Les enfants face aux attentats

Un article d’Evelyne Josse, novembre 2015

Les enfants plus fragiles que les adultes

Longtemps, on a cru que les enfants étaient insensibles au traumatisme. Les plus jeunes n’avaient, pensait-on, ni la maturité ni l’expérience pour prendre conscience du danger, réaliser le caractère irréversible de la mort ou percevoir les souffrances endurées par leur entourage ; quant aux plus grands, ils ne disposaient pas, jugeait-on, de mémoire à long terme et ne pouvaient donc qu’oublier rapidement leurs chagrins et leurs frayeurs. On sait aujourd’hui que c’est précisément l’inverse qui se produit. La personnalité des enfants étant inachevée, elle est aisément perturbée par l’impact des événements tragiques. Il est aujourd’hui admis qu’ils peuvent souffrir durablement de tels événements, parfois même jusqu’à l’âge d’adulte. La personnalité des enfants et des adolescents risque donc de subir davantage d’altérations indélébiles que celle de leurs aînés. En effet, le traumatisme peut imprimer des marques durables sur leur personnalité en devenir et induire des attitudes et des comportements définitifs.

La symptomatologie des enfants

On trouve fréquemment chez les jeunes victimes directes d’attentats une exigence insatiable d’affection, des rapports capricieux avec leurs parents, une opposition à l’autorité, de l’agressivité et chez les plus grands, des conduites antisociales et toxicomaniaques1.

Les réactions des jeunes victimes diffèrent selon leur âge. Elles sont également fortement influencées par la réaction de leur entourage direct ainsi que par le niveau de détresse et de désorganisation que les événements entraînent dans leur univers. Confrontés à une situation tragique, les enfants et les adolescents se tournent instinctivement vers les adultes qui les entourent et s’identifient immédiatement à leurs attitudes et réactions. Leur comportement est donc souvent calqué sur le leur et profondément influencé par ce qu’ils pressentent de leurs attentes.

La détresse des enfants se marque par de l’anxiété. Par exemple, ils veulent éviter des lieux, des personnes et des conversations rappelant l’événement terrifiant ; ils surveillent de manière inquiète leur environnement ; ils craignent qu’un nouveau drame se produise ; leurs peurs infantiles tels que la peur des cambrioleurs, du noir, du loup et des créatures maléfiques sont exacerbées ; ils ont des crises d’angoisse ; ils sont agités ; ils bégaient ou ont des tics, etc. Ils réagissent également fréquemment aux expériences effrayantes par un attachement anxieux. Ils craignent que les personnes auxquelles ils sont attachés les abandonnent ou disparaissent. Dès lors, ils manifestent une anxiété intense ou de la colère lorsqu’ils en sont séparés, ils refusent de rester seuls ou d’aller se coucher et s’agrippent à leurs proches en présence de personnes étrangères.

Une autre manifestation de leur détresse sont les comportements régressifs. D’anciennes habitudes refont surface comme l’incontinence nocturne, la succion du pouce, le balancement machinal ou l’agrippement à un « doudou ». On peut également constater un recul dans l’apprentissage ou une perte d’aptitudes récemment acquises, par exemple, du langage, de la marche ou de l’autonomie. Tous ces comportements sont des moyens adoptés par les enfants pour se réconforter. C’est une manifestation habituelle de leurs angoisses.

Les troubles du sommeil sont eux aussi fréquents chez les enfants perturbés. Ils protestent au moment du coucher, réclament la présence d’un adulte, éprouvent des difficultés à trouver le sommeil, se plaignent d’insomnies, de cauchemars et de réveils anxieux.

Les enfants plus grands peuvent manifester leur mal-être en se montrant agressifs, voire violents. Ces comportements agressifs peuvent être tournés contre eux-mêmes, par exemple, s’arracher les cheveux, se griffer, se cogner la tête contre les murs, etc. ou être tournés vers autrui, comme par exemple, mordre, tirer les cheveux, griffer, frapper, distribuer coups de pied et de poing, lancer des objets en direction d’autrui, etc.

L’apparition de ces réactions est à considérer comme des réponses normales, du moins attendues, à un événement hors du commun, pénible ou effrayant. En dépit de leur caractère habituel, cela ne signifie pas qu’elles soient aisées à gérer par l’entourage.

Références bibliographiques
Josse E. (2014), Le traumatisme psychique chez l’adulte, De Boeck Université, coll. Ouvertures Psychologiques.

Josse E. (2011), Le traumatisme psychique des nourrissons, des enfants et des adolescents, De Boeck Université, Coll. Le point sur, Bruxelles

Josse E., Dubois V. (2009), Interventions humanitaires en santé mentale dans les violences de masse, De Boeck Université, Bruxelles.

Josse E. (2007), Le pouvoir des histoires thérapeutiques. L’hypnose éricksonienne dans la guérison du traumatisme psychique, La Méridienne-Desclée De Brouwer Editeurs, Paris

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Documents joints

Notes et références

  1. Pour de plus amples informations sur les symptômes que peuvent présenter les enfants après avoir été exposés à un événement traumatique, nous renvoyons le lecteur intéressé à l’ouvrage de Josse E. (2014), Le traumatisme psychique chez l’adulte, De Boeck Université, coll. Ouvertures Psychologiques.

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