Le terrorisme est-il une arme efficace ?

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Le terrorisme est-il une arme efficace ?

Une arme est utilisée dans l’intention d’infliger une blessure ou de tuer. Le terrorisme blesse et tue délibérément. Donc, oui, le terrorisme est une arme. Et c’est une arme efficace puisqu’elle peut blesser et tuer un grand nombre de personnes en peu de temps.

Efficace encore car elle contient en elle-même le présage funeste d’autres drames à venir.

Efficace aussi car elle impacte non seulement les victimes directes et leurs proches mais toute la population civile d’un pays et plus globalement, du monde occidental, voire émeut la planète entière par le biais des communications médiatiques.

Efficace parce qu’elle ébranle les civils mais secoue également le monde politique. Les gouvernements, le gouvernement français mais aussi le nôtre, sont contraints de prendre des mesures pour protéger leur population et mobilisent pour ce faire des moyens financiers, matériels et humains. Le fait que les Nations engagent leurs forces dans la lutte contre le terrorisme autorise à parler d’arme de guerre.

Efficace enfin parce que ces attentats vont laisser des traces durables. Durables et évolutives. En effet, ces dernières décennies, en Occident, la représentation mentale que l’on a du monde musulman a changé. Or, plus nous nous sentons en danger et menacé, moins nos représentations mentales sont nuancées et plus elles sont stéréotypées. Et plus nos représentations sont stéréotypées, plus elles déterminent des émotions fortes et des attitudes radicales. Comment reconnaître un intégriste? Difficile… Rien ne les distingue vraiment des honnêtes gens. Pour élaborer un attentat, les terroristes doivent se fondre dans la masse, se montrer discrets, éviter de donner à penser qu’ils sont prêts à commettre un acte d’une violence extrême. Dès lors, le risque est que l’on se méfie de plus en plus des musulmans, sans distinction. Et devant la défiance et le rejet injustifié dont cette partie de la population est l’objet, le danger est qu’elle radicalise elle aussi ses positions…

Il serait naïf de croire que les attentats vont renforcer les liens sociaux. Pour avoir travaillé dans des pays agités par des conflits ethniques et par le terrorisme, je peux affirmer que la peur de l’autre engendre méfiance et suspicion et que l’équilibre social s’en ressent. Il s’en trouve fragilisé et non pas renforcé. La peur est un moyen redoutable pour briser les liens qui unit deux communautés. En Algérie, les personnes en arrivaient même à se méfier de leur propre parenté car le terroriste pouvait être n’importe qui.

Donc, oui, la violence du terrorisme et la peur qui en découle sont rentables pour les agresseurs. Et comme lorsqu’ils y recourent, ils atteignent leur objectif, cela provoque un renforcement de ce comportement meurtrier. Raison pour laquelle on doit s’attendre à d’autres attentats…

Comme après les attentats de Charlie Hebdo et du supermarché casher de janvier 2015, on assiste aujourd’hui à une communion sociale qui peut faire croire à un renforcement des liens sociaux. Les gens se rassemblent, se recueillent, respectent un deuil national, font une minute de silence. Personnellement, je pense qu’il s’agit de rituels. Les rituels reconstruisent notre santé mentale communautaire, ils réaffirment notre cohésion sociale. En participant à de telles activités collectives, les personnes sont impliquées dans ce qui leur arrive mais aussi dans ce qui se passe autour d’elles. Elles sont socialisées de manière réflexive par l’interaction qu’elle génère elles-mêmes. C’est une manière de sortir de la stupeur et de l’effroi. Mais qu’en restera-t-il dans quelques semaines ? A part le risque de voir des liens se resserrer, certes, mais au sein d’une population divisée en deux communautés séparées…

Références bibliographiques

Josse E. (2014), Le traumatisme psychique chez l’adulte, De Boeck Université, coll. Ouvertures Psychologiques.

Josse E. (2011), Le traumatisme psychique des nourrissons, des enfants et des adolescents, De Boeck Université, Coll. Le point sur, Bruxelles

Josse E., Dubois V. (2009), Interventions humanitaires en santé mentale dans les violences de masse, De Boeck Université, Bruxelles.

Josse E. (2007), Le pouvoir des histoires thérapeutiques. L’hypnose éricksonienne dans la guérison du traumatisme psychique, La Méridienne-Desclée De Brouwer Editeurs, Paris

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