Attentat à Nice. Comment aider les enfants victimes?

Une interview d’Evelyne Josse par le journaliste Serge Poirot paru sur le site Ouest France , le 15 juillet 2016

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De nombreux enfants ont été victimes de l’attentat meurtrier à Nice, survenu jeudi soir sur la promenade des Anglais. Evelyne Josse, psychologue spécialisée en victimologie et psycho-traumatologie, exerce et enseigne en Belgique et en France. Elle a participé à de nombreuses missions dans des pays en guerre ou frappés par des catastrophes. Elle livre plusieurs pistes pour accompagner les enfants touchés par un traumatisme aussi violent.

Plusieurs enfants figurent parmi les morts, selon François Hollande qui a qualifié le drame survenu à Nice jeudi d’ « attaque dont le caractère terroriste ne peut être nié ». Un camion fou s’est élancé peu après 22h30 dans la foule rassemblée sur la promenade des Anglais, où de nombreuses familles étaient venues assister au feu d’artifice du 14 juillet.

Selon un dernier bilan officiel. Une cinquantaine d’enfants ont été hospitalisés dans un hôpital pédiatrique de Nice, où deux d’entre eux ont succombé à leurs blessures.

Entretien.

Quelle attitude les adultes doivent-il avoir avec les enfants qui ont vécu directement un attentat ?

Il est important d’expliquer ce qui s’est passé, de mettre des mots sur les choses. Mais il faut respecter leur rythme, éviter d’en parler tout le temps. Les enfants ont besoin de retrouver rapidement une vie d’enfant, une routine quotidienne, de la prévisibilité.

Le problème, c’est que, en général, ils étaient accompagnés de leurs parents et que les parents sont eux-mêmes traumatisés. Ils vont avoir des difficultés à les rassurer. Au bout de quelques jours, les parents qui ne parviennent pas à récupérer un état émotionnel satisfaisant devront se faire aider, aller consulter.

Est-ce que les enfants réagissent d’une manière différente de celle des adultes ?

Ils réagissent par de l’angoisse, qui va se manifester différemment en fonction de l’âge. Ils peuvent vouloir rester en permanence avec leurs parents, vouloir éviter ce qui leur rappelle les événements, éviter les conversations qui tournent autour en s’échappant ou en se bouchant les oreilles, surveiller leur environnement d’une manière inquiète.

Les peurs enfantines peuvent être exacerbées. Certains vont se mettre à bégayer, avoir des tics, être agités, se montrer agressifs, avoir des comportements régressifs comme faire pipi au lit… Le traumatisme est souvent silencieux chez l’enfant ; ils ne peuvent pas le verbaliser. Il faut être attentifs à ces symptômes.

Mettre des mots sur les choses : ce n’est pas facile, même pour les adultes.

Oui, c’est difficile d’expliquer l’inexplicable. On peut avouer notre incompréhension. Mais on peut rassurer en parlant des élans de solidarité, en disant que des mesures sont prises pour la sécurité. On peut expliquer que des personnes ont de la haine à l’égard de notre façon de vivre, mais qu’on ne peut pas accepter de tels actes.

Rappeler les valeurs de la démocratie. Ce qu’on peut dire dépend de l’âge de enfants, mais si on leur ment, on ne sera pas convaincant. Les enfants sont très sensibles à tout ce qui est non verbal.

Faut-il les tenir éloignés de la télévision ?

Il faut éviter les images, qui ont un pouvoir émotionnel important. Les images prises dans l’urgence, c’est brut, sans recul, sans grille de lecture. Je pense qu’il ne faut pas que les enfants regardent les actualités à la télévision, ou sur Internet, avant 10-12 ans.

Plus âgés, il faut que ce soit en présence d’adultes et, qu’après, on éteigne la télé pour en discuter, essayer de comprendre, les faire parler, dire ce qu’on a ressenti. C’est important d’être là.

Comment évoluent les enfants qui ont vécu de tels événements traumatisants ?

Ça dépend du soutien et de l’aide qu’ils reçoivent. Des enfants qui ont vécu la guerre se développent de façon correcte. En 1939, devant la menace de bombardement, le gouvernement britannique a fait évacuer 1,5 million d’enfants vers les campagnes.

On a constaté, quelques années plus tard, que les enfants évacués souffraient de conséquences plus persistantes que ceux qui étaient restés sous les bombes, avec leurs parents. Le meilleur soutien vient des parents. Leur présence et leur attitude sont primordiales.

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