

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